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On ne peut pas prévoir comment les gens interpréteront notre travail. Avec The Men Under The Influence c'était fou, c'est devenu viral. Ça a été publié en Chine, au Brésil, dans le New York Times, en Allemagne, partout. C'était aussi sur plein de sites web ; j'ai pu lire beaucoup de commentaires et avoir des retours sur mon travail. Recevoir des critiques, qu'elles soient bonnes ou mauvaises, donne de nouvelles idées, de nouvelles perspectives.
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Il faut retoucher beaucoup plus qu'avant. Pensons à la manière dont les guerres étaient photographiées avant les téléphones et la photographie numérique – la guerre du Vietnam, par exemple – certaines photos nous viennent tout de suite à l'esprit : la petite fille qui court, couverte de napalm. Lorsque nous avions moins d'images, nous avions paradoxalement plus d'images iconiques.Maintenant, prenons le 11-septembre : il n'y a pas d'image mythique. Il y a une immense quantité d'images, qui toutes mises ensemble décrivent un moment de l'histoire. L'idée de l'image comme icône est en train de disparaître. Nous recevons toutes ces images qui parlent de la même chose, et il faut apprendre à gérer cette abondance. Pas seulement nous, photographes, mais la société entière. Si l'on fait face à un tsunami d'images chaque jour, on doit apprendre à les interpréter, à les retoucher, à leur donner du sens et à les mettre en contexte.
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La retouche, le traitement et le partage. La première photo publiée sur internet était un photomontage désastreux ; c'est devenu un mème. Depuis la toute première image, l'important n'est donc pas l'image en elle-même, mais comment elle a été créée et dans quel but. Je pense que nous sommes en train de trouver un équilibre entre la prise de vue, le traitement et le partage. Il y a beaucoup de mauvaises photos qui ont eu du succès parce qu'elles sont arrivées exactement là où elles devaient être. Je dirais que la prise de vue est en perte de vitesse, tandis que le traitement et le partage sont en train de gagner du terrain.Votre intérêt pour la retouche transparaît dans « Album », une série géniale où, à l'aide de Photoshop, vous vous effacez de vos photos de famille. Quel était votre objectif ?
« Album » était mon projet de fin d'études. Je n'en étais pas conscient à l'époque, mais maintenant je sais que c'était une manière de comprendre qui j'avais été jusque-là, et qui j'allais devenir. Je comprends aussi que le projet avait pour objet, une constante chez moi, de repousser les limites de la photographie. Je crois que depuis le tout début, j'utilise les questions d'identité pour questionner la nature de la photographie elle-même.C'est très courant, en photo, de commencer à travailler sur ses propres clichés de famille, et c'est à la fois une bonne et une mauvaise chose. C'est une bonne chose parce que ce sont généralement des photos que vous connaissez très bien, il est donc plus facile de les détourner, de jouer avec elles. Et c'est une mauvaise chose pour le reste du monde, qui ne connaît pas et surtout se fiche complètement de votre famille. Je crois qu'en m'effaçant des photos, j'ai laissé un espace au spectateur pour y projeter son propre corps. Cela facilite son implication dans le projet.
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Par le passé, la photographie a été très influencée par l'histoire de l'art ; au sein de l'histoire de l'art on trouve le Pop Art, basé sur la pop culture. Cette nouvelle ère post-internet est influencée par la pop culture : tout est mélangé, l'ancien, le nouveau, tout est issu d'images créées pour l'internet. C'est un sujet sur lequel j'écris et que j'essaie encore de comprendre.Vous avez déclaré que les institutions espagnoles ne soutenaient pas suffisamment les photographes émergents. Cela a-t-il changé ?
Non. À l'heure qu'il est, aucune institution espagnole ne soutient quoi que ce soit dans la culture. Notre gouvernement prélève des taxes sur les activités culturelles, des concerts aux pièces de théâtre en passant par les expositions et le cinéma. C'est une période très difficile pour nous. Mais il se passe beaucoup de choses en Espagne, il y a beaucoup de jeunes photographes qui font un boulot génial et obtiennent une grande reconnaissance, dans un premier temps à l'étranger. Mais tous ces projets n'ont pas été soutenus par de quelconques institutions publiques ou même privées, c'est une génération entière qui a travaillé seule.Parlez-nous de cette multiplication des livres photo en Espagne. Quelles sont les circonstances d'une telle émergence ?
En Espagne, notre génération est très soudée, nous nous connaissons tous et il y a un esprit communautaire très fort. Je n'ai retrouvé ça nulle part ailleurs. Il y a une excitation très grande autour des livres photo en ce moment, particulièrement en ligne.
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J'écris beaucoup et j'espère publier un livre théorique. Nous avons besoin de plus de livres sur la photographie. À mon sens, pas un seul livre intéressant sur le sujet n'a été publié récemment. Je pense qu'il faut une pensée nouvelle.Les choses changent beaucoup et très vite. Je le vois avec mes étudiants, leur relation aux images est très différente de la mienne. Je dirais que ma génération est dans un entre-deux : j'ai appris la photographie de manière classique, mais à 8 ou 10 ans j'ai eu un ordinateur. Nous avons besoin de trouver des idées et des mots pour cette génération née dans le numérique. Il existe beaucoup d'écrits sur l'art et l'ère post-internet en anglais, mais ce n'est pas facile à trouver en espagnol.Pour finir, puisque nous parlons de la nouvelle génération, y a-t-il de jeunes photographes dont vous nous conseilleriez de suivre le travail ?
Voici quelques photographes espagnols : Alberto Feijóo, Bego Anton, Carlos Chavarria, Lucia Gomez Meca, Erik Von Frankenberg, Rut Panuse, Roc Herms, Daniel Mayrit.Merci, Jon.@finspoCliquez ici pour en savoir plus sur irista et ici pour les dernières nouvelles de Canon.