Chez les tanges

Notre ami Romain Gavras a passé dix jours dans un village de gitans en Roumanie, pour tourner le nouveau clip de Simian Mobile Disco.

Il y a plus de 400 000 gitans en Roumanie. Les Roumains ne peuvent pas les saquer, ils prétendent que les gitans de Bucarest contrôlent les trafics de femmes, de drogues et d’armes vers le reste de l’Europe. Mais en dehors de Bucarest, il y a des centaines de villages de gitans sédentaires, des villages de gitans chaudronniers, de gitans artisans, etc.Nous, on était dans un village de gitans musiciens. Quand on a annoncé à notre équipe de techos roumains qu’on allait tourner chez les tanges, ils nous ont tous dit: «Non, mais oh, ça va pas non? Ils en ont rien à foutre de rien ces gens-là… Ils vont nous voler, et puis ils violent les femmes, ils violent même les hommes.» En fait, ça c’est plutôt bien passé. Quand tu vas dans un pays comme ça, t’es un peu le colon censé avoir pitié. Je sais que ça fait un peu gay/hippie de dire ça, mais ce village nous a vraiment marqué.

Roger, c’est le daron et le beau gosse du village. C’est lui qui s’est occupé de tout. C’est le village de sa femme, qui n’est pas sur la photo. Il m’a dit «Cette photo, tu la lui montres pas, hein?» Du coup, on le faisait chanter. Quand il était là genre «J’ai plus de mirabelle»—il nous faisait boire des bouteilles de super bonne mirabelle—moi je lui disais: «Je vais montrer les photos à ta femme», et il ressortait une bouteille. Le mec a cuisiné toute la journée pour tout le monde. Il faisait des boulettes de viande, il m’apportait tout le temps des petits plats. «Faut que tu manges, sinon t’arrives pas à penser!» La bouffe, les femmes et la mirabelle, c’est vraiment ses trois trucs dans la vie.

Sa femme à lui faisait semblant d’être amoureuse de moi. Elle me donnait du pain, et elle me serrait dans ses bras pour le rendre jaloux… La première fois qu’il a vu ça, il a pris une hache et il m’a attrapé le bras en hurlant, comme s’il allait me couper en deux. Et puis, il a explosé de rire. Il jouait, ça l’amusait de faire des blagues sur les peurs que les gitans peuvent provoquer chez nous. «Ouais, pour tout le monde les gitans c’est des crève-la-faim, mais moi, je pêche toute la journée, et je suis heureux comme ça.»

Dimitriu est yougoslave. Les Yougoslaves croient que sous Ceaucescu, les Roumains te pesaient avant de te donner ta ration de sucre et que si t’étais trop gros, il te la donnait pas. C’est n’importe quoi, mais ça montre qu’il y a vraiment un racisme profond. Sur le tournage, à part mon chef-op’, tout le monde était roumain. Eux sont super racistes envers les gitans… À un moment, ça a failli partir en couille car ils nous ont collé sur le dos un producteur roumain super mauvaise ambiance pour surveiller le matos. Un jour, un des gitans l’a attrapé d’un seul coup, moi je ne voyais pas, j’entendais, après le producteur nous parlait plus, il est resté dans un des camtars toute la journée, super flippé. Roumains et gitans, c’est vraiment deux mondes qui ne se parlent pas.