Miley Serious veut transposer l’esprit communautaire du punk dans la scène électronique
Toutes les photos sont de Pauline Ferrandiz 

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Culture

Miley Serious veut transposer l’esprit communautaire du punk dans la scène électronique

Après avoir baigné dans le punk toute sa vie, la jeune prodige de Paris souhaiterait voir les DJ se fédérer pour créer la prochaine vague.

Bercée par le punk et le skatecore qu’écoutait son frère dans leur enfance dans une ville calme près de Toulouse, rien ne préparait Aurore Dexmier à une carrière dans le monde de la house. Et pourtant, après un détour dans le monde de la mode à titre de fripière spécialiste chez Ralph Lauren, Dexmier – mieux connue sous le nom de Miley Serious – est aujourd’hui DJ à temps plein et dirige son propre label, 99¢ Records, avec lequel elle publie des fanzines et sort des cassettes de ses découvertes sur SoundCloud.

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« J’ai un grand frère ultra passionné de musique, raconte-t-elle. Je lui dois mon éducation musicale. » Vers l’âge de 10 ans, Miley apprend à jouer de la basse et, très vite, elle intègre des groupes garage et punks. C’est en partie à son grand frère qu’elle doit son amour de la musique électronique, mais aussi à son meilleur ami, O. Xander, qu’elle rencontre lorsqu’elle déménage à Toulouse. « Quand on s’est rencontrés, on avait en commun cette passion plus que naissante, raconte-t-elle. Du coup, on a commencé à digger ensemble, on a acheté nos vinyles ensemble, on a appris à mixer ensemble. Tout a vraiment commencé avec cette fusion amicale. Je venais d’avoir 16 ans, donc j’étais libre de faire ce que je voulais de mon temps, de mon argent. »

C’est son amour pour la légendaire Miss Kittin qui la fera vraiment tomber dans la musique électronique, et, vers l’âge de 20 ans, elle commence à se consacrer au

DJing,

tout en maintenant son rôle dans divers groupes punk. Notamment, elle fera partie d’

Olympic

, un groupe post-punk, avec lequel elle fera quelques tournées. C’est d’abord le côté brut, presque punk, de

First Album

de Miss Kittin and The Hacker qui l’attire. Bientôt âgée de 30 ans, Miley recherche toujours des

tracks

avec un kick percutant, qui lui rappellent sa première passion pour le punk.

Lorsqu’elle est débarquée à Toulouse, Miley s’occupait avec son ami O. Xander des sets d’ouverture au légendaire club L’Ambassade, qui a été un endroit très important pour la scène électronique en France vers le milieu des années 2000. « Tout le monde y est passé, que ce soit Les Garçons, Kazey, Bobmo, se souvient-elle, tous ces gens de la “Grande Époque”. » C’est à ce moment qu’elle rencontre le gratin du monde de l’électronique et forge avec eux des relations qui durent encore aujourd’hui. C’est aussi à cette époque qu’elle adopte le nom de Miley Serious, une blague qu’elle a faite un jour, dans le club. « Au moins, ça fait sourire les gens! »

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En 2014, Miley visite New York pour la première fois, et, automatiquement, la magie opère. « Le Bossa Nova Civic Club venait d’ouvrir, et j’ai passé ma vie, mes nuits, en train de voir ce qui y jouait. Et comme il y avait cette espèce d’énergie folle de New York, je l’ai absorbée et depuis je ne peux plus m’en séparer. » Après un séjour dans la Grosse Pomme, elle revient en France et pose ses bagages à Paris, apportant avec elle une passion pour les « 99¢ stores », ces magasins où tout est vendu aux alentours d’un dollar. Se rendant à l’évidence que la production de musique électronique n’est pas son point fort, elle décide de fonder 99¢ Records, son label. « J’adore digger, me déplacer, la culture. C’était obvious comme choix pour moi d’avoir mon label, avec mes petits moyens de 99¢! C’est un peu la suite logique de ce que je fais en temps que DJ. Pour moi, il y a des DJ et il y a des producteurs. Peut-être que c’est ultra vieillot de dire ça, mais j’adore cette culture du DJ qui joue les morceaux de son ami », explique-t-elle.

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Si elle pouvait changer ne serait-ce qu’une chose à la scène électronique, Miley Serious affirme qu’elle aimerait rassembler la scène et créer un esprit communautaire comme il peut en exister un dans le punk. « Je comprends pas pourquoi les DJ ne se font pas des tournées comme les groupes, entassés dans une voiture pendant des jours où tout le monde ne bouffe que des sandwichs de station d’essence ». En somme, en faire une véritable « scène » où tout le monde s’entraide et se soutient.

Miley Serious est aussi une grande fan de Manchester et de tout ce qui s’y fait, de la rave scene de la Hacienda de l’été 89 à Liam Gallagher, qui est pour elle « une idole ». C’est l’unité qui transpire de la scène musicale, l’amour pour le club local de football et la passion pour leur ville qu’ont les Mancuniens qui rappelle à Miley la scène punk, et qu’elle essaie en quelque sorte de transposer dans la culture électronique avec 99¢ Records. « Comme on travaille avec des cassettes plutôt qu’avec des vinyles, on a moins de délais. J’essaie de laisser maximum deux mois avant qu’un morceau sorte; je déteste voir une chanson dormir pendant un an. » Son attachement pour la cassette et le fanzine lui vient aussi, évidemment, de l’éducation punk de son frère. « Mon frère était dans un groupe punk hardcore, à l’école, et donc il distribuait des cassettes, parce que c’était le truc le plus simple. Il avait aussi un fanzine, et il passait un million de cartouches d’encre pour l’imprimante et utilisait tout le débit notre forfait internet pour ça, et pour moi c’était un truc hyper passionnel. Donc le zine et la cassette, c’est deux formats que j’adore, surtout que je suis pas du tout fan de vinyle », explique-t-elle, n’étant pas de ceux qui croient que le vinyle est le meilleur support pour la musique. « Pas que je déteste, je veux pas faire ma hateuse, mais j’en ai strictement rien à branler des vinyles. »

Récemment revenue d’une courte tournée avec la sensation house Mall Grab, la DJ se dit plus déterminée que jamais à vivre sa passion à 100 % et à tourner le plus possible. Par contre, elle remarque que l’industrie a encore l’esprit assez fermé, et qu’il est difficile de percer en tant que DJ lorsqu’on ne compose pas de musique soi-même. Elle me confie même au passage qu’elle s’est souvent fait offrir par des professionnels de l’industrie de se faire ghost produce par d’autres artistes, offres qu’elle a toujours catégoriquement refusées. « Le seul truc que j’ai accompli, c’est un album pour mon chat. Je l’ai fait avec un xylophone, qui est mon arme secrète quand je veux faire découvrir mes talents aux gens. J’ai fait six morceaux entiers, et ce sera la seule chose que j’aurai produite dans ma vie! »

Billy Eff est sur internet ici et .