L’étudiant autrichien devenu fan du Red Star
Illustrations : Leïla Courtillon pour VICE

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Coup de coeur

L’étudiant autrichien devenu fan du Red Star

Débarqué de Vienne en 2011 pour une année d’études Erasmus, Christoph Heshmatpour est tombé amoureux du club de Saint-Ouen. Il a gardé des souvenirs impérissables de cette aventure, qu’il a compilés dans un livre.

VICE France et le Red Star se sont associés pour suivre la saison des Vert et Blanc de Saint-Ouen sur et hors des terrains, auprès des joueurs, du staff, des supporters et de tous ceux qui gravitent autour de ce club historique du foot français. Aujourd'hui, on vous présente un jeune Autrichien qui a découvert le Red Star lors d'une année d'étude à Paris. Il a ramené son amour pour le club de Saint-Ouen chez lui et l'a fait découvrir à ses compatriotes.

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C'est un vaste appartement de Saint-Ouen, à deux pas des puces de Clignancourt, et dix minutes de marche de Montmartre. Aux alentours, le bourdonnement des pots d'échappement, l'écho des klaxons et l'air pollué viennent rappeler que le périph' n'est qu'à quelques encablures. Christoph Heshmatpour pose ses valises ici, rue de l'Entrepôt, pour une année d'Erasmus, en 2011. L'étudiant de 27 ans suit un cursus de Lettres et vient d'obtenir une bourse pour finir ses études après avoir travaillé dans le journalisme sportif.

Plus de mille kilomètres le séparent alors de son Autriche natale et de sa capitale, Vienne. C'est dans la ville des Habsbourg que Christoph a grandi, « pas loin du stade du Rapid Vienne », le plus grand club du pays. À son bahut, on distribue des places pour aller zieuter l'équipe la plus populaire d'Autriche. « En 1999 le Rapid a signé Dejan Savicevic et j'ai commencé à aller fréquemment au stade », se souvient Christoph. Mais le feeling ne passe pas avec les ultras,
« qui se prennent trop au sérieux ». Durant ses années de fac, Christoph traîne ses basques au First Vienna FC et au Wiener Sportklub, deux équipes historiques viennoises qui évoluent alors en D3, attiré par une ambiance atypique et étudiante. Une atmosphère qu'il va retrouver des années plus tard en banlieue parisienne, en Seine-Saint-Denis.

Au moment d'emménager à Paris, un club lui fait les yeux doux : le Red Star. La proximité de son appartement avec le stade Bauer s'occupe du reste, bien aidée par le peu d'attrait des autres clubs du coin. « Le PSG, était trop grand, surtout après l'arrivée des Qataris. Le Paris FC, mort, et Créteil, trop loin », juge Christoph. Au niveau sportif, le club audonien retrouve le National après une dizaine d'années de reconstruction, entre CFA et Division d'honneur. Christoph assiste à ses premiers matches, et se souvient avoir pris place dans des tribunes clairsemées, « à côté de quelques vieux et des enfants du du club. »

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Pourtant, il tombe très vite sous le charme de l'ambiance singulière du club de Saint-Ouen. « J'ai toujours aimé passer des moments avec mes potes lors de matches de foot. La bière n'est pas chère, la saucisse est bonne et l'ambiance conviviale ». Une authenticité qui lui rappelle celle du First Vienna FC qu'il fréquentait avant son départ pour la France.

Au fil des matches, l'étudiant se montre plus assidu au stade Bauer qu'en amphi' pour ses cours à l'université. Les cordes vocales s'usent, les pintes de houblons s'éclusent et les contacts se nouent. « Le Red Star est un petit club. On voit tout le temps les mêmes têtes, c'était simple de faire des rencontres. » L'heure est à l'adhésion au collectif Red Star Bauer et aux premiers déplacements, facilités par le train de vie d'étudiant Erasmus. « J'étais chaud pour voyager et je touchais pas mal de bourses. J'ai eu le temps et les moyens financiers », explique-t-il dans un français presque parfait.

Lors de notre première rencontre, à Vienne en novembre 2016, Christoph m'avait raconté au détour d'une balade le long du Danube les déplacements épiques qu'il a connus avec le Red Star. « Mon premier a été un match fou à Colmar où le Red Star n'a fait que défendre. L'équipe a joué à dix pendant une heure et à la 93e minute, elle marque le seul but du match sur sa seule frappe. » L'attaquant audonien Geoffrey Malfleury avait permis à son équipe, alors lanterne rouge de National, de repartir victorieuse d'Alsace, pour le plus grand bonheur de Christoph : « Après ce match, j'étais accro. »

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Les matches filent au même rythme que les kilomètres pour le supporter autrichien, qui enquille les déplacements, condition sine qua none selon lui pour « vraiment s'immerger dans un club ». Malgré ce soutien inébranlable, le Red Star est relégable à la mi-saison. Les choses s'améliorent après la trêve, période marquée notamment par la réception de l'OM en Coupe de France. Un match délocalisé au Stade de France devant 40 000 personnes, malheureusement perdu 5-0 par les Audoniens. Mais l'essentiel est ailleurs. Après une belle seconde partie de saison, le Red Star termine à une honorable 11e place, largement suffisante pour se maintenir. Une victoire pour Christoph, qui quitte Paris des souvenirs plein la tête, partagé entre la tristesse de ce départ et l'enthousiasme de retrouver l'Autriche.

« Le Red Star est un petit club. On voit tout le temps les mêmes têtes, c'était simple de faire des rencontres »

Cinq ans plus tard, Christoph roule sa bosse à Vienne. Lui qui sévissait dans les colonnes du Ballesterer, le So Foot autrichien, bosse désormais au ministère des Transports, clin d'œil à son goût prononcé pour les déplacements avec le Red Star. C'est d'ailleurs à l'extérieur qu'il a assisté à un match de son club de cœur pour la dernière fois. À Niort, pas la ville la plus sexy du pays, mais « Beauvais ne m'intéressait pas du tout », précise-t-il. « On était cinq supporters du Red Star à se déplacer dont un ancien qui avait déménagé à Niort quelques mois plus tôt. D'une certaine manière ça m'a rassuré. Le Red Star a changé, mais les déplacements restent la même galère pour cinq ou dix supporters qui traversent toute la France pour voir un match de foot dans une ville dont personne ne connaîtrait le nom s'il n'y avait pas une équipe de foot », poursuit le Viennois avec son franc-parler.

Aujourd'hui, Christoph doit concilier son amour pour le maillot audonien avec son boulot et une situation de père de famille. Un quotidien qu'il mène loin de Bauer et de ses fans les plus fervents. Des supporters avec qui il s'est lié d'amitié et qui appartiennent à un épisode de sa vie qu'il considère avec pragmatisme : « Je ne vois quasiment plus les autres supporters. Certains sont toujours mes amis sur Facebook. J'adhère toujours au collectif Red Star Bauer, mais à part la cotisation je n'apporte rien à l'association. » Peu après son départ de Paris, le Viennois a quand même pris soin de retranscrire les émotions vécues pendant plusieurs mois.

À la fin de son année Erasmus, Christoph réalise une chose : « Je n'avais gardé aucun souvenir de mon année, sauf ceux que j'avais en tête. » Le supporter ne veut pas tirer un trait sur ces mois d'exaltation et décide de les coucher sur papier. « Le texte que j'ai écrit n'est pas un roman, c'est plutôt un ensemble de souvenirs fragmentés », clarifie Christoph. Un texte qui prend le nom de Bienvenue en Banlieue Rouge, Mein Jahr mit dem Red Star FC et qui relate l'année vécue par Christoph, entre passion pour le Red Star, vie parisienne et soirées étudiantes. À peine achevé, l'ouvrage va se forger une petite réputation et passer de main en main dans les tribunes des divisions inférieures, surtout en Allemagne. « Des supporters de L'Altona 93, un petit club basé à Hambourg, l'ont publié sur papier. » Emballés par le récit, les fans du club hambourgeois impriment le texte et le diffuse lors des matches de leur équipe.

Avec tout le recul sur Saint-Ouen qu'il peut avoir depuis son appartement viennois, Christoph reste déconcerté par l'envergure prise par ce bouquin. « Je suis toujours étonné par le lien que ce texte a créé, le nombre de personnes qui m'ont contacté sur les réseaux sociaux en me disant qu'ils allaient voir un match du Red Star suite à sa lecture. » De son propre aveu, si les pages étaient à nouveau blanches, certains chapitres de ce livre seraient différents. Lorsqu'il feuillette ses souvenirs de son année avec le Red Star, Christoph a la sensation désagréable de contempler une vieille photo de lui-même : « Tu as changé, mais elle non. » Sûrement pour cela qu'en quittant Bauer, il n'a gardé aucun autre souvenir que ceux qui trottaient dans son esprit.