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Une clinique propose aux femmes de développer leurs embryons dans des capsules vaginales en plastique

Au Canada, la fécondation in vitro prend un tour inattendu.

Lorsque Sara Hesse a été taggée sur Facebook par l'un de ses contacts en mai dernier, elle ne s'attendait pas à tomber sur un post en faveur d'une campagne de crowdfunding un peu particulière. Il s'agissait de récolter 4000$ afin de construire une clinique d'assistance à la procréation spécialisée en fécondation in vitro do it yourself à Calgary, au Canada.

Sara et son époux étaient inscrits sur la liste d'attente du Regional Fertility Program, une clinique locale qui propose une fécondation in vitro (FIV) standard pour 16 000 $ par tentative. Le couple, qui va sur ses quarante ans et s'inquiète de l'augmentation des risques liés à la grossesse, est pressé. Après avoir réfléchi pendant une semaine à cette opportunité, ils se sont inscrits. « Avant toute chose, c'est le prix d'une FIV classique qui nous a poussés à choisir cette alternative. »

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Le couple était en 27e position sur la liste des 100 premiers patients ayant participé au crowdfunding. Les 19 premiers se sont inscrits dès le 1er jour de la campagne, et les 100 suivants ont rejoint le projet dans les 65 jours qui ont suivi.

La clinique, baptisée Effortless IVF (« La FIV facile »), a ouvert ses portes aux 100 premiers patients le 14 février 2017. Elle espère accueillir 60 nouveaux inscrits d'ici le mois de mars, explique Jason Broome, co-fondateur et directeur de la clinique.

INVOcell. Image : Effortless IVF

La FIV conventionnelle et cette nouvelle méthode – la culture intravaginale (IVC) - impliquent toutes deux de stimuler les ovaires afin de produire plusieurs ovules, qui seront prélevés puis mis au contact de spermatozoïdes. Après fécondation, les embryons sont implantés dans l'utérus de la femme.

Il existe pourtant des différences fondamentales entre FIV et IVC : dans le cas de la FIV, la fécondation est provoquée en-dehors du corps de la femme. Dans le cas de l'IVC, elle a lieu dans le vagin à l'intérieur d'une capsule en plastique.

Cette capsule, qui mesure 4 x 3 cm, est appelée INVOcell ; elle a la taille et la forme d'une pellicule photo. Fabriqué en polystyrène (comme les boîtes de Petri), la cartouche est perméable aux gaz, ce qui permet de maintenir des niveaux de dioxyde de carbone et d'oxygène normaux dans le vagin. Elle conserve également une température stable et filtre les toxines. Ces opérations complexes sont extrêmement coûteuses lorsqu'elles sont effectuées par un incubateur mécanique, mais beaucoup plus faciles à réaliser à l'intérieur du corps, selon Broome.

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Grâce à ce nouveau protocole, les ovules passent seulement cinq minutes à co-incuber avec le sperme en-dehors du corps avant d'être placés dans la capsule. INVOcell est ensuite maintenu dans le vagin pendant 5 jours grâce à un dispositif de type diaphragme. C'est à ce moment-là que les spermatozoïdes les plus méritants féconderont les ovules, déclenchant le développement embryonnaire.

Le 5ème jour, la capsule est retirée et les deux embryons les plus robustes sont sélectionnés afin d'être implantés dans l'utérus. Les autres seront congelés en vue d'un usage futur éventuel.

Le protocole INVOcell, breveté par INVO Bioscience à Medford Massachusetts, a été approuvé par l'Agence de santé canadienne en 2014 et par la FDA dans les mois qui ont suivi.

Les différents modules d'INVOcell. Image : Effortless IVF

Le fait de ne pas avoir à payer pour l'utilisation d'incubateurs et leur cortège de capteurs biométriques explique en partie le prix peu élevé de la méthode IVC. Le protocole sera facturé 6500 $ aux futurs patients, plus les frais de dossier. Cependant, ce n'est pas le seul poste de dépense sur lequel la clinique canadienne low cost fait des économies considérables.

Les patientes qui choisissent Effortless IVF ne seront pas surveillées d'aussi près que des patientes classiques, notamment après absorption des médicaments permettant de stimuler la production des ovules. D'ordinaire, les femmes doivent effectuer des tests sanguins et des tests par ultrasons au minimum deux fois par semaine. Avec Effortless IVF, les doses de médicaments prescrites, basées sur le poids de la patiente et le volume de l'ovule, sont les plus faibles possibles. Un seul test par ultrasons est prévu, à J+10 après fécondation.

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L'utilisation d'une dose très faible de médicaments réduit leur coût réel, mais il diminue aussi le risque de complications et donc la nécessité d'une surveillance de tous les instants, explique Broone.

D'autres protocoles permettent à la clinique de fermer le week-end, ce qui engendre de nouvelles économies. Par exemple, tous les tests ultrasons sont réalisés le lundi ; sur la base de l'observation des premiers jours de développement, l'extraction des embryons sera prévue le mercredi, jeudi ou vendredi de la même semaine. INVOcell reste en place pendant cinq jours, et les embryons seront implantés dans l'utérus le lundi, le mardi ou le mercredi de la semaine suivante.

La clinique propose un service premium centré sur la communication, avec des moyens de paiement, des rendez-vous, des rappels et des dossiers médicaux disponibles en ligne. Broome qualifie ce service de « système de soins de santé numérique », ce qui n'est pas très courant au Canada. En bref, la patiente ne fait que passer dans la clinique.

En dépit des différences, les taux de réussite des deux méthodes sont à peu près similaires. Broome, Kevin Doody et Kathleen Doody, médecins au Centre d'assistance à la procréation de Bedford (Texas), ont assigné 40 femmes aux méthodes IVF ou IVC de manière aléatoire afin de former un groupe test et un groupe contrôle, et placé jusqu'à 10 ovules par INVOcell ou incubateur.

Les taux de fécondation, de grossesse et de naissance étaient comparables dans les deux groupes, rapportent les médecins dans le Journal of Assisted Reproduction and Genetics en avril dernier, même si la FIV classique a produit des embryons plus robustes que l'IVC. On dénombre 11 grossesses réussies dans le groupe IVC et 12 dans le groupe FIV.

Tout le monde ne peut pas bénéficier de cette procédure néanmoins.  Les couples qui ont besoin d'une injection intracytoplasmique de spermatozoïdes (ICSI) ne sont pas éligibles. Les femmes à risque de sur-stimulation ovarienne (comme celles qui possèdent des ovaires polykystiques) ainsi que les femmes obèses ne peuvent faire l'économie d'une surveillance médicale étroite et ne pourront donc pas choisir ce service low cost. Enfin, quiconque cherche à effectuer des tests génétiques sur ses embryons ne pourra pas bénéficier de l'expertise de la clinique de Calgary, car ces tests sont très onéreux.

La clinique de Calgary est la première clinique d'assistance à la procréation à proposer un service où les patientes disposent d'une telle autonomie, explique Broome. Il espère en ouvrir bientôt plusieurs autres dans les villes de Montréal, Toronto et Vancouver.