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LE NUMÉRO FIN DE L'OCCIDENT

Livres et DVD

Lorsqu’un historien se penchera dans cent ans sur les pratiques culturelles en vogue à notre époque, il éprouvera sans doute la plus grande difficulté à décrypter la signification véritable d’une armée de papillons, de dauphins et de motifs tribaux...

CINEX #10 CHRISTOPHE KARABACHE
Frédérique Devaux, Michel Amarger et Christophe Karabache
Re : Voir Alors que j’abordais tardivement la lecture de Down & Dirty Pictures, le livre essentiel de Peter Biskind sur les mutations subies par le cinéma indépendant dans les années 1990, j’évoquais avec Clémentine, notre productrice, l’impossibilité de rentrer dans le système ressentie par quelques individus croyant encore trop fort à un cinéma idéal. Dernièrement rongé par une impression de gâchis concernant mes propres ambitions cinématographiques, la lecture du livre a pourtant confirmé mes théories sur le formatage fatal de toute oeuvre passant dans l’engrenage inévitable de la chaîne de fabrication classique du cinéma, et la difficulté croissante de faire émerger un cinéma singulier, propre, peut-être hermétique, mais d’une certaine, hum, pureté. Ils sont rares et souvent d’un autre âge, les quelques cinéastes à n’appartenir à aucune famille, à passer outre la nécessité de la reconnaissance et à réussir cet exploit. Et parfois, j’avoue, ils sont aussi assez chiants – mais pourquoi ne pas l’être ? Quand j’ai refermé ce livre, j’ai été animé d’une pulsion de proposer des projets, tout de même pondérée par la conscience que toute tentative se solderait une nouvelle fois par un échec retentissant. JOSEPH STALONE

L'ÉTRANGLEUR DE BOSTON
Richard Fleischer
Carlotta Pendant longtemps, je n’ai eu qu’un vague souvenir du film de Richard Fleischer. L’interrogatoire de Tony Curtis… Tony Curtis avec un bonnet… et beaucoup de noir. C’est seulement en le revoyant des années plus tard que ce film m’a proprement tué. La crudité mêlée à des split-screens ? Mais putain, quand t’es un ado qui n’a jamais maté que des séries Z en VHS, mais ouais, mais putain ! Ce truc te violente sévèrement la tête. Évidemment, aujourd’hui avec Vimeo, tout cela semble un peu suranné et Pascale Clark préférera se tourner vers Woodkid pour parler cinéma. Mais la vache, heureusement que certains cerveaux encore un peu claqués qui n’auraient jamais vu le film de Fleischer s’exciteront un peu quand je leur dirai que celui-ci a directement donné naissance à Honeymoon Killers et à Maniac dix ans plus tard. Allez vous faire foutre les propres, les sains et les impostures subversives. LEOS TARBAX

LE RING INVISIBLE
Alban Lefranc
Verticales Le nouveau livre d’Alban Lefranc m’a été conseillé par des gens très bien, dont je tiens le goût en haute estime mais dont je me dis maintenant qu’ils aiment à contempler en cet auteur paresseux et révolté leur reflet aux relents misogynes, tous issus de cette génération pro- ou anti-sollersienne mais qui en a en tout cas quelque chose à foutre de ce pipe. Ou peut-être qu’on me l’a juste recommandé parce que moi aussi je fais de la boxe, en fait, comme cette tante qui vous connaît pourtant un peu et qui vous offre un pull zèbre au motif que vous aimez « la mode ». Mais peu importe que la savate soit à la boxe anglaise ce que les ballets russes sont à la troupe Riverdance, et je passerai sur le fait que ce livre est une biographie libre de Mohamed Ali par un petit Blanc haussmannien qui endosse le Je d’un boxeur noir dans un stream of consciousness étrangement rempli de dates d’accidents d’avion – et qui a bien dû déclarer un jour, en privé, échauffé par l’alcool, dans un moment d’égarement, qu’il avait véritablement essayé de se mettre dans la peau du souffleur sur lobe d’oreille à la garde basse qu’était Cassius Clay Junior –, et même si je déteste dire du mal des ouvrages que je choisis de chroniquer dans cet espace alloué au livre : ce bouquin tombe dans tous les pièges. Peut-être surtout celui de la mythologie fondatrice du boxeur. Je préfère de loin la légende de Tyson et du pigeon au cou cassé à celle d’Ali, du flic et du vélo volé ou à celle que propose Alban Lefranc pour le même Ali, sans doute pleine de sensibilité et riche de cette histoire d’Amérique raciste et de Noirs jetés en pâture aux péquenauds – bien vu, champion –, mais je continue à me demander pourquoi on ne s’interroge jamais de la sorte sur les raisons qui poussent les gens à se mettre à la natation ou au cyclisme. HELMUT CRAYON KHÔL

MAUVAIS GARÇONS — PORTRAITS DE TATOUÉS
Jérôme Pierrat, Éric Guillon
La Manufacture de Livres

Lorsqu’un historien se penchera dans cent ans sur les pratiques culturelles en vogue à notre époque, il éprouvera sans doute la plus grande difficulté à décrypter la signification véritable d’une armée de papillons, de dauphins et de motifs tribaux ornant les épaules et le bas du dos de milliers de gens. Pour l’instant, je comprends simplement qu’un jour se faire tatouer est devenu quelque chose de mainstream, sans bien savoir vraiment pourquoi ni comment. Par exemple, avoir une toile d’araignée sur le coude n’est désormais plus réservé aux skins ou aux poivrots, ce qui est déroutant. Mais avant ça, les tatouages marquaient une appartenance à un underworld autrement plus dangereux. Clairement, les bagnards du début du siècle dernier affichaient des stigmates directement signifiants, pour eux comme pour la police, et c’est ce que donne à voir ce bouquin de photos. En fait, je suis juste en train de devenir réactionnaire et je pense que quelque chose comme le sens s’est perdu en route dans ces histoires de dessins sous la peau. Et je m’en porte très bien. ALI TÉRATION