Culture

Une dernière discussion posée avec Zonmai avant que ça décolle

On a parlé emploi du temps, skate (vite fait) et fantasme de l’amour impossible avec celle qui va venir fleurir votre playlist privée « Sons love 🧚🏻🧚🏻🧚🏻 ».
Guillaume Patigny
Brussels, BE
Zonmai
Photo : Zonmai

Été 2021, Zonmai sort Flowers. Depuis, elle a publié les clips de Move on, New Gene, Fashionista et Oula – des titres quasi tous issus de ses deux premiers EPs. C’est avec ce portfolio qu’elle arrive aux Ardentes, pour jouer le samedi 8 juillet et gratter quelques têtes au public de Playoi Carti.

J’ai rencontré Zonmai via les mecs de sa structure, le label indé Bleu Music. On se connaît un peu, j’ai déjà eu l’occasion de traîner avec elle dans divers contextes. En fait, c’est un pote qui m’a un jour fait écouter ses sons, au tout début de sa carrière. Après sa signature sur Bleu Music, j’avais commencé à pas mal partager ce qu’elle faisait sur les réseaux et j’ai vu qu’elle était assez vite sortie de la sphère confidentielle, notamment en montant sur scène à la FiftySession en fin mai ou au CORE festival le mois dernier. 

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Histoire de faire le point un peu plus officiellement, je lui ai proposé qu’on se capte avant sa date aux Ardentes. On s’est donc retrouvé·es juste à côté de la place Morichar à Bruxelles – que j’ai l’habitude de fréquenter sur mes roulettes fixées à une planche. Une petite table en terrasse est libre, je rentre chercher une bonne bouteille de blanc – elle m’a dit qu’elle n’était pas très rouge, ça me va aussi. 

VICE : T’es plus vin que bière ? En Belgique c’est rare.
Zonmai :
Je suis tout, en vrai ! Avant je buvais pas de vin, mais depuis que je bosse en restauration et qu’on me fait goûter avant de pouvoir les servir, j’y ai un peu pris goût !

Ah oui, tu bosses où ? 
Je suis cheffe dans un resto italien vers Flagey, on fait des bonnes pâtes, tu devrais passer ! Quand on reçoit les nouveaux vins, on doit picoler dès le matin, surtout qu’une fois que la bouteille est ouverte, faut la finir ! Tu sais, parfois ça arrive que des groupes de clients qui se la pètent commandent genre 10 bouteilles d’avance mais ils ne les terminent jamais. En général, on se partage ça avec les collègues, sachant que certaines ne sont même pas ouvertes, c’est ouf. Donc maintenant, j’aime bien le vin !

Donc tu fais des études, du rap et tu taffes en plus à côté ? Hardcore.
Non ça y est, j’ai arrêté les études… Cette année, j’ai fait les trois en même temps pendant six mois, mais ça fonctionnait pas. J’étais en master à l’ERG et j’étais pas au studio aussi souvent que maintenant, même si c’était le taf au resto qui me prenait de ouf du temps. C’est une galère, j’ai mon horaire le lundi, à 15 heures, pour toute la semaine, et après j’organise tout en fonction de ça. Avec les concerts qui se multiplient, ça commence à être vraiment chaud d’organiser tout ça dans les plannings. D’ici septembre, faut que je trouve un stratagème parce que ça devient intenable, pour eux comme pour moi… Et le statut d’artiste, ça prend mille ans, personne n’arrive à l’avoir en Belgique. Donc bon, on verra, je sais pas encore.

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Un passant nous demande une clope. Je lui en donne une ; Zonmai fouille dans son sac et dit n’avoir qu’un fisheye et un gloss.

Qu’est-ce que tu fous avec un fisheye ?
C’est les petits que tu peux mettre sur les téléphones. J’utilise ça parfois, ça change, pour filmer des conneries.

C’est drôle, tu sais que les skaters, on utilise ça à fond ?
Bah oui, t’inquiète, j’ai fait du skate aussi.

Ah ouais ? Quand ?
J’étais nulle ! J’avais 14/15 ans. Je viens d’un bled dans la campagne à côté de Bayonne. Par chance, ils avaient construit un skatepark trop stylé à deux minutes de chez moi. J’ai vite arrêté parce que je me pétais trop la gueule. Une fois, j’ai chuté en voulant esquiver un petit en trottinette. Il était sorti de nulle part, n’importe comment, et je me suis fracturé le bras… Je suis allée au Super U chercher du chocolat parce que je savais que j’allais devoir attendre trop longtemps aux urgences. Je me suis retrouvée avec mon skate, mon sac à dos, mon bras qui pendouille et mon morceau de chocolat à appeler ma mère pour qu’elle me drive jusqu'à l'hôpital. Après ça, j’ai eu mal pendant six mois, et comme cette merde a duré longtemps, c’était fini pour moi. Mais bon, j’étais pas très forte, c’est pas une grosse perte pour la communauté !

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Ah, les petits en trottinette dans les skateparks…
Après, j’avais l’impression que le skate ça faisait partie d’un univers que je kiffais déjà ado : les premiers groupes de rap que j’ai écoutés c’était Stupeflip, TTC, tout ça… Ça peut paraître bizarre, mais pour moi c’était des délires qui allaient ensemble. Y’avait un côté rap mais un peu punk aussi, je sais pas si tu vois…

Ça va bien avec la musique que tu fais. Y’a tellement de variétés dans le rap que je sais pas si la qualification « rap alternatif » est encore pertinente… Tu vois ce que je veux dire ?
J’y ai réfléchi y’a pas longtemps, et je crois quand même que si j’étais un garçon, on dirait que je fais du rap alternatif… Mais comme je suis une meuf, et qu’il y a aussi du chant dans mes morceaux, je suis plus vite classée dans la catégorie « pop » – et je suis pas la seule concernée. Du coup, selon ces codes, les gos sont obligées de rapper comme les gars en 2015 pour prouver qu’elles sont rappeuses, alors que faire des rimes avec trois syllabes et des placements un peu corrects c’est devenu la base, c’est pas très rare. Je fais du rap et de la pop, et j’ai pas envie de devoir le prouver, ni d’un côté ni de l’autre. Parfois, c’est un peu chiant je t’avoue.

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C’est des questions qu’on ne devrait même pas se poser. À partir du moment où tu respectes la culture, tu devrais pouvoir faire tout ce dont t’as envie. Cette question des genres, je me la posais pas parce que mon père c’est vraiment un gros punk. Les influences, elles viennent de partout. Dans ma tête c’était normal ! Quand j’avais 8 ans, j’étais matrixée par Diam’s, j’avais un lecteur mp4 violet avec tous ses clips dessus. Ses textes, ils me butaient. Je suis une grosse nostalgique des années 2000, que ça soit pour elle, Amel Bent ou Britney Spears.

Comment tu t’y prends pour bosser ? Tu fais tout en studio ou tu travailles depuis chez toi avec ton propre matériel ? 
Attends, je vérifie… J’ai 1 072 notes vocales dans ce téléphone, c’est un bordel monstre ! Y’en a qui durent 10 secondes, que j’ai enregistrées quand j’étais au taf et qu’il fallait surtout pas que j’oublie. Le problème c’est que je peux pas les nommer. Souvent, je réécoute des notes au hasard et je pioche dedans en fonction de la vibe dans laquelle je suis pour créer. Je suis obligée de faire ça parce que j’ai les boules que l’idée s’évapore en une minute si je l’enregistre pas. 

Tu fais ça depuis longtemps ?
Ce téléphone, ça fait 2 ans que je l’ai, donc ça fait un paquet de notes vocales. Mais oui, j’ai à peu près toujours fait ça. Quand j’étais petite, avec une pote, on faisait déjà ça sur ma Nintendo DS. En gros, on pouvait s’enregistrer, y’avait deux ou trois effets un peu nazes que tu pouvais mettre sur la voix, pour qu’elle soit plus grave ou qu’elle sonne un peu plus robotique. Je passais des heures à mélanger ça avec du beatbox qu’on enregistrait de la même manière, pour essayer de superposer les deux. Je trouvais ça trop stylé mais j’imagine l’enfer si je réécoute ça maintenant. 

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C’était déjà des chansons d’amour ? 
Ça a mis du temps à venir, parce que pendant longtemps j’ai trouvé ça hyper « nian nian » : genre, je suis une meuf et je vais faire des chansons d’amour… Mais en fait, je me suis rendu compte que tous les textes du monde parlent d’amour, surtout dans la musique. C’est juste la pudeur qui me bloquait, en réalité. Maintenant, j’ai arrêté de me poser la question, j’écris ce qui vient et c’est souvent après que je me rends compte du thème. Je vomis des choses puis j’essaye de faire une sculpture avec, en quelque sorte.

Mais si ça sort tout seul, comme tu dis, c’est quand même que c’est en toi. Donc t’es une loveuse !
Ouais, c’est un problème. Une meuf ou un boug qui m’accorde 30 secondes de son temps pour me passer un briquet, je suis capable de tomber amoureuse. Je sais pas pourquoi, j’adore ce truc un peu adolescent du fantasme de l’amour impossible, où tu rends parfois des choses simples super compliquées dans ta tête… Adolescente, j’ai saoulé tou·tes mes potes en leur parlant de mes dramas avec le même mec pendant à peu près quatre ans, en étant persuadée que je vivais un truc hyper spécial. Mais avec le recul, j’ai compris que tout le monde vivait la même chose. En parler dans la musique, ça rend le truc identifiable pour beaucoup de gens même si ça part de quelque chose d’hyper perso ; c’est jamais 100% ciblé sur telle ou telle relation en particulier. Je crois qu’en réalité, tout le monde surinterprète ses propres histoires, et les gens qui te disent le contraire sont des mythos !

L’émotion te rend donc subjective, c’est beau.
On s’en bat les couilles de dire la vérité absolue. En vrai, c’est fait pour ça la musique, non ?

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