FYI.

This story is over 5 years old.

Music

Le nouveau testament de Christopher Owens

Le leader de Girls a décroché de l'héroïne et a décidé de jouer de la country et d'être heureux.

Christopher Owens est affalé sur un canapé, dans le quartier de Silver Lake, à Los Angeles. Il parle doucement et avec une sorte de candeur des moments les plus sombres de sa vie - il a grandi au milieu d'un groupe de religieux et de marginaux, avant de trouver le salut dans la musique, puis dans l'héroïne. L'ancien chanteur de Girls est confiant et docile - même lorsqu'il discute de choses que la plupart des gens ne raconteraient même pas à leurs proches. Mais quand on commence à parler de musique, il s'anime et s'excite, chante des couplets de Chet Baker ou vante les vertus de Nick Drake et Gravediggaz.

Publicité

« Pour moi, la musique, ça n'a jamais été cette espèce d'imagerie rock 'n' roll ou quoi que ce soit. » raconte Owens. « C'était juste de la musique. Je n'y pensais même pas, c'était comme un exercice. Un simple aspect de la vie. »

Voilà la clé pour comprendre Owens. C'est un outsider mais il n'a pas été sauvé par la musique de la même manière que la plupart des gens de son âge : lui, a vu dans la musique un véhicule social, quelque chose à partager avec ceux qui l'entourent.

Durant la majeure partie de sa vie, Owens - qui a maintenant 35 ans - a fait partie du club de quelqu'un d'autre. Élevé en Asie et en Europe par les Enfants de Dieu, un groupe à mi-chemin entre secte et communauté hippie, il a eu dès son enfance une relation relativement compliquée avec la foi, l'autorité et ses parents (responsables de sa présence dans cet environnement). Owens est ensuite allé vivre avec des punks à Amarillo, au Texas, où il passait son temps au Dynamite Museum de Stanley Marsh 3, businessman et artiste controversé. Aux côtés d'Ariel Pink et de Matt Fishbeck, il a servi d'apprenti musicien dans l'un des groupes les plus désorganisés de tous les temps : Holy Shit.

La musique a toujours été le fil rouge entre ces communautés de fortune. Écouter des amateurs jouer live était, pour lui, plus important que d'acheter des disques. Owens se trouvait souvent à la périphérie de ces projets, s'imprégnant de nouveaux sons et de nouveaux points de vue. Et même s'il s'est fait connaître en tant que songwriter grâce au groupe Girls en 2008, c'est avec la sortie de son second album solo, A New Testament, qu'il devrait vraiment attirer l'attention. Pour ce projet, il a rassemblé un groupe de musiciens triés sur le volet (parmi lesquels trois anciens membres de Girls), dont les racines se situent dans la country. « J'avais dans l'idée de faire un album dans le style de Dwight Yoakam - de la country cool, de la country Californienne façon Bakersfield, avec des jeans serrés » explique Owens. « Quand j'ai commencé à enregistrer et quand j'ai entendu les choeurs, je me suis dit que ça ne pouvait pas être un album de pure country. »

Publicité

A New Testament capture une période précise de la musique américaine, post-rock 'n' roll et pré-british invasion, qui brasse des éléments de la country, de la soul et du gospel. Pensez à Ray Charles ou aux Everly Brothers, ou a la manière dont les Beatles allaient reprendre Carl Perkins, ou, mieux, Buck Owens, quelques années plus tard. Des tons chauds, des dynamiques claires et des tubes trompeurs - bien loin de son premier album solo, Lysandre, qui était principalement joué à la flûte.

Fidèle à lui-même, Owens est habillé dans un style bohémien/country californienne. T-Shirt imprimé trop large, bottes. Il ne porte pas le chapeau de cowboy de la pochette mais on l'imagine parfaitement avec. Malgré ses précédentes incursions dans le punk, la noise et l'avant-pop, Owens n'est finalement jamais aussi bon que lorsqu'il mélange douleur et optimisme. Sad songs from a sweetheart, pour paraphraser le single « Hellhole Ratrace » de Girls. Son amour de la composition traditionnelle et des mélodies s'explique par l'admiration qu'il voue au Great American Songbook et l'influence que la simplicité des refrains religieux a pu avoir sur son enfance. Mais Owens explique avant tout cette orientation par le temps qu'il a passé avec Pink, qu'il révère, et Fishbeck, qui l'a toujours encouragé. « C'était la première fois que je voyais quelqu'un de mon âge qui ne jouait pas du punk, de la noise ou de l'expérimental. Ils voulaient juste composer des pop-songs classiques, et moi je me disais, wahou, tu peux faire ça ? », raconte Owens. « J'ai soudain compris que tout le monde pouvait le faire. J'ai commencé à écrire des paroles pour accompagner tous ces morceaux que je composais à la guitare, et c'est devenu le premier album de Girls. »

Publicité

Depuis ce jour, cette simplicité et ce côté brut sont devenus les marques de fabrique de sa musique, et en ce sens, A New Testament est un album typiquement Owens. Plus assuré et plus optimiste, peut être. Et sa récente sobriété y est évidemment pour quelque chose. Owens montre aujourd'hui ouvertement qu'il est capable d'être heureux. « Je suis passé par l'école de la rue et j'y passe toujours, à vrai dire. » Le disque glisse vers son passé en même temps qu'il s'en éloigne. Le titre lui-même marque une ligne de démarcation assez claire entre l'Owens tourmenté et l'Owens ressuscité.

« Je n'en avais pas conscience, mais il y a des choses géniales qui sont arrivées dans ma vie ces dernières années, à commencer par ma relation actuelle. Il y a beaucoup de morceaux entraînants et positifs qui parlent d'être avec quelqu'un que tu aimes, pas uniquement d'amour non partagé comme avant. »

Peut-être en partie à cause de son éducation à la dure, Owens a une curiosité profonde du monde qui l'entoure et ananlyse son environnement sans idées préconçues. Quand il liste les disques qu'il est en train de chercher, par exemple, il cite aussi bien l'héroïne folk Karen Dalton que les ballades de All-4-One. Son approche - celle d'un explorateur qui prend en compte les mauvais côtés du monde tout en insistant sur les bons - est l'une des nombreuses raisons pour lesquelles on écoutera encore ses morceaux dans 15 ou 20 ans. Owens fait désormais partie de cette lignée de songrwiters capables d'exprimer des émotions spécifiques, intrinsèquement humaines, en gardant un point de vue d'outsider, comme Stuart Murdoch ou plus récemment de Sufjan Stevens. Deux compositeurs qui ont des liens solides avec la foi, et ça n'est pas forcément une coïncidence.

Publicité

Malgré le fardeau qu'a pu être sa vie, Owens a un talent naturel pour séparer le bon grain de l'ivraie. C'est particulièrement frappant lorsqu'il parle de musique et de son désir de tout apprendre, du classique au jazz; Ou lorsqu'il prouve qu'il est simplement une personne agréable à fréquenter. Il peut tomber dans de sales plans : il a maintenant la capacité d'en tirer les leçons qui s'imposent. Dans Girls, Owens se présentait comme un type battu pour avoir fait le bien autour de lui - un type passé à l'essoreuse. Aujourd'hui, sobre et amoureux, il est passé de l'autre côté : le bien semble être en train de battre le mal, et ça se reflète dans la clarté et la confiance qu'inspirent sa musique.

« Ca ne m'inquiète pas trop de passer pour un type heureux. Je pense que je me suis plus ouvert, émotionnellement parlant », déclare Owens. « Je suis fier d'avoir abandonné certaines habitudes, ça a été une bataille plutôt longue, et je ne l'ai gagné que très récemment. »

Et ça a été dur. À cause d'une allergie à la méthadone, Owens n'a pas eu d'autre choix que de décrocher de l'heroïne sans sevrage progressif ou programme à long terme. « C'était atroce, je savais qu'il n'y avait rien, aucune formule magique pour que ça soit plus facile. Je me suis éloigné de la ville, sans téléphone. J'étais dans la cambrousse et j'y ai tiré mes deux semaines. »

Pendant des années, Owens avait déjà essayé d'arrêter plusieurs fois, sans succès. « Je ne voulais plus laisser de place à l'héroïne dans ma vie. Je me suis rendu compte à quel point c'était devenu pathétique. Je n'arrivais pas à décrocher. C'était embarrassant. J'avais joué avec les premières années, je pouvais arrêter quand je voulais, mais d'un coup, l'addiction s'est complètement métamorphosée. C'était devenu vraiment glauque. Je n'économisais plus rien, je savais que je pourrissais une relation à laquelle je tenais pourtant beaucoup. Je savais que le futur allait me filer entre les doigts si je ne faisais pas rapidement quelque chose. »

Owens admet qu'il nourissait une relation « amour-haine » avec la drogue et qu'il a du tout ré-apprendre une fois sobre. « Tu n'as plus cette chose dont tu dépendais et qui rendait tout plus supportable. » Ce refus du manichéisme, cette vision acquise au gré des épreuves qu'il a traversé, est ce qui définit Owens. En tant que personne et en tant que songwriter. C'est un type qui voit toujours le verre à moitié plein dans tout, surtout lorsqu'on lui parle de son avenir, qui paraît aujourd'hui sans limites.

« Je suis prêt, conclut Owens. « Je suis totalement préparé à perdre l'aura de hype qui m'entourait ;Tout ce que je veux, désormais, c'est enregistrer des disques qui me tiennent vraiment à coeur. »

Scott Plagenhoef est un écrivain basé à Los Angeles. Il est sur Twitter.