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Music

Strut réédite les classiques ghetto house de Dance Mania

Quinton Scott, le boss de Strut, nous parle de la compilation qu'il a consacré au légendaire label de Chicago.

Victor Parris Mitchell et Raymond Barney, les deux patrons de Dance Mania, dans leur jardin de North Lawndale, Chicago. (Photo: Ryan Lowry)

Tous les cinq ans depuis 1988, Dance Mania connait un retour en grâce auprès des DJs house et par ricochet, auprès des petites blondes qui s'allument sur de la musique de club. Historiquement, tout ça a commencé en Angleterre. Matez les charts de la Haçienda publiés dans le livre de Peter Hook si vous ne me croyez pas. Les maxis hip-house – des noirs balançant des vocaux hip hop outrés sur de la musique 4/4 – étaient peut-être d'ailleurs les seuls trucs que Peter possédait en grand nombre à l'époque… du moins en nombre plus conséquent que la drogue qui irriguait chaque poche de ses ensembles sportswear. La distribution des disques Dance Mania en Europe a permis à Raymond Barney, le boss de la maison, d'installer le label comme la référence Chicago House à travers le monde. La concurrence était pourtant sévère, on a dénombré jusqu'à 150 labels en activité à Chicago entre 1984 et 1992. Rien à foutre, Barney planait clairement au dessus du jeu.

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Une école de commerce dans l'Illinois et un stage dans le label de soul qu'avait monté son père au milieu des années 60 ont permis à Barney de monétiser le futur de la musique de club. Cela dit, que peut-on reprocher à un gars qui a sorti les disques de mecs comme Lil' Louis (pas celui que vous avez vu au Rex récemment, le vrai), Robert Armani, Paul Johnson Funk, Deeon ou encore Paris Mitchell ? Pas grand chose. Vous résumer chronologiquement les esthétiques mouvantes du label n’est pas chose simple. Les plus nostalgiques accoleront les termes « originel », « sincère » ou « true » à cette musique. Les moins de 30 ans : « corporate bloggin », « bitrate cramé » ou encore « Soulseek ». A l’inverse du petit rigolo

Boys Noize

, les mecs moins fun de Strut Records eux, ont décidé de remettre les choses à plat en éditant une compile des hits du label. Internet et ses plateformes cloud s'en étaient déjà chargés depuis un moment mais peu importe. On a profité de l'occasion pour discuter spiritualité et musique-conçue-pour-les-femmes avec Quinton Scott, le patron de Strut.

Noisey :

Salut Quinton, parle-nous un peu de la genèse de cette compile best of « Dance Mania ». C'est Ray Barney qui vous a branché dessus ?

Quinton :

Non, du tout, c’est plutôt nous qui l’avons contacté ! Je suis fan du label depuis sa première sortie, « J.B. Traxx' » de Duane & Co's. Je me souviens, j'avais entendu ce track sur une radio pirate dans les années 80's, et ça sonnait bien plus

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raw

que ce qui sortait sur Trax à la même époque. J'étais allé directement m'acheter le maxi. Il y a quelques mois, on a appris que Dance Mania relançait son activité de label. En même temps, un DJ irlandais dénommé Conor Keeling nous proposait une idée de compilation autour de Dance Mania. On s’est grouillé d’appeler Ray et Victor Paris Mitchell et on a conclu l’affaire.

Justement, t’en penses quoi du Dance Mania ressuscité ? T'avais jeté une oreille sur la réédition du maxi de Paris Mitchell ?

Comme tous les fans, j'étais super excité par la nouvelle. Le maxi de Parris est un must-have pour tout DJ qui se respecte. Les acapellas défoncent. Concernant le label, c'est cool qu'ils se positionnent à la fois sur de la réédition et sur la production de nouveautés.

Tu l'as rencontré en personne, Barney ? Tout le monde le présente comme un businessman hyper dur en affaires.

C'est sûr, c'est un mec hyper carré. À la fois sur la direction artistique de son label et sur le business lié à la distribution. Mais chez Strut, personne ne pourra te dire du mal de Ray Barney. Beaucoup de mecs de Chicago se traînent de sales réputations. Ray a su maintenir un haut degré de confiance et d'honnêteté envers ses artistes. Sinon, on a été en contact via mail et Skype.

Deeon parlait de la musique qui sortait sur Dance Mania en ces termes : « Tu avais des mecs lambda, des mecs de gangs, d’autres mecs, et tous dansaient, ils dansaient pour s’approcher des filles. » Tu résumerais l’esprit de l’époque de la même manière ?

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Ouais, le consensus autour de Dance Mania évoque une musique qui sort directement du ghetto. Des morceaux produits pour être mixés dans les teufs d'appart de tes voisins. L'efficacité des tracks était nécessaire : si ça marche sur le dancefloor alors c'est un disque Dance Mania. Je crois aussi que Deeon a consciemment créé des pistes destinées à rameuter des meufs (style «

Trax 4 Da Women

») et évidemment, là où vont les meufs, les mecs suivent.

Un pote qui a étudié la Chicago House dans un cadre universitaire me disait qu'une grande partie des producteurs de l'époque sont dans une sorte de rédemption mystique où l'église est le substitut à la drogue et la musique. On a même parfois du mal à les faire parler de leur passé de musicien. Triste, non ?

Tous les projets qu’on a entrepris avec Strut nous ont permis de nous confronter à des mecs provenant de plein de chapelles différentes (l'afrobeat, la disco, la house…). Beaucoup avaient trouvé leur voie grâce à l'église et niaient leurs passés de

club heads

. Mais je nuancerais l'avis de ton pote : peu de mecs de la ghetto house se sont convertis à quoique ce soit ! Les mecs sont restés

thug

. En tant que label, on cherche uniquement à documenter l'influence que tous ces mecs ont pu avoir sur les gens. J'ai d’ailleurs rencontré quelques mecs de cette scène qui sont rentrés dans le rang. Et avec l’âge, ils sont généralement très heureux de vivre une vie rangée.

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La mise à disposition massive (peer-to-peer) des back-catalogues de pas mal de vieux labels a forcément dû influencer votre travail. C'est un sujet que vous avez abordé avec Barney ? Ils vous emmerdent les gars qui font ça ?

Ça a évidement eu un gros impact sur notre business. Les mp3 rippés de maxis sortis sur Dance Mania sont une denrée très appréciée des DJs. Ray a pris la mesure de tout ça, mais garde en tête que Dance Mania est désormais géré comme une petite affaire par Victor et lui-même. Le back catalogue Dance Mania est trop massif pour enrayer la dynamique de partage de mp3s libres. Mais je reste aussi persuadé qu'il reste une masse de personnes prêtes à acheter des sorties « officielles ».

Oui, mais concrètement, au moment de faire le tracklisting, vous avez forcément du survoler toutes ces compiles mp3 qui trainent sur des blogs. Est-ce que ça a eu une influence sur la sélection ?

Quatre mecs ont bossé sur la sélection des morceaux : le crate-digger irlandais Conor Keeling, le DJ londonien Miles Simpson et évidemment Ray et Victor. Les quatre n'ont pas passé leurs journées sur internet à comparer les compiles bootlegs… On était sur une logique différente : regrouper des classiques d'un côté et des trucs plus confidentiels de l'autre, tout ça dans l'optique de donner une idée précise des différentes esthétiques défendues par le label. Je te donne un exemple : « Twinkles » de Strong Souls n’est pas forcément le track que tu associerais au son Dance Mania, mais ça reste un truc qui défonce.

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À titre personnel, t'étais plutôt fan de l'époque hip-house du label ou de celle des gros durs qui a suivi ?

Plutôt de l'esprit originel du label, mec. Leurs sorties ghetto/hard house étaient de qualité mais leurs débuts ainsi que la phase deep,

soulful

, voire atmosphérique du label est clairement au dessus pour moi. Ecoutez « Club Style » de Paul Johnson, Strong Souls et les vocal tracks de Victor Parris Mitchell.

Si tu ne devais garder que cinq noms dans la liste des producteurs associés au label, tu prendrais qui ?

C'est hyper difficile… Allons-y : Duane Buford pour « JB Traxx » ; Victor Parris Mitchell pour ses classiques vocal (« Love Will Find a Way » et « Brighter Days ») ; Lil' Louis pour ses premiers maxis hyper sombres, Paul Johnson pour avoir couvert presque tous les styles de house, et enfin DJ Funk et DJ Deeon, les meilleurs producteurs du ghetto house jeu. Impossible de faire plus cru.

Non, non, ceci n'est pas un disque hardstep de 1995 mais la compilation

« Hardcore Traxx: Dance Mania Records 1986-1997 »

et vous pouvez consulter directement sa tracklist sur le site de Strut. Profitez-en d'ailleurs pour

mater les autres compiles aussi encyclopédiques qu'indispensables que le label a déjà sorti.

Nicolas ne fait que passer, lui aussi est dans le biz, et il a un deuxième maxi à terminer pour le label Antinote.