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Ça y est : les sugar babes ont enfin leur magazine féminin

« Dis moi quelle montre tu portes, je te dirai combien tu vaux » : voici ce qu'on peut lire dans Let’s Talk Sugar, le premier féminin à destination des sugar babes
Screenshot de Brook Urick via YouTube

Brook Urick valide chaque article publié sur Let's Talk Sugar, un site de coaching pour « sugar babies ». Forte de son diplôme en journalisme et de ses relations avec des hommes riches, elle est parfaitement qualifiée pour assurer le contenu éditorial dédié à la communauté du « sugar dating ». Parmi ses travaux récents, on trouve par exemple « Men's Watch Guide For Sugar Babies », dont le contenu pourrait être résumé comme suit : « Dis-moi quelle montre tu portes, je te dirai combien tu vaux ». « Beaucoup de nos sujets sont similaires à ceux de Cosmo », déclare Urick.

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Let's Talk Sugar est la branche média de SeekingArrangement.com – le service de rencontres américain qui propose à des hommes mûrs et aisés d’entretenir des femmes jeunes et fauchées. Le site, lancé fin 2015, est calqué sur le modèle bien rodé de la presse féminine – beaucoup de listes, beaucoup de conseils et beaucoup de témoignages, le tout moyennant l’esthétique et la topographie propres au sugar dating. Urick est la seule salariée à temps plein. Les autres contributeurs sont recrutés directement auprès de la communauté Seeking Arrangement.

Urick est la porte-parole de Seeking Arrangement depuis bientôt quatre ans. Elle caresse de grandes ambitions pour Let's Talk Sugar. Le site appartient à Reflex Media, l'agence créative en charge du marketing et des relations publiques de Seeking Arrangement. Elle est responsable de l'engagement communautaire et des événements chez Reflex. Elle a déjà lancé un podcast sur Let's Talk Sugar – il propose des émissions personnalisées qui traitent de tous les sujets, des rencards des millenials au mouvement #MeToo. À terme, elle espère que le site deviendra un véritable nexus culturel pour quiconque entretient ce type d’arrangement. Let's Talk Sugar vient juste de lancer un service de coaching sur lequel des sugar babies expérimentées transmettent leur savoir aux novices. « Nous les aidons à rédiger leur profil, par exemple », explique Mme Urick. Pour l’instant, ces consultations se font par mails, mais d'ici l’été prochain, le site devrait se parer d’une toute nouvelle interface sur laquelle les jeunes recrues pourront appeler directement leurs mentors. Ulrick aimerait aussi que le site traite plus de l’actualité et qu’il se montre plus réactionnaire vis-à-vis des événements actuels. Elle prévoit de commencer à diffuser un talk-show sur Facebook Live, et de produire des sketches pour la chaîne YouTube de Seeking Arrangement. Parce que les sugar babies aussi ont soif de contenu.

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Il peut sembler étrange que le sugar dating devienne peu à peu un mode de vie à part entière. Mais si vous êtes familier avec cette scène et que vous connaissez le traité juridique de Seeking Arrangement, vous êtes bien conscient des motifs en jeu. La prostitution est illégale dans la plupart des États-Unis. Tout ce qui dépeint la communauté du sugar dating comme une curiosité culturelle de niche avec tout son lexique de coutumes, de tabous et de salutations impénétrables, aide l'entreprise à démontrer que le sugar dating n’a fondamentalement rien à voir avec le travail du sexe.

Ce refus de Seeking Arrangement de s'engager véritablement avec le reste de l'industrie pour adultes a suscité des réactions mitigées parmi les travailleurs du sexe. Bobbi Besos, une prostituée qui travaille au Bunny Ranch à Las Vegas, a récemment écrit un billet sur le site du bordel – « Sugar Dating : Let's Stop Sugar-Coating Prostitution » (« Sugar Dating : Mettons un terme à la prostitution masquée ») – dans lequel elle souligne que le service décline toute responsabilité morale et juridique en cas d’événements dangereux, coercitifs ou destructeurs qui surviendraient au cours des rencontres transactionnelles qu'il facilite. (Dans l’article, Besos avoue qu’elle a elle-même été une sugar baby.)

« Quand j’ai véritablement compris ce que je faisais, je me suis régalée de découvrir qui j’étais : une jeune femme intelligente et instruite, qui a beaucoup voyagé et qui exerce malgré tout le métier de prostituée, écrit-elle. J'ai décidé que ma sécurité était primordiale et qu’il me fallait poursuivre mon activité de manière légale et sûre pour continuer à avoir du succès. Je préfère de loin me prostituer légalement dans un bordel du Nevada que de naviguer dans le monde obscur du sugar dating. »

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Dawn Lee, une prostituée de Toronto, adopte une position plus souple. Elle n'a aucun problème avec la communauté du sugar dating. Elle pense toutefois que Seeking Arrangement essaie activement de conduire un coin artificiel dans la définition du travail du sexe avec Let's Talk Sugar. « Ils font croire à leurs utilisateurs que ce n'est pas de la prostitution, et c’est tout à leur avantage, en raison de toute la stigmatisation entourant le travail sexuel, déclare-t-elle. Ils disent à ces jeunes femmes ‘tu n'es pas comme ces filles. Tu n'es pas une prostituée’ ».

« Tout ceci n’est qu’un stratagème marketing évident de Seeking Arrangement pour rassurer les utilisatrices, explique-t-elle. Il y a une grande finesse psychologique dans cette démarche. »

Lee estime que Let’s Talk Sugar promeut la position régressive selon laquelle les sugar babies méritent plus de respect, d'autonomie et de magazines lifestyle que les autres travailleurs du sexe. « C'est vraiment préjudiciable », poursuit-elle.

« Nous essayons de combattre cette stigmatisation. Mais la vérité, c’est que le sugar dating est un mode de vie », déclare Urick lorsqu'on lui demande si Let's Talk Sugar est pour elle un moyen d’esquiver les comparaisons avec la prostitution. « Ce n'est pas seulement un site web, c'est un choix de vie. »

Luke Winkie est sur Twitter.