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Sports

Le bluff de Conor McGregor et la réponse musclée de l'UFC

Le contentieux entre l'institution du MMA et son plus grand champion atteint de nouveaux sommets.
Photo by Jeff Bottari/Zuffa LLC

Comment en est-on arrivés là ?

Il y a un mois et demi environ, Conor McGregor était la meilleure chose qui était jamais arrivée à l'UFC : un talent fou mêlé à des capacités d'orateur hors pair, d'as du marketing et (le plus important) une loyauté à toute épreuve. Tous les événements dont il était la tête d'affiche ont réalisé des records d'entrée. Tous les combats qu'il a faits ont placé la barre très haute en termes d'inventivité et d'improbabilité. Toutes les conférences de presse où il s'est lâché se sont transformées en rentrées d'argent pour l'UFC.

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Mais désormais, Conor McGregor et ses parrains à l'UFC, le président Dana White et le CEO Lorenzo Fertitta, se sont éloignés de plusieurs années-lumières. Un petit tweet aux conséquences titanesques de la part de McGregor, suivi d'une réponse musclée de la part de White, et le monde du MMA était passé en pleine guerre froide.

Pendant un instant, j'ai cru que McGregor avait gagné son combat sur l'UFC. En réponse aux critiques de White, il annonçait qu'il refusait de remplir ses obligations médiatiques avant la revanche face à Nate Diaz à l'UFC 200. Dans un post Facebook plutôt éloquent, il avait pour argument le fait qu'il était le combattant le plus rentable de l'histoire de l'UFC et qu'il avait fait sa part de boulot promotionnel ces dernières années. Il pensait avoir mérité un peu de marge de manœuvre de la part d'une institution qu'il a aidé à populariser. « Je n'ai pas rejeté toutes les demandes d'interviews. Je voulais un simple ajustement. Mais on me l'a refusé, écrit McGregor. Je suis payé pour me battre. Je ne suis pas payé pour faire de la promo. Je me suis perdu dans le jeu de la promotion et j'ai oublié comment me battre. »

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La réponse de la communauté des combattants a été plus que positive, alors que McGregor n'était pas vraiment le champion de MMA le plus apprécié de ses congénères. On avait le sentiment que le message de McGregor avait touché un point sensible dans le petit monde de l'UFC, qu'il avait mis le doigt sur un aspect méconnu du métier que les combattants les moins biens payés (et donc moins puissants médiatiquement) n'auraient jamais osé aborder en public : le fait que les demandes en termes de promotion de l'UFC étaient onéreuses, épuisantes, unilatérales et qu'elles empêchaient les combattants de faire correctement leur boulot.

Soudain, il semblait que Conor McGregor - l'homme le plus matérialiste et narcissique du monde - était devenu autre chose, un porte-parole de son sport, un défenseur d'une cause noble, qu'il avait même peut-être fait cette transition rare de grande gueule talentueuse à figure historique, comme Mohamed Ali 50 ans avant lui. Ali avait transformé son égo surdimensionné en arme pour des causes politiques et raciales, McGregor allait utiliser son statut de roi du MMA pour un combat collectif afin d'assurer plus d'autonomie aux combattants. Ses raisons égoïstes qui le poussaient à ne pas honorer ses obligations contractuelles (« Je dois m'isoler maintenant », « Je fais ce qui est le mieux pour moi ») avaient un certain potentiel pour résonner chez ses collègues de l'UFC et créer une lutte commune. McGregor aurait pu devenir un héros populaire.

Mais l'UFC n'est pas devenue l'UFC en se faisant bouger par ses combattants et Dana White a mis les choses au clair, affirmant qu'aucun champion n'était plus fort que l'institution et que McGregor, en refusant de faire ce qu'on lui demandait, n'allait plus pouvoir affronter Nate Diaz à l'occasion de l'UFC 200.

A ce moment-là, un joueur de casino invétéré aurait conclu que McGregor avait pris le dessus : en tant que superstar hyper rentable de l'UFC, il avait assuré la publicité du combat d'une façon ou d'une autre, avec en plus la possibilité de négocier son retour sous ses propres conditions, qu'elles soient individuelles ou collectives. Mais, pile à ce moment-là, l'instinct de McGregor l'a lâché. Dimanche, il a ainsi tweeté qu'il était de retour à l'affiche de l'UFC 200 et a même remercié White et Fertitta pour « avoir fait cela pour les fans ». Mais ce qui semblait être un passage en force, un moyen de prouver aux dirigeants de l'UFC que les fans étaient massivement en faveur de son retour, s'est retourné contre lui le lendemain. Dana White déclarait alors que McGregor n'allait définitivement pas combattre en juillet prochain. Il ne savait même pas comment l'Irlandais avait pu se mettre cela en tête. « Je ne sais pas pourquoi il a a fait ça, a déclaré White. On ne s'est toujours pas parlé. On a fait une conférence de presse là-dessus. Je ne sais pas comment je pourrais être plus clair. » L'UFC, qui est la propriété d'imprésarios de casinos, avait dénoncé le bluff de McGregor.

Il semblerait que l'on soit entré désormais dans la phase punitive de la dispute entre l'UFC et McGregor. L'institution affirmant ainsi avec force qu'elle est plus importante que n'importe lequel de ses combattants et qu'aucun de ses champions n'est en position de la prendre en otage. Donc, non seulement McGregor n'est plus à l'affiche de l'UFC 200, mais Dana White a fait encore pire, en annonçant que la superstar ne combattra pas pour le retour de l'UFC à New York en novembre prochain, le premier combat de MMA dans l'Etat en 20 ans. Et cela, malgré le fait qu'un combat de McGregor à New York aurait ramené des millions de dollars tout en ayant été un raz-de-marée médiatique. Malgré aussi le fait que New York a été la ville d'adoption des Irlandais aux Etats-Unis depuis 150 ans, une ville qui a l'Irlande dans les veines, une ville qui aurait accueilli Conor McGregor en héros. L'UFC punit donc Conor McGregor en punissant les gens qui l'aiment le plus. C'est ce qu'on appelle des négociations serrées, j'imagine. Des négociations comme à Las Vegas.