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VICE Fashion Week

Les t-shirts de ma cave

Quand on lisait des comics à l’époque, le passage par le t-shirt était obligatoire, tout comme quand on était VRAIMENT cinéphiles ou qu’on appartenait à une VRAIE scène musicale. J’ai de fait accumulé une collection d’environ 150 t-shirts au cours des...

À partir de 1989, sortie du premier Batman de Tim Burton, j’ai commencé à élire domicile dans les boutiques de comics parisiennes. Rapidement, j’ai passé l’intégralité de mes samedis chez Mondes Mutants, rue des Carmes à Paris. Si vous êtes passé par là-bas un samedi entre 1992 et la fermeture de la boutique, vous aurez peut-être remarqué un mec en train d'emballer des comics ou de feuilleter un magazine dans un coin près du radiateur. Ce truc poussiéreux avant l’âge, c’était moi. Aujourd'hui, j'ai 37 ans.

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Quand on lisait des comics à l’époque, le passage par le t-shirt était obligatoire, tout comme quand on était VRAIMENT cinéphiles ou qu’on appartenait à une VRAIE scène musicale. J’ai de fait accumulé une collection d’environ 150 t-shirts au cours des années 1990. Ça n’a l’air de rien, mais en faisant le compte, ça fait plus d’un tee-shirt acheté par mois. C’est beaucoup, surtout que je n’en ai jeté aucun avant 2004.

Le dernier sac resté au fond de la cave était donc un trésor à déterrer parfaitement approprié pour célébrer la sortie du numéro mode 2013, d’autant qu’aujourd’hui, je ne porte plus ces t-shirts imprimés. D’abord, parce que je n’en achète plus. Mais surtout parce que j’ai réalisé un jour qu’ils étaient – comme on me l’a rabâché à l’époque – assez ignobles. Dans ce sac j'ai choisi, parmi les fringues pleines de bactéries et les jeans pas lavés depuis 16 ans, dix t-shirts que je pourrais remettre si j'avais les couilles de redevenir jeune. Il s'agit parfois de t-shirts de groupes, ce qui est presque aussi pire que les t-shirts de superhéros.

LE T-SHIRT WEIGHT - ROLLINS BAND

J’ai découvert Henry Rollins sur le tard et en 1994, Weight, son nouvel album, m’avait permis d’échapper à la dépression provoquée par le retour de ma copine suédoise dans sa contrée. J’étais fou amoureux d’elle et j’en ai chié comme une meuf pour évacuer la douleur. Rollins était un bon modèle à suivre. Je l’ai vu trois fois en concert à l’époque, tous ses t-shirts étaient dégueulasses, mais il fallait que j’en achète un. On ne le voit pas sur la photo, mais au dos est écrite la phrase « Be Strong, Get Stronger ». J'aimais bien ce statement, parce que j’ai toujours été faible. À la base, le t-shirt était noir et le WEIGHT dans le dos imprimé en encre métal foncé. Assez stylé. Là, il ressemble à une éponge et a la même odeur qu'un appartement de thésauriseur compulsif.

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LE T-SHIRT RESERVOIR DOGS

J’ai vu Reservoir Dogs à la première séance du jour de sa sortie en septembre 1992. Ce film m’a rendu ouf, tellement que mes potes et moi avons tourné un film en Hi-8 qui s’appelait Drugs, Bucks & Guns, en hommage au premier film de Tarantino. À l’époque Internet n'existait pas, eBay encore moins et comme tous les représentants de l'humanité jusqu'à il y a dix ans, il a fallu qu’un des potes susmentionnés se casse à Londres et nous ramène des t-shirts. On aurait bien aimé avoir ceux qui reprenaient les visuels des affiches où l’on voyait chacun des acteurs, ça permettait de choisir son préféré (perso, Mr. Blonde, joué par Michael Madsen), mais ce visuel de groupe était ce qu’il y avait de mieux. Quelques mois plus tard, Tarantino commençait à être révéré un peu partout et surtout dans la cour de notre lycée. Ça nous a cassé les couilles. J’ai jamais remis ce tee-shirt, d’autant que Tarantino a commencé à me soûler dès Pulp Fiction.

LE T-SHIRT FUGAZI

J’ai acheté ce t-shirt dans une boutique de Height Ashbury, à San Francisco, en 1995. C’était un des rares à l’effigie de mon groupe préféré de l’époque (Rollins avait été balayé) et pour cause – je l’ai appris plus tard : il n’y en a jamais eu d’officiel. Dans une interview que j’ai découverte bien après, le groupe disait que s’ils avaient fait un t-shirt un jour, ç’aurait été celui-là. J’étais assez fier, mais maintenant j’en ai plus rien à foutre. En revanche, je porte toujours l'un de mes deux t-shirts Minor Threat – j'ai offert l'autre au rédacteur en chef de ce magazine. Mais bon, il n'est pas officiel non plus.

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LE T-SHIRT À MANCHES LONGUES BEASTIE BOYS

J'ai dû choper celui-ci à Clignancourt en 1994. Voilà le genre de trucs qu’on a arrêté de faire à la mort du rock fusion : les t-shirts à manches longues imprimés partout. C’est normal : ils étaient dégueulasses et je ne comprends toujours pas comment j’ai pu porter ça à une époque. J’adore le détail au-dessus du cul qui pouvait dépasser du truc qu’on portait au-dessus d’un tee-shirt à manches longues. C'était une triste époque où il fallait rivaliser de surcouches pour avoir du style. Ça me rappelle que j'ai possédé un t-shirt Urban Dance Squad aussi, mais je crois qu’il était un peu plus beau.

LE T-SHIRT WOLVERINE DE SAM KIETH

Putain, qu’est-ce que j’ai aimé ce tee-shirt ! Je le pensais trop troué pour le porter mais en fait non. Je pourrais le remettre aujourd’hui. Sam Kieth était mon dessinateur de comics préféré et j’avais tous ses t-shirts. Tous sauf un, qui représentait Wolverine et Venom. J’aimerais toujours le choper. J’avais des t-shirts de son comics The Maxx, et même un t-shirt à gerber – et importable à cause de l’épaisseur de l’encre – qui représentait un Wolverine collé sur un t-shirt X-Men. Ce t-shirt demeure le plus gros doigt d'honneur au style jamais inventé. Celui que vous voyez aujourd’hui, en revanche, représente un peu le summum de ce qui s’est fait à l’âge d’or du t-shirt de superhéros : la dernière décennie du XXè sicèle.

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LE T-SHIRT MARSHALL LAW

Je porterais encore ce t-shirt s’il n’était pas à deux doigts de tomber en lambeaux. Marshall Law est l’un des meilleurs comics anglais de l’histoire et tout ce qui s’y rapporte défonce. Ce t-shirt à l’effigie du logo du San Futuro Police Departement, tout particulièrement. Le truc amusant avec ce t-shirt, c’est que l’imprimé s’est rapidement volatilisé, tout comme sa couleur, mais dès qu’il est mouillé, encore aujourd’hui, il a l’air neuf : sa couleur d’origine et l’imprimé réapparaissent comme au premier jour. OK, c’est pas le truc le plus amusant du monde, mais j’aime bien. Je l’avais acheté chez Album, à Saint-Germain, avant que la boutique devienne un étal à merde à destination des masses porcines. Les boutiques de comics, c’était mieux avant.

LE T-SHIRT TWIN PEAKS

J’ai si longtemps rêvé d’un t-shirt Twin Peaks tout simple, avec le dessin des collines dessus que le jour où je l'ai trouvé, aux alentours de 1998, j’ai fondu dessus par dépit. De fait, je ne l’ai jamais trouvé beau. D’ailleurs, je ne l’ai porté qu’une fois et je le méprise un peu. Il est moche et son tissu épais n'a jamais été agréable à porter. Mais je suis sûr qu’aujourd’hui il ferait plaisir à quelqu’un, notamment à vous, infâmes enfants de l'ère DVD.

LE T-SHIRT PEE-WEE

C'est un peu la même histoire qu'avec le t-shirt Twin Peaks. J’ai fantasmé sur un t-shirt de Pee Wee magnifique que j’avais vu dans une boutique de Melrose en 1995 (les plus judicieux auront compris qu’en 1995, j’ai fait un « road trip sur la côte Ouest ») sans pouvoir l’acheter. Du coup, j’ai jeté mon dévolu sur le seul t-shirt à l’effigie d’un de mes éternels héros que j’ai pu trouver. Je ne sais pas pourquoi ça ne m’a pas frappé tout de suite, mais l'ironie qui se dégage de ce modèle est une insulte à Paul Reubens. Je ne l’ai jamais trop porté de toutes manières, mais le jour où j’ai réalisé ça, j'ai eu honte et j'ai crié. Ce qui est intéressant, c’est qu’il rappelle cette mode post-Tueurs Nés des t-shirts « couverture de tabloïds ». Ça me rappelle que, lors du même road-trip, j'ai chopé un t-shirt OJ Simpson alors qu'il était encore en plein procès. C'est vous dire si je suis vieux.

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LE T-SHIRT LOBO

Ce tee-shirt était vendu comme bénéficiant de la technologie « puffy ink », c'est-à-dire d'une encre qui gonflait à l’impression. Rad ! Efficace pour donner l’air d’un truc en cuir, mais peu résistant au lavage. Au dos, le t-shirt est frappé du fameux adage du metalhead le plus violent de la galaxie : « Bite Me Fan Boy », qui habillait aussi un badge filé par les vendeurs de comics à l’époque de la sortie du deuxième volume des aventures de Lobo dessinées par Simon Bisley. Je ne porte plus le t-shirt, mais je porterais encore le badge si je ne l’avais pas perdu en même temps que la casquette au dos de laquelle je l’avais accroché. À noter que la technologie « puffy ink » a aussi été utilisée pour faire du sang sur le tee-shirt du logo de Superman qu’ils avaient sorti à l’époque de sa mort. Dégueulasse, hein ? Mais je l’avais aussi.

LE T-SHIRT HENRY

Cet objet fait figure d’anomalie à une époque où prévaut l’obsolescence programmée. Si mes estimations sont bonnes, il date de 1993, époque à laquelle Henry : portrait d'un serial killer sortait en VHS. C'est toujours un film que j’adore, mais je l’adorais dix fois plus à l’époque. Du coup, je porte régulièrement ce t-shirt – c’est-à-dire au moins une fois tous les 15 jours – depuis près de 20 ans et je le lave à chaque fois. Ça fait donc 20 ans que ce t-shirt refuse catégoriquement de s'user. Il a un peu terni, certes, mais pas un trou, si ce n’est sous une couture de la manche gauche. Aussi, sa souplesse reste intacte. À chaque fois que je le détache de l’étendoir à vêtements, je le regarde et je me dis : « Putain, ça fait 20 ans que je te porte régulièrement et tu es toujours là, sans un trou. Mais pour combien de temps ? » Je l’aime comme au premier jour et je pleurerai probablement le jour où je ne pourrai plus le porter. Mais tel que c’est parti, il pourrait bien me survivre, contrairement à une grosse centaine d'autres t-shirts m'ayant appartenu qui eux, croupiront encore quelques milliers d'années dans ma cave, bien après que le monde ait oublié la musique, les BDs et le cinéma.