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Drogue

Les provinces ne pourront pas interdire la culture du cannabis à domicile, dit Ottawa

Le fédéral rejette l’amendement du Sénat qui aurait permis au Québec et au Manitoba de l’interdire.

Le bras de fer entre Ottawa et le Sénat est enclenché. La nuit dernière, la ministre fédérale de la Justice a déposé un avis rejetant plusieurs amendements proposés par le Sénat, dont celui qui aurait permis aux provinces d’interdire la culture du cannabis à la maison.

Les libéraux tiennent à ce que tous les Canadiens puissent faire pousser leur cannabis; c’est selon eux une manière de plus d’enrayer le marché noir.

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« Le gouvernement a été clair que les provinces et territoires sont capables d’imposer des restrictions supplémentaires en ce qui concerne la culture personnelle, mais qu’il est essentiel que la culture personnelle soit permise afin de soutenir l’objectif du gouvernement de déplacer le marché illégal », peut-on lire dans l’avis de la ministre Jody Wilson-Raybould.

Le Québec ne veut pas de pot maison

En présentant leur projet de loi l’an dernier, les libéraux fédéraux ont annoncé qu’ils permettraient aux Canadiens de faire pousser jusqu’à quatre plants de cannabis par logement, mais que les provinces pourraient réduire ce nombre de plants permis.

Les gouvernements du Québec et du Manitoba ont hoché de la tête, et ont décidé de fixer le nombre de plants permis à, hum, aucun plant.

Québec a adopté hier son projet de loi sur l’encadrement du cannabis, dans lequel il est stipulé que cette culture personnelle sera interdite.

La ministre déléguée à la Santé publique, Lucie Charlebois, a déjà expliqué son point de vue sur le sujet. En entrevue sur le plateau de Tout le monde en parle en novembre, elle s’était inquiétée de la sécurité des jeunes. Elle a avancé qu’il serait possible que ses petits enfants jouent dehors, s’enfargent dans les plantes des voisins et tombent tout en consommant du cannabis par accident. (To be fair, ça doit figurer au top 15 000 des phobies les plus communes.)

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Plus récemment, elle a estimé que la culture à domicile ressemblait trop au marché illégal. « Si vous avez un bloc appartements où il y a 12 logements [et qu'on multiplie] par quatre, ça fait 48 plants dans la cour. On n’est pas bien loin d’une plantation commerciale, on crée un autre marché illicite », a-t-elle dénoncé.

(Pour comparer, en février dernier, quand Canopy Growth a ouvert une usine de production de cannabis à Langley, en Colombie-Britannique, la compagnie y a fait parvenir 100 000 plants à partir de l’Ontario, soit un peu plus de 48.)

Comme elle l’a souligné plusieurs fois en point de presse hier, Mme Charlebois juge que la province est dans son plein champ de compétence pour interdire la culture personnelle de cannabis.

La primauté de la loi fédérale

Ottawa n’est pas exactement du même avis, et croit que c’est sa loi qui devra être respectée.

La ministre de la Justice a répété qu’elle ne prendrait pas la voie des tribunaux pour contester la loi provinciale, elle laisserait aux citoyens le soin de le faire. Si le conflit se rend en cour, « la loi fédérale prévaudra », a assuré la ministre Wilson-Raybould devant un comité sénatorial, en mars.

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Mais le Québec n’a pas dit son dernier mot. « C’est pas comme si on interdisait la consommation ou de vendre du cannabis », s’est défendue hier Lucie Charlebois. Elle se dit est prête à aller défendre ses positions devant les tribunaux, même si elle déplore du même souffle un gaspillage de fonds publics. « On va assumer nos responsabilités », a-t-elle tranché.

Un débat qui s’étire

L’amendement du Sénat aurait permis aux législations fédérale et provinciales de coexister, de manière à éviter un règlement de la question en cour.

Comme les libéraux rejettent cet amendement, la Chambre des communes et le Sénat s’engagent dans une partie de ping-pong: ils vont se renvoyer le projet de loi amendé - ou non - jusqu’à ce qu’ils s’entendent sur un même texte.

Le tout pourrait mettre à risque l’adoption du projet de loi avant la suspension des travaux parlementaires, le 22 juin, et retarder la légalisation.