Photo : Timothy Saccenti
Après avoir raconté au public (majoritairement blanc) comment il s’était effondré juste avant le show en pleurant « comme un bébé » dans les bras de sa femme, il a transmis un message de rage d’une voix enrouée par la peur. Il a ensuite ajouté au public très attentif : « Ce n’est pas une question de race, de classe ou de couleur… Il s’agit de savoir pourquoi il l’ont tué. C’est une question de pauvreté, d’avidité. C’est une machine de guerre ! Une machine de guerre qui vous utilise tous comme chair à canon ! » Puis, en pointant le public du doigt, il a terminé en criant : « La seule chose que je veux que vous sachiez, c’est que c’est NOUS contre la PUTAIN DE MACHINE. »Après ça, le son et la salle ont explosé. Un message brutal et honnête du duo sûrement le plus punk de 2014.Dans l’ensemble, 2014 était l’une des années les plus sombres qu’ait connue l’Amérique dans son histoire récente. Les meurtres, très médiatisées de deux Afro-Américains - Mike Brown et Eric Garner - par des policiers blancs ont fait grimper considérablement les tensions raciales au sein du pays. Le paroxysme a été atteint quand les policiers en question n’ont reçu aucune sanction professionnelle ou pénale. En plus des magasins saccagés, des bâtiments en feu, des signes de protestations à travers tout le pays, les émeutes ont entraîné la mort de deux policiers, tués à bout portant dans leur voiture à New-York. Tous ces événements ont créé un climat de tension national digne d’un film comme Judge Dredd.
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Photo : Barrett Emke
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Il ne s’agit pas que de musique. Killer Mike relaye certaines idées du rap underground (et de la communauté afro-américaine) grâce à ces passages sur différents médias nationaux où il clame ce que certains Américains blancs méritent cruellement d’entendre, qu’ils le veuillent ou non. Le 20 août dernier, il était l’invité de Brooke Baldwin sur CNN et a lâché les vérités une par une avec beaucoup d’éloquence : « Plus que jamais, les hommes noirs sont déconsidérés. On est les plus délaissés en terme d’éducation, et en terme de relation avec la police. Mais peu importe ce que ce pays espère d’eux, de ces hommes noirs, car ça pourrait arriver à tous les Américains. Donc je demande une chose à l’Amérique : si on viole les droits d’un jeune afro-américain de 18 ans, qu’adviendra-t-il des autres? ». Il était puissant et ferme, prophétique et plein de sagesse, le tout en restant souriant et accessible.Deux jours après l’interview, le gouverneur du Missouri Jay Nixon annonçait le déploiement de troupes à Ferguson pour remettre de l’ordre. Ce jour-là, Joyce Manor, un jeune groupe de pop-punk de Torrance en Californie a tweeté : « Après ce qui vient de se passer à Ferguson, on ne peut rien faire et on regrette de ne pas être plus engagés politiquement. Blasé par ce monde… »Cette année, Joyce Manor a aussi pondu un album marquant, Never Hungover Again, sur Epitaph. Un des albums qui a, comme Run The Jewels 2, côtoyé les tops de fin d’années, que ce soit sur Wondering Sound, Brooklyn Vegan ou SPIN. Les gens ont su l’apprécié et pour de bonnes raisons. C’est un album surprenant avec des morceaux qualifiés par beaucoup d’avant-gardistes dans le genre. Mais Never Hungover Again évite tous les sujets politiques ou sociaux et se concentre sur des thèmes plus personnels comme l’amour, ou l’ennui des villes paumés, comblé par la défonce ou les tatouages.
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