FYI.

This story is over 5 years old.

politique

Un groupe d’extrême droite compte être bien présent aux élections de 2018

Il n’y a pas que Gabriel Nadeau-Dubois qui aspire ces temps-ci, du haut de sa vingtaine, à tailler sa place à l’Assemblée nationale.

À l'opposé de l'échiquier politique, à droite, bien plus à droite, on retrouve un jeune de 21 ans qui tente de mettre sur pied un parti politique à l'idéologie anti-islam en vue des élections de 2018.

Né dans la région du Grand Montréal, Sébastien Poirier étudie au cégep de Lionel-Groulx en sciences humaines : un parcours classique. Autrefois délégué de l'aile jeunesse du Parti québécois dans sa circonscription, il dit s'être fait démettre de ses fonctions après avoir exposé sa vision hostile à l'islam. Désormais, en dehors des salles de classe, Sébastien est à la fois délégué politique et porte-parole de PEGIDA Québec, la branche québécoise d'un groupe d'extrême droite originaire d'Allemagne. Et il dit être chef intérimaire d'un parti qui n'en est pas encore à ses premiers balbutiements.

Publicité

L'extrême droite sur le bulletin de vote

Le parti n'est pas encore officialisé auprès du Directeur général des élections du Québec (DGEQ), mais il souhaite être distinct de PEGIDA Québec. Le groupe dit être en contact avec un parti européen, duquel il espère recevoir « une aide ». Quel est ce parti? À PEGIDA, on ne veut pas trop en dire pour l'instant, mais on assure qu'il ne s'agit pas du Front National de Marine Le Pen. Sans ce parti, le groupe deviendrait plutôt un parti indépendant.

Tout cela devrait se fixer bientôt, dit Sébastien Poirier, et on n'entrevoit pas trop de difficultés pour aller chercher les 100 signatures nécessaires à l'officialisation de la formation politique. « On a plusieurs milliers de membres, donc on a juste à passer les feuilles pour signer », prévoit Sébastien Poirier. Il faudra tout de même bouger rapidement, car le parti vise à se présenter dans les 125 circonscriptions du Québec dès les élections de 2018.

Jointe par VICE, la professeure et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les conflits et le terrorisme, Aurélie Campana, hésite à commenter l'impact que pourrait avoir la démarche du groupe, se demandant si le parti va un jour apparaître sur la scène politique.

« Un parti, ça a besoin de financement… Je serais extrêmement prudente; avant de commenter l'émergence d'un parti, j'aimerais bien le voir émerger », lance-t-elle. Elle nuance d'ailleurs le nombre de membres que revendiquent les groupes d'extrême droite au Québec. S'il est difficile de les chiffrer, il faut distinguer le noyau dur de militants (qu'elle juge peu nombreux) des gens qui vont aimer une page Facebook, par exemple.

Publicité

Quant à la demande d'autorisation d'un parti, elle est relativement simple : en plus de récolter une centaine de signatures de membres, il faut faire un dépôt de 500 $. Le service des communications du DGEQ rappelle cependant que « l'autorisation est une étape nécessaire afin qu'un parti politique ou qu'un candidat indépendant puisse solliciter ou recueillir des contributions, contracter des emprunts ou encore effectuer des dépenses ».

Comme le projet mené de front par les membres de PEGIDA n'en est pas à cette étape, ces derniers ne peuvent obtenir de fonds pour faire campagne. Sébastien Poirier est bien conscient de la situation financière de son futur parti et avance qu'il est possible qu'ils n'aient pas le financement nécessaire pour gagner un seul comté. Le but est plutôt d'indiquer aux gens qu'ils sont bien présents.

Mais ce n'est pas le seul point sur lequel Aurélie Campana émet des réserves. « Il faut dire que [les groupes d'extrême droite] qui avaient les mêmes envies, les mêmes revendications au Canada anglophone, ils sont jamais parvenus à rien », argue-t-elle.

« En revanche, les leaders de ces groupes participent comme indépendants. Ça peut être aux élections fédérales, comme aux élections très locales. De ce que j'ai vu des dernières élections auxquelles se sont présentés certains des leaders de ces groupes au Canada anglais, c'est qu'ils n'étaient pas parvenus à dépasser la barre des 0,5 % ou 0,7 % [d'appuis]. Derrière l'agitation qu'ils provoquent, qu'ils alimentent, ils ont quand même une base sociale qui est relativement réduite », précise-t-elle.

Publicité

Une démarche enclenchée

Du côté de PEGIDA, on assure que les choses se sont mises en branle depuis quelques mois. L'équipe de base de trois personnes serait formée, et on chercherait à la faire grossir un peu plus, pour avoir une administration « plus solide ». Il y aurait une première version de la constitution, écrite par Sébastien et un de ses collègues. Il resterait à la retoucher en groupe et à la faire approuver, de manière à ne pas « imposer sa manière de penser ».

Sébastien Poirier a une bonne idée de ce qui va se retrouver dans la plateforme du parti : on veut limiter la pratique de l'islam, notamment au travail. On refuse les symboles religieux à toute personne en position d'autorité, dans la fonction publique.

On veut aussi baliser certains accommodements raisonnables de manière à n'accorder aucun « privilège » aux minorités religieuses. Ou encore, on suggère de mettre la clé dans la porte des centres islamiques, qui « ont une association directe avec les Frères musulmans, donc ce sont des salafistes, et donc directement des extrémistes », soutient Sébastien Poirier.

Quelle attention donner à ces groupes?

Aurélie Campana insiste sur le fait qu'il ne faut pas donner aux groupes comme PEGIDA une importance plus grande que celle qu'ils ont réellement, surtout depuis l'attentat à la mosquée de Québec.

« Je pense que c'est un phénomène social et politique dont il faut parler, mais qu'il faut surtout pas exagérer. C'est un phénomène social qui demeure encore, bien heureusement, relativement marginal. Ils sont en train de rechercher la visibilité des médias, et plus on écrit sur eux, plus on parle d'eux, plus ils acquièrent la visibilité qu'ils recherchent », martèle-t-elle.

Publicité

Elle reconnaît malgré tout « des risques de polarisation des débats, de droitisation des débats politiques, comme on a pu le voir dans d'autres contextes, européens entre autres », associés à la possible émergence de ces groupes en politique.

Ambitions diverses

Sébastien Poirier occuperait présentement le poste de chef intérimaire de son futur parti, mais il ignore s'il veut se présenter officiellement comme son leader. Il indique qu'il va se présenter en 2018, au moins comme député, « parce qu'on va avoir besoin de mon aide ». Ensuite, la voie pourrait bifurquer entre la carrière politique et le travail au sein des groupes d'extrême droite.

Car Sébastien aura fondé, outre un parti politique, un nouveau groupe d'extrême droite au Québec « avant deux mois », affirme-t-il. Ce groupe serait une cellule locale d'un autre mouvement européen qu'il ne souhaite pas nommer non plus, avec lequel il effectuerait du « travail de sensibilisation ».

Il juge que l'islam est une religion violente, s'appuyant sur certains passages ciblés du Coran. Il insiste sur le fait qu'un « vrai » musulman serait en accord avec tout le Coran, qu'il ne peut pas choisir les passages qui lui plaisent ou non. « Si tu ne l'appliques pas, tu n'es pas musulman, parce que tu n'appliques pas la parole de Dieu. »

Aurélie Campana n'est pas surprise par cette rhétorique. « C'est une lecture que les gens de PEGIDA font depuis l'émergence du mouvement en Allemagne. Ils vont sélectionner dans le Coran ce qu'ils veulent bien sélectionner. C'est pour mettre dans le même panier tous les musulmans. Dans sa vision des choses, l'islam est une religion violente, donc on ne fait pas la distinction entre un islam plus radical et un islam plus modéré. On embarque tout le monde sous la même catégorie, qui vise à créer de la division et à créer indirectement des tensions. »

Sébastien ajoute que son discours n'est pas xénophobe, car il se bat contre une idéologie en entier, et non pas des individus. « Je me bats vraiment pour interdire cette idéologie politico-théologique, qui est une mauvaise idéologie. Je l'ai lue », insiste-t-il, soulignant au passage qu'à l'intérieur de son mouvement, il y « a des ethnies », qu'il a « personnellement des amis de toutes les couleurs ».