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Nakk Mendosa refuse toujours l'étiquette de rappeur conscient

« En France on aime bien te mettre dans des cases : toi t'es à côté de Flynt, Médine, Mokless et Youssoupha, et tu bouges pas. »

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Ce 26 février, Nakk Mendosa revient avec son nouveau projet, Darksun 2, la suite logique du 1. Le MC de Bobigny est désormais un vieux baroudeur du rap français, qui outre ses disques solos, a roulé sa bosse de mixtapes en featurings. S'il n'a pas connu de succès mainstream, il est respecté de ses pairs, anciens rappeurs comme petits nouveaux, et a marqué les auditeurs avertis en se forgeant une solide réputation de rappeur pointilleux depuis plus de 17 ans. Cela ne nous rajeunit pas et lui non plus, c'est pour cette raison que nous sommes allés causer évolution, perspectives d'avenir et rapport à l'écriture avec lui.

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Noisey : Niveau ambiance, Darksun 2 est assez posé.
Nakk : Je cherchais des trucs un peu planants qui laissent de la place aux textes. Par la suite, j'aimerais travailler sur tout un projet avec des zicos si possible. Venir avec ce que tout le monde fait, ça ne sert à rien, les petits jeunes le font mieux que moi de toute façon.

Tu m'avais dit que les clips torse nu ce n'était pas ton truc, on peut dire aujourd'hui que la confiance est brisée.
[rires] Comme une rentrée des classes, t'as pas envie de revenir avec les habits de juin dernier, t'en veux des neufs. Je voulais arriver avec un truc qui change, soleil, plage, torse nu, que les gens soient un peu surpris. Je fais un peu de sport, faut que la France en profite [rires].

Avec Ademo de PNL tu es le deuxième rappeur très branché go du Venezuela, qu'est-ce qu'elles ont de si spécial ?
Sérieux ? Je savais pas qu'il en parlait souvent [rires]. Perso j'ai pris « Miss Venezuela » comme une image. Les meufs qui participent au concours Miss Venezuela sont toutes refaites, le nez, tout. Donc ça représentait l'image d'un couple où tout est faux. Certains m'ont dit « mais pourquoi t'es pas parti au Venezuela pour le clip ? » Frère, déjà c'est pas toi qui paies ! Mais c'était pas littéral en vrai.

« Tromper c'est doubler sa moitié », « oublie ton ex, t'auras ton futur comme Ciara »… Tu t'es fait plaisir niveau écriture.
La deuixème, quand je l'ai écrite, ils étaient encore ensemble. Après, la vie fait que ça donne un double sens à la phrase. Compliqué, hein. J'ai un pote qui a été choqué par la phrase sur la moitié, mais pour moi c'est un truc de gamin. Les gens seraient étonnés de voir à quel point je me prends pas au sérieux quand j'écris. Même dans le malheur je trouve toujours un côté humoristique, pour moi tout est sujet à dérision. C'est peut-être mon défaut. Ce genre de formule vient comme ça. Au grand maximum, je vais me dire « ah, pas mal, ça m'arrive encore de trouver des bons trucs », mais pas plus.

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Le morceau « Mama » qui parle de ta famille est ton titre le plus personnel depuis longtemps.
Quand tu vois le titre tu te dis encore un énième morceau triste sur la mère… Je vais faire l'artiste 2 secondes mais franchement celui-là je l'ai fait sans calcul. Je me suis vraiment mis à nu. Mais tu sais que… C'est peut-être le morceau le plus important de ma vie. C'est pas un morceau pour le public rap, c'est un morceau pour ma famille. C'est un des rares où j'ai pris la peine de tous leur envoyer, tantes, cousins… J'ai perdu mon frère en novembre et c'était ma façon de clôturer le deuil. Ils ont été touchés, ils ont trouvé que c'était un joli morceau. Et quand j'ai des commentaires qui trouvent le morceau un peu beau, c'est tout ce que je voulais. Je voulais pas faire un truc plombant, ni larmoyant.

Sans rentrer dans les détails, il t'est arrivé pas mal de tragédies niveau familial…
Oui.

L'écriture dans ces cas là c'est une thérapie ou c'est juste quelque chose qui vient après, parce que c'est ton truc ?
C'est parce que j'ai envie d'en parler. Le fait de le rapper ne change rien à la douleur. J'ai pas moins mal, j'ai pas plus mal. Concrètement, tu te dis pas que c'est évident de parler de sa mère ou de sa famille proche dans ce morceau spécifiquement. Mais il me tenait vraiment à cœur. Si le public avait unanimement trouvé ça à chier, ça n'aurait rien changé pour moi.

En invités, on retrouve notamment Nekfeu sur ton album. Entre toi, Kohndo, Les X-Men, Rim'K, vous l'appelez tous parce que vous savez qu'il vous a kiffé en tant qu'auditeur et qu'il ne vous dira pas non ?
Ouais c'est vrai qu'il y a de ça, c'est un poids en moins. Perso, je voulais l'inviter quand il a balancé « Égérie ». C'est là que j'ai pensé à une collaboration, je préférais ce côté artistique chez lui, que je retrouvais pas trop dans son travail avec son groupe. J'ai aussi invité MacTyer sur ce morceau. La combinaison est un peu inédite, 3 styles différents.

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D'où sa phrase « l'autotune fallait oser » ?
Ouais ! Elle m'a fait rigoler, cette phrase, c'est un ouf. On va peut-être le clipper, un peu plus tard, parce que Nekfeu est dur à chopper vu son actu. Après je suis réaliste : c'est triste, mais dès qu'on va balancer le son, ça va faire plus de bruit que « Mama » ou tous les autres, c'est comme ça, c'est la loi des vues.

Tu as remixé « Kurt Cobain » de Joe Lucazz, c'est la deuxième fois que tu remixes le son d'un autre, après « Pourquoi remix », c'est ton truc ?
Ouais [rires]. Quand j'en ai parlé à Joe, il était un peu déçu, il aurait préféré un inédit mais au final, il était grave content. Moi c'est peut-être le feat que je préfère sur ce disque. Tu « entends » qu'on a passé un bon moment en studio, que c'était une bonne soirée, tous ensemble. Je pense le clipper aussi, et je sais très bien qu'on va pas faire des millions de vues. Pourquoi un artiste ferait pas le remix du son d'un autre tout en l'invitant ? Y'a pas de règle. Busta Flex avait fait ça sur un vieux son d'Oxmo.

« La punchline Carambar s'en va, abracadabra », tu as l'impression que c'est moins la course au jeu de mot débile qu'avant ?
Ouais ça s'est calmé grave. Tant mieux, à un moment c'était devenu n'importe quoi. Des blagues qu'ils font avec leurs potes et qu'ils mettent en musique. Du coup quand tu fais une punchline sérieuse, consistante, limite les gens sont plus habitués, ça passe pas : « qu'est-ce qu'il raconte lui ? » [rires] Je prétends pas être le chevalier servant de la punchline, hein. Des fois je me prends la tête, mais les gens relèvent les trucs les plus légers. Dans « Astral », y'a pas mal d'efforts d'écriture, mais les gens ont relevé « je vous vois d'un mauvais œil comme Fetty Wap ». C'est un truc que je voulais même pas mettre à la base, c'est facile, actuel donc vite daté. Mais en vrai, t'écris et c'est le public qui choisit tes meilleurs trucs, pas toi. Des fois c'est mieux de faire juste un petit jeu de mot bien pensé que de chercher le truc trop dense. Un mec disait que c'était comme au foot : s'il y a un but à chaque minute, franchement tu perds l'excitation. Un truc que tout le monde retient dans « Mama » c'est « avec certaines filles j'ai gaspillé des 'je t'aime' qui te revenaient de droit ». C'est la seule du morceau, et c'est pas plus mal. Des fois ça suffit. Après mon souci c'est que je parle aussi comme ça, avec mes potes, j'utilise souvent des formules. Les gens peuvent penser que c'est forcé, mais non, c'est pas pour impressionner… En plus en 2016 ça impressionne plus grand monde.

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D'ailleurs le feat avec Lino aurait pu virer au concours de démonstration comme sa combinaison avec Booba selon certains, et au final pas vraiment.
Tu peux avoir l'impression que Booba a invité Lino pour dire « je vais vous montrer que je vais tuer votre Graal » [rires]. C'est vrai que nous, c'était pas une compét', je trouve que les couplets se valent et que c'est un bon morceau. Je sais pas si t'as remarqué mais les combinaisons super attendues sont souvent un peu décevantes. Celui qui a le plus de buzz prend ça à la légère et vient en claquettes alors que l'autre est à 200 % en rangers.

Un truc qui reste constant par contre, c'est le côté technique, les multi-syllabiques etc.
Si tu me dis d'écrire pour un rappeur de 10 ans qui fête son anniversaire ou je sais pas quoi, je vais quand même écrire comme ça. C'est du réflexe. Mais c'est vrai que je me prends moins la tête qu'à une époque. Des morceaux comme « Mama » ou « Elodie », si j'ai pas les rimes du siècle dedans, pas grave, l'intérêt est autre. Parfois tu fais ça juste parce que t'as rien à dire. Tu colmates de ouf avec la technique. Des fois j'entends des bons rappeurs enfermés dans la technique, c'est là, mais y'a pas grand-chose derrière. J'essaie d'éviter mais c'est pas facile.

« Ils ont tiré sur le rap, il se vide de son sens »…
Magnifique phrase [rires], le cliché du lyriciste. Pourtant, du rap débilos, j'en écoute dans ma voiture avec les petits, aucun problème. C'est pas grave frère, c'est que de la musique, personne tue des gosses ou vend de l'héro. Des fois tu vois les commentaires « Jul, PNL, c'est de la merde », ça va… Ils font leur musique.

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« Le rap conscient en guerre contre la trap : Taxis/UberPop », plutôt marrante la comparaison.
C'est le problème des mecs comme moi… Moi je suis un rappeur, je ne suis pas un rappeur conscient. C'est pas parce que je suis un daron que je fais pas des trucs de gogole ou que je ne souris jamais. J'ai des parties sombres, je ne veux pas avoir cette image de Témoin de Jéhovah tout gentil. Laissez-moi faire des morceaux comme « NDE » ou « Miss Venezuela ». Je ne suis pas dans une posture.

Pourtant dans le clip « NDE » t'es un peu habillé en Témoin de Jéhovah.
Ahah mais j'aime bien, je me vois pas être en marcel, muscles dehors avec des meufs en strings qui dansent autour de moi, ce serait ridicule… Si tu me voyais comme ça tu te dirais « ouais il est un peu vieux pour ça quand même… » Limite si je fais ça, il faut qu'à un moment je te montre, dans ce même clip, que c'était pour déconner, genre on rigole, je couvre la meuf et elle se rhabille.

Avec le morceau « Elodie », tu renoues avec le story-telling, ça faisait quelques temps que tu n'en faisais plus trop
C'est vrai. Je pense que mon après-rap va être dans l'écriture. Scénarii, bouquin… Quand j'écris, j'arrive vraiment à me projeter. C'est évidemment pas une histoire vraie. Mais ouais, ça peut paraître bizarre pour un mec du 93, de 40 ans, de se mettre dans la peau d'une meuf de 17 piges qui se fait violer par son beau-père. Pas l'idéal pour ma virilité [rires]. Ce morceau j'ai un peu peur des réactions, je trouve le thème extrêmement dur. Pour le clip, faudrait que tout soit suggéré, pas plus. C'est pas parce que c'est un sujet grave que tu peux pas en tirer quelque chose de beau. Comme les films sur des gens atteints de graves maladies, des drames, Philadelphia, etc.

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Sur « Le temps d'une vie » tu cites deux trucs qui m'ont fait plaisir : « ouf comme Dewey » et « j'ai des références genre Rox & Rouky ».
C'est tes délires à toi ça hein ? En vrai, quand tu regardes Malcolm, les trucs les plus marrants viennent de Dewey. Ils le punissent, ils l'oublient, mais il fait des folies, vraiment. Malcolm bosse bien à l'école, son frère c'est un peu une caillera, mais le plus intéressant c'est Dewey, je voulais trop le mettre dans un texte. Heureusement qu'ils ont pas continué sinon il aurait grandi, ce serait devenu un psycho. Même son nom sonne bien, t'amène des jolies rimes. Rox & Rouky, je me suis posé la question de la mettre ou pas. C'est daté, mais bon, il y a une tranche d'âge qui va comprendre.

Autre name-dropping, « ils se mettent de dos pour rire des blagues de Dieudo ».
Moi je suis un renoi, je suis Camerounais, tu te doutes bien que je vais pas cautionner tout ce qu'il dit mais je vais pas le descendre non plus. Et puis il est super marrant. Il me fait moins rire aujourd'hui, le délire de faire appel à ses fans pour payer ses trucs, là pour le coup je reconnais son côté Camerounais, c'est pas terrible [rires]. Mais ouais , certains se cachent pour rigoler, c'est ça que je voulais souligner.

Le refrain de « Cosmos » fait référence à Manuel Valls et sa phrase sur le manque de blancos à Evry…
Au début je voulais le mettre en intro, puis je me suis dit que c'était trop. Il s'en sort bien. Aurier on lui a fait la misère pour son histoire, mais lui tout va bien. Laurent Blanc et son histoire de quotas, idem. Je vais pas faire le parano « les minorités whoa c'est trop dur ». Mais c'est plus compliqué. Aurier c'est chaud pour lui. Il est cuit. Quand t'es une personnalité publique et que tu gagnes beaucoup d'argent, faut faire attention. Après quand tout le monde t'engueule, pour l'ego, c'est pas terrible.

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« Le travail est le meilleur ami du talent », c'est un truc que tu as compris avec le temps ?
En vrai, c'est même pas ça. C'est la détermination. Et ça c'est vrai que je l'ai pas forcément à 100% dans le sens où je ne suis pas prêt à faire tout et n'importe quoi pour vendre ma musique. J'étais pas prêt à 25 ans, je le serai pas à 40. Quand j'étais en major, on me disait « t'as pas l'air motivé toi…» Ça faisait 4 ans que je rappais, forcément j'ai pas la même hargne qu'un mec qui arrive après 10 ans « raaaah je vais tout niquer ». Faut être déterminé, c'est plus une question de qualité de morceau : quand on veut, il se passe toujours quelque chose.

« Rihanna peut finir caissière », c'est une reprise de « un ex braqueur peut finir caissier » ?
Non c'était juste pour le côté vie de star qui peut basculer. Après son dernier truc a moins vendu, ok, mais frère elle galère à son échelle américaine. Elle va passer de quoi ? 80 millions à 20 millions, elle peut encore racheter un Monoprix d'un claquement de doigts. C'est marrant la répétition avec l'autre phrase… ça peut avoir l'air péjoratif pour les caissiers…

J'ai été caissier, on peut dire que la confiance est brisée définitivement.
D'accord, enfoiré de Nakk ! Mais ouais c'est le genre de taf alimentaire que tu fais par défaut. Je pense que tu préfères ce que tu fais actuellement qu'à l'époque [sourire].

Pou rester dans le contexte : « Le cimetière est plein de gens qui mangeaient bio », t'aurais pu remplacer bio par « gluten free » pour mieux coller à l'actu.
C'est pas une punchline à proprement parler, c'est juste une vérité marrante, et au final je préfère faire ça. Concrètement tu peux avoir la vie la plus saine du monde, ce sera le même tarif à la fin. J'ai un pote qui est dans la gaminerie et qui kiffe celle-là, il a souri jusqu'aux oreilles quand il l'a entendue.

C'est plus des phrases-choc à la Despo, qui a d'ailleurs droit à une dédicace sur un titre.
Voilà, ça c'est mieux que les punchlines. C'est des vérités qui peuvent pas saturer les gens, tu vas juste enchaîner les phrases. Après c'est sûr que c'est pas facile de les trouver les comme ça, parce que c'est pas un jeu de mots tout simple.

Tu reprends d'ailleurs la rime d'Akhénaton pour en faire « à ceux qui m'appellent lyriciste je voulais dire… », ça te résume plutôt bien, non ?
C'est ça. Je suis passé par l'egotrip, le freestyle, mais à partir de « Chanson triste », les gens se sont dit ça y est, Nakk c'est ça. Frère, le jour où j'ai enregistré ce titre, j'avais aussi fait un egotrip et un autre morceau un peu pété. Je crache pas sur ce morceau mais c'est vous qui avez choisi les mecs, c'est pas moi. Je me suis pas présenté que comme ça.

Le contexte joue, si tu sors « Chanson triste » à une époque où le rap mélancolique est plus à la mode, ça devient par défaut ta marque de fabrique pour les gens.
Pas faux. J'ai des commentaires « enfin du rap conscient, d'adulte ». Donc quand je dérive un peu, ils sont pas contents. Ils sont durs, mais comme je suis têtu je fais ce que je veux. Je les néglige pas mais j'en suis à un stade où j'essaie de me faire plaisir. En France on aime bien te mettre dans des cases : toi t'es à côté de Flynt, Médine, Mokless et Youssoupha, et tu bouges pas. Alors qu'en vrai, on a tous envie de faire un morceau gogole de temps en temps.

Tu parlais de ton avenir post-rap, tu as déjà des pistes niveau écriture ?
J'ai commencé à écrire des trucs. De la fiction. J'aime bien inventer. Si j'écrivais un bouquin, le premier serait sûrement sur ma vie. Mais le reste, ce serait de la fiction. Je me vois écrire des trucs marrants, des trucs un peu cons. Yérim pense à son avenir post-rap sur Twitter.