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Une discussion avec trois vierges

Quelques conseils de chasteté prodigués par trois enfants de Jésus.

Ces dernières années, aux États-Unis, l'éducation prônant l'abstinence sexuelle s'est révélée plutôt infructueuse. En revanche, les « Bals de Pureté » – dans lesquels les filles promettent à leurs pères de rester vierges jusqu'à leurs mariages – sont toujours aussi répandus et populaires (et très bizarres, aussi). On vous conseille de regarder le documentaire The Virgin Diaries de la chaîne TLC, qui met en lumière, parmi beaucoup d'autres, trois vierges prénommées Lisa, Danielle et Tamara. On y apprend qu'elles vendent leur marque de pureté un peu partout dans le monde libéral: pour Dr. DrewThe Ellen Degeneres Show, Telegraph UK ou encore CBC.

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L'idée de « combattre une société obsédée par le sexe grâce à la pureté » ne valide-t-elle pas la théorie selon laquelle le compas moral des femmes se situerait dans leur vagin ? Rester pure, la virginité par choix, etc. Ce qui pose problème en réalité, c'est cette notion de « pureté ». Que sont les autres, alors ? Les filles comme moi, j'entends. Des putes ? S'il est moralement « bien » d'attendre d'être mariée pour avoir des relations sexuelles, celles d'entre nous qui n'attendent pas seraient donc immorales. Et puis, pourquoi la moralité d'une femme est-elle toujours liée à sa sexualité ?

J'avais une tonne de questions à leur poser. J'ai lu « The Purity Myth: How America's Obsession With Virginity Is Hurting Young Women » de Jessica Valenti comme une bible. J'ai été choquée par les documentaires sur les bals de Pureté et sur les gens qui enseignent l'abstinence aux jeunes filles. Ces vierges m'obsédaient. Il fallait que je leur parle, que je leur donne mon point de vue dans ce débat sur la notion de pureté.

J'ai décidé d'aller parler à Lisa, Danielle et Tamara. Je leur ai envoyé un e-mail en expliquant que j'étais une écrivain féministe et que, même si je n'étais pas d'accord avec leurs choix, je les respectais. À ma grande surprise, elles m'ont invitée pour discuter et faire des photos. Elles nous ont même laissées les habiller comme Laura dans la petite maison dans la prairie.

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VICE : C'était comment d'être filmées pour The Virgin Diaries ?

Danielle : À la fin du deuxième jour de tournage, on a dévoilé des choses que personne ne savait devant un mec qui tenait un micro. Ils nous ont demandé plein de trucs gênants, mais l'équipe était vraiment super.

Lisa : On ne sait jamais comment ça va sortir, n'est-ce pas ? Mais après avoir vu le documentaire, on était contentes. Ils auraient pu prendre notre histoire et la détruire. Ils auraient pu nous faire passer pour des folles, des vierges bizarres, asociales, ce qui n'est pas vrai.

Tamara : Et on n'a pas eu de pré-visionnage. On l'a vu pour la première fois en même temps que le reste des États-Unis.

Danielle : Le show s'est avéré être très soft. Ils n'ont même pas mis les trucs les plus osés dont on a parlé. Mais le sujet de la virginité lui même est devenu la vraie question.

C'est vrai. C'est même pour ça que je suis là. Alors, pourquoi rester pure ?

Lisa : J'ai fait ce choix à un moment de ma vie. C'est le standard moral que mon éducation chrétienne m'a inculqué, mais il arrive un moment dans la vie de chacun où l'on fait nos propres choix. Ce n'est pas forcément en rapport avec la religion, où ce que peut dire Dieu. Ça a été un choix facile. J'ai décidé de préserver ma virginité pour une seule personne. Je ne voulais pas la donner à n'importe qui. On explique souvent que c'est notre histoire. Ce n'est pas la manière dont tout le monde devrait vivre sa vie, mais si quelqu'un en a envie, c'est super ! Et je lui tendrais la main.

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Danielle : Vous vous souvenez de ces pubs dans les années 1980 qui disaient « Just Say No To Drugs », ça crame votre cerveau ?

Ouais.

Je pense qu'ils auraient dû faire les mêmes pour le sexe. Et pourtant, je ne pensais pas que c'était un problème quand j'étais plus jeune. Ça en est devenu un quand j'ai commencé à avoir des relations intimes. C'est par conviction que je m'efforce de vivre une vie qui plaît à Dieu et lui fait honneur. J'y trouve de la joie.

Ça te rend heureuse.

Mais je sais aussi qu'Il ne me demande pas de faire des choses qui n'ont pas de but. Quand je me suis retrouvée dans des relations intimes, j'ai réalisé qu'il était très difficile de dire « Non » au sexe. Puis j'ai réalisé qu'il s'agissait pour moi d'avoir une véritable connexion avec quelqu'un et de lui faire confiance avant de lui donner mon cœur. Ça ferait trop mal de ne pas être avec cette personne pour toujours.

Alors, c'est de la peur ?

OK, non… C'est comme – on ne va pas manger au McDonald's tous les jours parce qu'on ne veut pas avoir des problèmes cardiaques, mais je n'ai pas peur d'avoir des problèmes cardiaques.

Tamara : Mon histoire est différente. J'ai grandi dans un foyer catholique mais n'ai pas eu la foi pendant des années. Je traversais une période difficile. J'avais eu des relations sexuelles. Pour moi, il s'agit surtout d'apprendre à se connaître soi-même. J'ai beaucoup appris sur moi ces quatre dernières années. Quand je couchais avec des hommes, j'attendais en quelque sorte qu'ils me valident. Ce n'est pas juste un acte physique. Le sexe signifie beaucoup plus. J'en suis à un point de ma vie où je crois au grand amour. Même si ça signifie que je dois rester célibataire encore cinq ans, je ne vais pas me forcer à m'installer avec n'importe qui. J'accorde beaucoup de valeur au sexe et c'est quelque chose de génial. Mais comment peut-on réellement réussir une relation amoureuse si une des deux personnes ne se respecte pas elle-même ?

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Quand tu mets autant d'emphase dans ce « moment », ça devient plus important que ça ne devrait l'être. Je ne me souviens pas vraiment de la première fois que j'ai fait l'amour parce que ce n'était pas si important. Mais je me souviens d'autres trucs. Ce qui a été important pour moi, ça a été de découvrir la fellation avec mon premier petit ami, les positions sexuelles, être à l'aise nue, faire plein de trucs bizarres. Apprendre à avoir du plaisir, vous voyez ?

J'ai l'impression que la prochaine fois que je ferai l'amour, ce sera comme si je ne l'avais jamais fait auparavant. Je sais que ça à l'air idiot, mais je pense que si tu construis une amitié, une base avec quelqu'un et que tu l'aimes mentalement, physiquement, et spirituellement, tu peux le faire. C'est l'idée de créer et d'explorer l'amour ensemble.

Lisa : Il ne s'agit pas juste de cette première fois. On parle d'une vie entière avec une personne, sous le parapluie de la sécurité et de la confiance. C'est à ce moment-là que tu peux vraiment te laisser aller.

C'est quoi pour vous le « sexe », ou « perdre sa virginité »? La pénétration vaginale ? Le sexe oral ?

Danielle : La virginité, dans sa forme la plus brute, c'est la pénétration vaginale. Mais la pureté couvre une surface plus large.

Tamara : La « pénétration vaginale », parole d'infirmière.

Lisa : Chacun a ses propres limites. Les couples devraient discuter de ça. Quand deux personnes sont amoureuses, il est naturel qu'elles aient des relations sexuelles, mais il faut savoir que c'est un terrain glissant… tu sais, les autres trucs.

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Danielle : Non, s'allonger avec quelqu'un. [Rires] La zone du maillot de bain ! C'est une zone interdite. Après, c'est à toi de voir si tu portes un maillot de bain une pièce ou un bikini.

Lisa : Elle plaisante.

Danielle : Ne me chatouille pas les oreilles. Sérieusement. Et je l'ai dit sur TLC, mais je m'attends complètement à avoir un orgasme la nuit de mon mariage.

Vous voulez des maris qui soient purs eux-aussi ?

Lisa : Non, ils n'ont pas à être vierges, mais leurs expériences ont une histoire, tout comme les nôtres. On a toutes des surnoms pour les mecs de nos rêves.

C'est quoi ?

Danielle : Le mien c'est « le Viking ». J'en ai marre de tous ces mecs qui se comportent comme des bébés. Le Viking dans ma tête est un homme fort, qui sait ce qu'il veut et qui n'a pas besoin que je le flatte tout le temps.

Tamara : Le mien c'est « l'homme Forêt Montagne et Plage ». Il aime l'aventure, la nature et explorer avec passion.

Lisa : Les filles ont appelé le mien « la Rock Star » [Rires]. Quelqu'un qui ne joue pas forcément de la musique, mais qui a la confiance d'une rock star.

Je connais plein de musiciens qui pensent être des « rock stars »… ils ne sont pas forcément très virils. Que pensez-vous du fait que la moralité d'une femme est souvent liée à sa sexualité dans la culture pop et la religion ?

Danielle : C'est ça le cœur du problème : les valeurs personnelles.

J'ai un soucis avec l'idée que, pour certaines personnes, la plus grande valeur d'une femme est d'être capable de dire « non » au sexe, juste parce que c'est ce qu'elle devrait faire. C'est une « éthique de passivité ».

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Je pense… [pause] que ça ajoute quelque chose à ma vie.

Lisa : Ce n'est pas juste le sexe, c'est le procédé qui mène au sexe.

Comment vous gérez la tension sexuelle, alors ?

Danielle : Pas avec des massages à la chaîne, ça c'est sûr.

Ouais, j'ai vu ça dans le reportage de TLC. C'est quoi cette histoire ?

C'était tellement bizarre ! Ils nous ont fait faire ça. Je venais juste de terminer une longue garde à l'hôpital, je m'endormais en faisant ce massage bizarre. Enfin bon, pour en revenir à ta question, Tamara, ça te manque le sexe ?

Tamara : C'est bizarre, mais non. Je pense que c'est parce que j'ai hâte de le faire avec un homme avec lequel je veux vraiment passer le reste de ma vie. Je ne vais pas mentir, le sexe c'est génial, mais je ne l'ai expérimenté qu'à un certain niveau.

Lisa : Puis ce n'est pas comme si toute notre vie tournait autour de notre virginité. Mais ça aide d'avoir des amis qui t'entourent les jours où tu te dis : « OK, il est où ? Il faut que je le fasse maintenant. ». On dit que le pic sexuel pour une femme arrive à la trentaine… j'ai 30 ans ! Ce n'est plus marrant ! On veut faire l'amour ! Le plus tôt sera le mieux !

Vous n'avez pas envie parfois de tout envoyer chier, et de faire l'amour ?

Parfois je me dis : « Où est le mec le plus proche ? Allez, je le fais. » C'est naturel. Je le sais, et je suis d'accord avec ça. Mais c'est un investissement. J'investis dans mon futur et dans mon mariage.

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Vous n'avez pas l'impression de vous priver de quelque chose parfois ? Vous vivez avec cette idée de la personne parfaite pour un futur parfait ; et si jamais ça n'existait pas ?

Tamara : La vérité, c'est que nous ne savons pas ce qui va se passer demain. Nous n'allons pas toutes mourir à 80 ans, dans un lit entourées de nos amis. Mais je ne me réveille pas tous les matins en me disant « J'ai 29 ans et je n'ai pas de relations sexuelles. » J'ai plein d'autres sources de joie dans ma vie. J'ai une vie abondante.

Danielle : C'est vrai qu'il y a des jours où tu te sens plus physique que d'autres. Ça aide de pouvoir en parler ensemble.

Tamara : On a une caserne de pompiers tout près d'ici. C'est dur. [Rires]

Danielle : On a déjà fait une compétition de rendez-vous galants.

Tamara : C'était vraiment pourri.

Danielle : On est allées sur des sites de rencontres aussi.

Lisa : Ils nous ont même fait faire des blind-dates dans le reportage.

C'est déjà suffisamment dur d'avoir des rendez-vous sans l'étiquette « vierge » collée sur son front.

Lisa : Ma mère me parlait de « la Génération des Femmes Perdues ». Il y a toute une génération de mecs de notre âge qui sont prêts à se marier, mais ils veulent trouver des filles qui ont une vingtaine d'années. Donc il y a plein de femmes de notre âge qui sont complètement perdues et ne peuvent pas trouver d'hommes.

C'est des conneries, ces études. Elles essaient d'effrayer les femmes qui veulent se marier et avoir une famille très traditionnelle. C'est la conformité des sexes. Tout le monde peut récolter des données pour prouver ce genre de théories. Et la masturbation ?

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Danielle :Tout le monde veut savoir ça ! Je pense qu'on ne parle pas assez de la masturbation mais, pour moi, ça n'apporte pas grand chose à la personne qui le fait.

Lisa : On va commencer à en parler un peu plus sur notre blog.

Que pensez-vous du portrait des vierges que dressent les médias ? C'est presque tout le temps une femme blanche. Ce n'est jamais une femme de couleur ou une femme avec un handicap. Ça révèle quelque chose sur la pureté, selon vous ?

Danielle : Je me demande si ça a un rapport avec le fait que les américaines blanches ont plus de pouvoir de décision que les autres. Il y a un énorme stigma autour des hommes qui n'ont pas de relations sexuelles. La masculinité est en grande partie basée sur la sexualité.

Tamara : Ce sont des reste de la société masculine traditionnelle et c'est dommage.

Ça vous pose problème ?

Lisa : Eh bien par exemple, Tim Tebow, le type de l'émission sur NFL, est vierge. On a trouvé beaucoup d'autres hommes vierges qui écriront sur notre blog. Certains mettent en valeur leur vertu. On essaie de combattre le stéréotype. Être vierge ne signifie pas forcément être associal.

PHOTOS : MICHELLE FORD

STYLISME : MILA FRANOVIC