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Sports

Aleksandr Mostovoï, la magie du Tsar

Msotovoï, sa crinière et sa patte soyeuse font partie des rares footballeurs russes à s'être exportés avec succès dans les grands championnats européens.

Parlez de Mostovoï à un supporter strasbourgeois et il se remémorera immédiatement son Racing faisant face aux cadors du continent. Idem pour un supporter du Celta Vigo qui se replongera avec délice et nostalgie dans les années fastes de son club, durant lesquelles les Galiciens étaient présents sur la scène européenne et dans le top 5 de la Liga. Toute la ville était sous le charme, et elle n'était pas la seule. Joel Amorim, auteur pour le site Russian Football News, ne cache pas son admiration pour l'élégant milieu de terrain russe qui a brillé dans les années 90 : « La faible connexion satellite m'a donné l'opportunité de regarder quelques glorieux moments du football que je n'oublierai jamais, la plupart d'entre eux réalisés par un grand artiste que j'ai appris à admirer et que je crois être, encore à ce jour, l'un des joueurs les plus talentueux du football moderne », explique ainsi le rédacteur en parlant du Tsar.

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Aleksandr Mostovoï a laissé une trace indélébile au Celta Vigo durant ses 8 années passées dans le nord de l'Espagne. À son arrivée en 1996, le club est dans le ventre mou du classement, fleurant avec la relégation. « À ce moment, les terrains, le centre d'entrainement, les vestiaires au Celta étaient pires que la plupart des clubs russes de première division, voire de deuxième », raconte ainsi le joueur.

Le club se maintient, finissant à la 16e place en fin d'exercice. Mais dès la saison 1997/98, Aleksandr Mostovoï montre l'étendue de son talent. Le stade Balaidos tombe sous le charme de ce Russe caractériel, technique ballon au pied et disposant d'une vision du jeu fantastique. Composée de joueurs tels que Dutruel, Salgado, Mazinho ou de son compatriote Karpine, Mostovoï s'exprime parfaitement dans cette équipe, derrière l'attaquant de pointe. Le Celta finit cette saison à la 6e place et se qualifie pour la Coupe de l'UEFA, la saison suivante, l'équipe accroche la 5e place de la Liga et réalise de belles victoires, notamment à Bernabeu, contre le Real Madrid (2-1), où le joueur inscrit un doublé.

El tsar, comme le surnomment les supporters du Celta Vigo, continue de maintenir los Celestes au top de la Liga, permettant ainsi au club de jouer tous les ans la Coupe UEFA. Le club est éliminé deux fois en ¼ de finale de la Coupe UEFA par l'OM durant la saison 98/99 et par le RC Lens durant la saison 99/2000, les années se suivent et se ressemblent. Vainqueur de la Coupe intertoto en 2000, Mostovoï réalise sa meilleure saison en 2002/03, inscrivant 10 buts en 30 matchs, notamment un doublé contre le Barça (victoire 2-1).

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La saison 2003/04 reste celle de trop pour Aleksandr Mostovoï. Il quitte le club relégué en deuxième division espagnole après huit années de bons et loyaux services et un total de 235 matchs et 55 buts marqués sous les couleurs du club galicien. Une légende encore aujourd'hui inégalée au Celta Vigo.

Plus qu'une feuille de stats flatteuse, le tsar laisse aux supporters du Celta quelques souvenirs impérissables, comme ce match remporté cinq buts à un contre le Real Madrid, pendant lequel Mostovoï a montré toute l'étendue du talent. Buteur, passeur décisif, des dribbles en-veux-tu-en-voilà, des centres millimétrés… le Russe est alors ce joueur complet qui sublime l'équipe et enchante les tribunes. Celui qui attire tous les regards et fait rêver les foules.

Pour accéder à ce statut, Mostovoï pouvait compter sur un coup de patte exceptionnel, qu'il a façonné dès son enfance et les débuts de sa formation. Né le 22 août 1968 à Ostankino, dans la région de Moscou, il grandit au côté d'un père footballeur dans le club de la ville. Ce dernier eut l'opportunité de rejoindre le Spartak après un match contre l'équipe B moscovite durant lequel il marqua un doublé. Les dirigeants discutèrent de son transfert, mais les représentants d'Ostankino lui donnèrent volontairement 5-6 ans de plus que son vrai âge ce qui découragea les dirigeants du Spartak Moscou et poussa le père de à continuer à jouer pour le club d'Ostankino. Une histoire qu'Aleksandr apprit de la bouche du grand footballeur et hockeyeur Nikolaï Starostin en personne.

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Quoi qu'il en soit, Aleksandr trace son chemin sans l'aide de personne, pas même de son père. Après avoir participé à de nombreux tournois pour enfants, il est repéré par l'école du CSKA. Alors qu'il joue numéro, il est alors repositionné en soutien de l'attaquant. Une révélation, comme il l'explique dans son livre : « À cette position, technique et nécessitant une bonne vision du jeu, je pouvais compenser ma fragile morphologie. C'est ainsi qu'à l'âge de 13 ans, je jouais milieu de terrain ».

Photo Flickr via Charlie Cunningham

De l'école du CSKA, il est envoyé au club « Krasnaya Presnya », filière du Spartak Moscou. Ce club fondé en 1978 a vu passer de nombreux joueurs devenus célèbres par la suite sous les couleurs du Spartak comme notamment Sergei Rodionov, Yuri Gavrilov ou Alexandre Prokhorov. En 1987, l'équipe est alors entraînée par un certain Oleg Romantsev. « Il m'a aidé, non seulement à améliorer mes capacités footballistiques, mais aussi, avec Valery Vladimirovich Zhilyaev, à prendre des décisions concernant des questions de la vie quotidienne », poursuit Mostovoï.

Ainsi, quand une personne demande à Aleksandr de choisir son entraîneur numéro un, ce dernier ne met pas bien longtemps à réfléchir et répond d'un « Romantsev, bien sûr » plein d'assurance. Il faut dire que ce dernier est à l'origine de son intégration au Spartak, puisqu'il lui avait demandé d'intégrer le club du peuple et d'y jouer pour la deuxième équipe du club. Sa progression est alors fulgurante et l'amène à intégrer rapidement l'équipe première. Coaché par Konstantin Beskov puis Oleg Romantsev, Aleksandr Mostovoï acquiert l'ADN du club moscovite, à savoir un jeu collectif rôdé, fait de passes en une touche de balle et un jeu vertical rapide. Cet apprentissage tactique se passe dans un environnement et une période propice aux meilleurs enseignements, loin de l'état actuel du Spartak. Une période heureuse et fructueuse pour le jeune Tsar en devenir : tout au long de sa carrière, même loin de sa Russie natale, il se fait fort d'appliquer ces préceptes et de les magnifier par sa technique.

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« Lorsque Konstantin Beskov m'a pris au Spartak à l'âge de 18 ans, il m'a placé sur le côté gauche. À cette position, la meilleure des choses était d'entourer rapidement un défenseur, voire deux, et j'ai eu un certain succès à ce poste. En jouant au cœur du jeu, je ne pouvais plus garder la balle, la meilleure solution était de faire une passe rapide à un partenaire. Ce fut une caractéristique de mon jeu en sélection nationale et au Celta Vigo. […] Jouer au centre, en soutien de l'attaquant, a toujours été mon rôle préféré au football » expliquait ainsi l'intéressé.

De 1987 à 1992, Aleksandr Mostovoï côtoie ce qui se fait de mieux en Union soviétique, puis en Russie, avec des Rinat Dasaev, Aleksandr Bubnov, Igor Shalimov ou Sergei Rodionov. Il est surtout, par rapport à son poste, dans l'ombre de Fedor Cherenkov, légende adorée du Spartak des années 80. Malgré cela, il réalise une belle première saison, jouant 18 matchs, marquant 6 buts et remportant le championnat d'URSS 1987. La saison 1988, plus difficile, marque la fin de l'ère Beskov au Spartak ; mais c'est à partir de 1989, sous l'impulsion du nouvel entraîneur Oleg Romantsev, avec lequel il remporte le championnat 1989, que le joueur commence à exploser au Spartak, et ce jusqu'à la saison 1991 durant laquelle il joue 27 matchs et marque 13 buts, son meilleur résultat sous le maillot moscovite. Il se fait connaître en Europe lors du superbe parcours du club en Coupe des Champions en 1990/91 où le Spartak élimine le Napoli de Maradona et bat le Real Madrid à Bernabeu (3-1) avant que l'OM de Papin et de Waddle mette un terme à l'idylle en demi-finale.

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Mostovoï face au grand OM des années 90. Photo moiceleste.com

Mais en 1991, l'URSS se déchire et le jeune Mostovoï, comme bon nombre de joueurs soviétiques à l'époque, est attiré par l'étranger. « Je suis allé en Europe pour ouvrir mon horizon footballistique, pour trouver de nouvelles sensations afin de me sentir comme un vrai pro et, sans le cacher, pour l'argent. Les salaires auraient été comme aujourd'hui, je ne serais probablement pas parti jouer à l'étranger. Le niveau des entraineurs et des partenaires me convenait au Spartak. »

Malgré le désaccord de Romantsev, qui souhaite garder le joueur au club, la piste du Bayer Leverkusen se profile pour Mostovoï. Une prise de contact et de longues négociations entre les deux parties sont alors engagées durant l'année 1991 tandis qu'Aleksandr Mostovoï s'entraîne même avec l'équipe allemande. Mais deux anciens coéquipiers, Sergei Yuran et Vasili Kulkov, vont alors le faire changer d'avis et totalement bousculer les plans envisagés par le joueur.

Ces deux joueurs ont quitté l'URSS en 1991 pour s'engager avec Benfica et découvrir le Portugal. Attiré par le discours de ces deux ex-partenaires, Mostvoï se décide à s'intéresser au projet Benfica, un club qui est également motivé par la venue du Russe. C'est ainsi que le milieu de terrain russe pose ses bagages à Lisbonne où il y signe un contrat de quatre ans et demi. Une aventure qui tourne rapidement au vinaigre, la faute à un championnat portugais n'autorisant, à cette époque, que trois étrangers sur le terrain tandis qu'une bonne dizaine d'entre eux sont présents dans le club portugais. Le transfuge russe ne joue alors que très peu, et doit, en plus de tout ça, faire face à une génération portugaise composée de Paolo Sousa, Rui Costa, Joao Pinto ou encore Moser. Deux ans plus tard, voilà que le Russe décide déjà de se trouver une nouvelle porte de sortie. Une porte qui le mène tout droit vers la France et le Stade Malherbe de Caen.

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Le SM Caen est durant la saison 1993/94 à la lutte pour le maintien . L'arrivée d'Aleksandr Mostovoï fait alors un bien fou aux Caennais et devient rapidement une pièce maîtresse de l'équipe avec laquelle il marque notamment un but victorieux face à l'OM (1-0). Si le SM Caen se maintient dans l'élite, le club voit son entraîneur Daniel Jeandupeux s'en aller vers une autre région et un autre club, à savoir le Racing Club de Strasbourg. Avec de meilleures ambitions et sous la houlette de son nouveau président Roland Weller, le club strasbourgeois se décide également à payer la somme demandée par Benfica afin de ramener Mostovoï dans les bagages que son entraîneur.

À l'image de ses ambitions, le club recrute fort durant cette année 94 avec les arrivées de Franck Sauzée, Xavier Gravelaine ou encore du portier slovaque Alexander Vencel. Si Aleksandr Mostovoï peut espérer un avenir radieux, les résultats, eux, ne sont pas au niveau des attentes. Malgré un talent certain, parfois exceptionnel, Mostovoï et son équipe se voient trop inconstants pour espérer atteindre le Graal. Durant deux saisons, le Racing finit au milieu du classement (10e en 94/95 et 9e en 95/96). Si la Division 1 ne réussit pas forcément au club, il peut tout de même se rattraper dans les coupes, d'abord en Coupe de France durant la saison 94/95 où il échoue en finale contre le PSG, 1-0, sur un but de Paul Le Guen , puis sur la scène européenne en remportant la Coupe Intertoto 1995, puis en allant jusqu'en 1/16e de finale face au Milan AC contre qui ils perdront (0-1, 1-2). Bien maigre pour un club aux ambitions importantes.

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Il est d'ailleurs curieux de voir ce Racing remporter la Coupe de la Ligue la saison suivante sans toutes ces stars. Comme quoi, empiler les joueurs n'est pas toujours gage de succès. Mais Mostovoï, comme partout où il passe, laisse une trace indélébile en Alsace. Outre le fait de rencontrer sa femme durant ses années strasbourgeoises, il marque les esprits et fait déplacer des supporters qui demandent qu'à admirer ses crochets dévastateurs, ses passes millimétrées ou ses coups francs chirurgicaux, comme celui du 2-0 contre le FC Nantes, lors de la saison 94/95, qui stoppe l'impressionnante invincibilité des Canaris.

Les ambitions ne durent que deux ans et, en 1996, l'effectif connait un exode massif de ses joueurs. Martin Djetou part pour Monaco, Sauzée pour Montpellier, Marc Keller pour Karlsruhe et Frank Leboeuf pour Chelsea. Mostovoï, lui, voit les propositions affluer d'Allemagne et surtout d'Italie, où la Lazio et l'AS Rome sont très intéressées. Mais, à la surprise générale, Mostovoï se tourne vers le Celta Vigo. On connaît la suite…

Le club espagnol façonne une légende. Une légende marquée par des regrets. « Maintenant (en 2004, ndlr), une belle erreur me revient en mémoire, quand il y a 3 ans, j'ai refusé de partir à Liverpool. Vous vous souvenez, j'imagine, de cette période où Liverpool gagna 3 coupes ? Voilà. Une grosse erreur. » Tout en ajoutant, « j'avais un accord oral avec un club des pays arabes. Mais lorsque le Celta a atteint la Ligue des Champions, il fut décidé que je reste une saison de plus. Maintenant, pour un certain nombre de raisons, le Celta ne peut pas atteindre les mêmes objectifs qu'auparavant et je n'ai désormais plus la même motivation. »

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« La Sélection soviétique de l'époque n'était composée que de joueurs du Dinamo Kiev. Des jeunes, Lobanovski n'a retenu qu'Igor Shalimov qui convenait le plus au jeu du Dinamo Kiev. »

Mostovoï sur son rapport à la sélection russe

Si la légende du Tsar s'écrit en club, son parcours en sélection est tout autre. La Sbornaya époque Mostovoï traverse une période mouvementée liée aux événements politiques du pays. Symbole de cette situation, Mostovoï, comme d'autres, enfile successivement le maillot de l'URSS, celui de la CEI, pour finir avec celui de la Russie. Pourtant, son parcours sous le maillot de la sélection nationale débute plutôt bien avec une victoire dans le Championnat d'Europe espoir en 1990, bien que sa place chez les A soit, elle, complètement inaccessible. La faute à la présence d'un certain Lobanovski, emblématique entraîneur du Dynamo Kiev, qui s'appuie principalement sur les joueurs du club, comme l'expliquait Mostovoï.

Mais année après année, la grande équipe de Lobanovski, vieillissante, ne fait plus peur à personne. Un an plus tard, l'URSS n'est plus et est remplacée par la CEI (Communauté des États indépendants) qui envoie une équipe composée de Russes et d'Ukrainiens. Durant la phase de groupe éliminatoire pour l'Euro 92, Mostovoï et ses partenaires parviennent à finir deuxième derrière la Grèce et, ainsi, se qualifier pour l'Euro 92. Mais, quatre jours avant le départ pour la compétition, Mostovoï est victime d'une inflammation de la jambe et doit être opéré. Anatoli Bychovets, entraineur de la sélection, n'a pas d'autre solution que de le laisser à l'écart tandis que son équipe est éliminée dès le premier tour.

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© Якушкин Иван

© Якушкин Иван

En 1993, durant la phase de qualification pour la Coupe du Monde 94 aux États-Unis, Aleksandr Mostovoï se retrouve impliqué dans l'affaire de la « lettre des 14 », lettre ouverte écrite après la défaite de la Russie contre la Grèce à Athènes par des joueurs de la sélection nationale et signée par 14 joueurs, dont Mostovoï. Cette lettre déplore le manque de soutien logistique de la Fédération russe à la sélection, critique ouvertement l'entraîneur Sadyrin en place et demande une modification des conditions de rémunération. Comme on peut l'imaginer, cette lettre reste en travers de la gorge des caciques de la fédé et Mostovoï, comme les autres signataires, se retrouve sous le feu des projecteurs, critiqué de toute part. Cet épisode va marquer profondément sa relation avec la sélection, et ce pendant des années. Cette initiative menée par Shalimov est pourtant destinée à faire bouger les choses dans la relation entre les joueurs, le staff et les dirigeants. Écarté de la sélection, Mostovoï est finalement sélectionné pour aller aux États-Unis, mais, sa situation étant à ce moment difficile du côté de Benfica, il doit saisir chaque occasion afin de se montrer sur un terrain pour s'attirer les bonnes grâces du sélectionneur.

« J'étais presque sûr que je ne jouerais pas. Par la suite, nous avons à de nombreuses reprises rigolé au sujet de ce championnat, car nous avions l'impression que ce n'était pas une équipe de foot qui y allait, mais un groupe de touristes profitant de l'Amérique. »

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Aleksandr Mostovoï, Tsar en vacances

C'est ainsi qu'ils se présentèrent à la Coupe du Monde en tant que simples touristes. Pour ne rien arranger les choses, la Russie se trouve alors dans le groupe de la mort composé du Brésil, du Cameroun et de la Suède. Les Russes terminent à une troisième place honorable grâce à une victoire fleuve contre le Cameroun, six buts à un avec notamment un quintuplé de Salenko, record historique en Coupe du Monde.

Lors du Championnat d'Europe 96 en Angleterre, Mostovoï croit alors aux chances de la Sbornaya. Sous l'égide de Romantsev, le Spartak est à l'honneur avec des joueurs tels que Onopko, Beschasnykh ou Karpin. Alors que la phase qualificative se passe sans encombre, la Russie tombe encore dans le groupe de la mort avec l'Italie, l'Allemagne et la République tchèque. Deux défaites (2-1 contre l'Italie et 3-0 contre l'Allemagne) et un nul face aux Tchèques (3-3) scellent les espoirs russes. Une énorme déception pour Mostovoï.

Le Tsar ne revient sur la scène internationale que pour le Mondial 2002. En grande forme avec le Celta Vigo, le sort s'acharne malheureusement une nouvelle fois sur lui puisqu'il se blesse peu avant la compétition contre la Yougoslavie lors d'un tournoi international. La Coupe du Monde s'éloigne de nouveau pour le Russe… mais Mostovoï se bat et parvient à se rétablir à temps. Malgré sa présence, la Russie ne peut sortir d'un groupe composé du Japon, de la Tunisie et de la Belgique. Un tournoi durant lequel Aleksandr ne connait pas la joie de fouler une pelouse.

Sa dernière participation à une compétition internationale se termine -encore une fois- bien mal. Commencé sous le coaching de Gazzaev, Georgi Yartsev reprend les commandes de l'équipe et la qualifie difficilement pour le Championnat d'Europe 2004. Dans un groupe composé du Portugal, de l'Espagne et de la Grèce, la Russie semble largement outsider. La défaite 1-0 contre l'Espagne fait alors apparaître des tensions au sein du groupe, membre toujours important du collectif, Mostovoï se permet à la fin du match de critiquer ouvertement l'entraîneur russe et ses méthodes par l'intermédiaire de la presse espagnole. Alors que la Russie a encore toutes ses chances de qualification et se prépare à un match capital contre le Portugal, Georgi Yartsev décide de renvoyer Aleksandr Mostovoï de la sélection tandis que son équipe termine ce Championnat d'Europe à la dernière place. À 35 ans, c'en est fini de Mostovoï. Son franc parlé a mis un terme à une carrière internationale minée par les blessures. Difficile de ne pas avoir de regrets quand on sait l'énorme talent dont n'a pas pu profiter son pays.

Mostovoi (à gauche, en blanc) décoche une frappe à l'Euro 96/ Photo Flickr via ahwoodall@btopenworld.com

Malgré cette désillusion qui fait partie de la carrière d'un footballeur, il existe un « paradoxe Mostovoï ». Celui d'un homme capable de laisser une trace indélébile dans tous les clubs où il est passé, mais, dans le même temps, de disposer d'une armoire à trophées relativement vide quand on connait le talent du bonhomme.

Plus que ça, Mostovoï est l'un des seuls Russes (ou le seul) ayant joué à l'étranger à avoir laissé une image si importante. Si Arshavin, à Arsenal, ou Pavlyushenko, à Tottenham, restent dans les esprits, ils ne seront jamais légendes dans ces clubs, et n'auront jamais la place qu'a pu avoir un Mostovoï.

Qu'est-ce qui fait qu'un Russe réussisse à étranger ? La réponse ne semble pas être dans le football, mais dans la personnalité du joueur, comme le résume Alexandre Kotchetkov. « À mon avis, il y a 4 raisons. La première, Mostovoï a appris facilement et rapidement les langues des pays dans lesquels il a joué. Aleksandr se débrouille en Portugais, en Français, en Espagnol. Le Français est d'ailleurs devenu pour lui une langue maternelle du fait que sa femme soit française. Deuxièmement, pour Mostovoï, un footballeur doit toujours prouver sa classe sur le terrain, et non avec les mots. C'est pourquoi il ne se disputait pas avec ses entraineurs, n'était pas en conflit avec ses partenaires. Il faisait simplement son job sur le terrain. Troisièmement, même après son échec au Benfica, il n'a cessé de croire en ses capacités, que son heure de gloire viendrait tôt ou tard. Et pour finir, Mostovoï est une star seulement sur le terrain. En dehors, c'est un homme ouvert et sociable, qui a toujours tenu à répondre de ses responsabilités sportives. »

Quoi qu'il en soit, je préfère me souvenir de lui, alignant les crochets pour passer en revue toute une défense plutôt que de me demander pourquoi diable ce joueur n'a pas performé dans les plus grands clubs du continent malgré son incontestable talent. La magie Mostovoï vaut bien cela.

Les citations sont traduites du russe par Vincent Tanguy à partir du livre « По прозвищю « Царь » » et de différentes interviews sur les sites russes Rusteam et Fanat1k.

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