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Yemen

Otage française : La situation à Sanaa

Une jeune française et son interprète yéménite ont été enlevées à Sanaa, la capitale d’un pays en pleine crise politique et sécuritaire, menacé par ailleurs par la progression d’une branche locale d’Al-Qaïda (AQPA).
Pierre Longeray
Paris, FR
Image via Flickr / Rod Waddington

Isabelle, une ressortissante française âgée de 30 ans, a été enlevée avec son accompagnatrice et interprète yéménite, Chérine, le matin du mardi 24 février aux alentours de 8h30, en plein centre de Sanaa, la capitale du Yémen. Le rapt a été confirmé dans l'après-midi par le ministère des Affaires étrangères. Les deux femmes se rendaient à leur travail à bord d'un taxi. Le rapt n'a toujours pas été revendiqué. Il s'agit de la seule otage française connue dans le monde.

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Laurent Fabius, le ministre des Affaires étrangères français, a annoncé ce matin sur les ondes de France Info que les autorités françaises n'avaient « pas encore de nouvelles » et que « tous les services sont mobilisés pour essayer de la retrouver, » notamment par l'activation du centre de crise du Quai d'Orsay. Le ministre a réitéré « l'ordre d'évacuation donné il y a deux semaines, » s'adressant aux quelques ressortissants français qui sont encore au Yémen — un pays divisé entre sunnites et chiites et plongé dans une crise politique et sécuritaire sans précédent alors que son président a quitté la capitale dans l'urgence il y a quelques jours alors que des milices en prenaient le contrôle.

Je redis l'ordre d'évacuation que nous avions donné il y a déjà deux semaines — Laurent Fabius (@LaurentFabius)February 25, 2015

Depuis 2011, et le début de la révolution qui a démis du pouvoir le président Ali Abdallah Saleh, le Yémen est en proie à de nombreux troubles. Avec trois conflits différents se déroulant en même temps sur le territoire national, une présence d'Al-Qaïda plus importante que jamais, une économie en déclin et des tensions communautaires en recrudescence, nombreux sont ceux qui voient dans le Yémen une nation en échec.

Medyan Dairieh, journaliste et réalisateur pour VICE News, s'est rendu dans ce pays l'année dernière, où l'avenir semblait déjà incertain. Il y a notamment rencontré les soldats de l'armée nationale, les Houthis de Sana'a et les combattants des comités populaires du Sud-Yémen afin de comprendre comment cette ancienne grande nation arabe a sombré dans le chaos auquel elle est aujourd'hui confrontée.

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Il en avait rapporté le documentaire visible ci dessous :

Originaire d'Angers, l'otage française est installée au Yémen depuis novembre 2013 et est consultante en développement durable et communication pour une société de conseil, Ayala Consulting, basée à Miami et en Équateur, alors que le président Hollande avait annoncé dans un premier temps que la jeune femme travaillait pour la Banque mondiale.

En réalité, l'employeur de la Française est sous contrat avec le Social Welfare Fund qui développe un projet financé par la Banque mondiale, ce qui explique la déclaration présidentielle. Diplômée notamment de Sciences Po Paris, elle avait travaillé en Jordanie et en France dans le domaine des télécommunications et de l'assainissement de l'eau. Elle devait quitter le Yémen dans « quelques jours, » selon son employeur joint par l'AFP.

Sur les coups de 8h30 (6h30 du matin à Paris), le taxi d'Isabelle et de son interprète est stoppé par deux autres véhicules sur la route 45, située au sud de la capitale, et très fréquenté chaque matin. Selon l'agence de presse Saba, des hommes armés et apparemment déguisés en policiers ont fait monter les deux femmes et le chauffeur de taxi dans un autre véhicule.

Le chauffeur yéménite a été libéré après avoir roulé un moment dans Sanaa en compagnie des ravisseurs. Chérine, l'interprète de la Française, aurait dû être libérée mais elle aurait refusé pour rester avec elle, selon Francisco Ayala — l'employeur d'Isabelle, interrogé par l'AFP.

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Ayala indique que le ministère de l'Intérieur yéménite « s'en occupe » et qu'il existe « des contacts, » bien qu'il n'en soit pas informé directement. Depuis mardi soir, un centre de crise chargé de participer aux négociations et d'enquêter sur les circonstances de l'enlèvement a été mis en place au Quai d'Orsay. Il sert aussi de relai entre la famille de l'otage et les autorités yéménites. Le président français François Hollande avait assuré ce mardi lors d'une allocution devant la presse, « Nous demandons que sa libération intervienne dans les meilleurs délais. Nous cherchons à la localiser et nous ferons tout pour qu'elle puisse retrouver la liberté. »

Française enlevée au Yemen: Hollande réclame sa… par leparisienAFP

Le Yémen, pays de l'extrême sud de la péninsule arabique et frontalier de l'Arabie Saoudite, est en proie à une situation sécuritaire critique, tant et si bien que les ambassades de différent pays, notamment celles des États-Unis, de la Grande-Bretagne et donc de la France ont été récemment fermées.

En septembre dernier, une milice chiite, alors que la majorité des Yéménites sont sunnites (comme chez son puissant voisin saoudien), a décidé de prendre le pouvoir à Sanaa. Cette milice, appelée houthiste, s'est emparée des bâtiments officiels fin janvier. Le président Abd Rabbo Mansour Hadi avait dû quitter Sanaa et démissionner pour se réfugier à Aden, la capitale de l'ancien Yémen du Sud.

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Samedi 21 février, Hadi est revenu sur sa décision en dénonçant un « coup d'État » et qualifiant de « nulles et non avenues » toutes les mesures prises par les Houthis. Le Secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon, a lui estimé mi-février que le pays se trouve « au bord du précipice. »

Ban Ki-moon s'est exprimé après la prise d'un camp militaire yéménite par Al-Qaïda dans une région du pays éloignée de Sanaa, qui refuse l'autorité des Houthis, ce qui fait craindre aux observateurs une déliquescence complète du pays. Al-Qaïda dans la péninsule arabique (AQPA) est considérée comme la branche la plus extrémiste de la nébuleuse terroriste selon les États-Unis. Elle s'est illustrée en décembre dernier en exécutant deux otages occidentaux — un Américain et un Sud-Africain — une première depuis 1998.

Le journal Le Monde explique que les enlèvements sont très fréquents au Yémen mais touchent principalement les Yéménites, afin d'obtenir une rançon. Mais depuis quelques années des chefs de tribus monnayent leurs otages à AQPA.

AQPA s'était aussi fait remarquer en janvier dernier en revendiquant, par la voix de Hareth al-Nadari (tué depuis par un drone américain), l'attentat des frères Kouachi contre Charlie Hebdo.

Suivez Pierre Longeray sur Twitter @PLongeray