Interview : Anna Gedda

FYI.

This story is over 5 years old.

La Semaine de la mode durable

Interview : Anna Gedda

Anna Gedda, responsable du département durabilité de H&M, nous parle des défis de la mode durable.

Cet article a été réalisé pour le compte du Sommet de la Mode de Copenhague et a été créé indépendamment de la rédaction de VICE. Anna Gedda, responsable du département durabilité de H&M, nous parle des défis de la mode durable.

Pourquoi pensez-vous que le monde de la mode devrait se soucier de la durabilité ?
Anna Gedda : Je pense que la durabilité est un pré-requis pour n'importe quelle entreprise, quel que soit son secteur d'activité, si elle veut grandir et réussir sur le long-terme – et l'industrie de la mode ne fait pas exception. Nous savons que nous utilisons plus de ressources que ce que permet notre planète et la population mondiale continue d'augmenter. Dans quelques dizaines d'années, il y aura 9 milliards d'êtres humains – ils auront tous besoin de vêtements et voudront exprimer leur personnalité à travers ce qu'ils portent.

Publicité

Donc le défi pour notre industrie est de faire en sorte qu'il soit possible de profiter de la mode, de continuer à contribuer à la croissance et au développement, mais de le faire en respectant les limites de notre planète. Pour ce faire, nous devons dissocier la croissance de l'utilisation de ressources et nous diriger vers un modèle d'économie circulaire. Pour cela, H&M s'est fixé comme objectif de devenir 100% circulaire, y compris en utilisant uniquement des matériaux recyclés ou d'autres types de matériaux durables et en adoptant une approche circulaire dans sa manière de produire et d'utiliser les produits. Cela signifie entre autres que nous souhaitons créer un modèle de production en cycle fermé pour la mode, dans lequel on crée de nouveaux vêtements à partir d'anciens sans utiliser de matériaux supplémentaires.

Nous avons encore beaucoup à faire, mais nous disposons déjà d'un programme mondial de collecte de vêtements non vendus. Nous avons également réussi à fabriquer ce que nous appelons des produits en cycle fermé, en traitant dans des usines de recyclage les vêtements que nous collectons. Une autre initiative est le Global Change Award, l'un des plus grands concours au monde dans le domaine de l'économie circulaire, qui est organisé par la fondation H&M. Nous avons sélectionné 2 600 projets venant du monde entier et cinq gagnants ont été désignés. Il y a par exemple un projet de bactéries qui peuvent manger et recycler du polyester et un tissu produit à partir de peaux d'agrumes.

Publicité

Selon vous, comment l'industrie de la mode peut-elle devenir plus durable ?
Comme n'importe quelle autre industrie, l'industrie de la mode utilise plus de ressources que notre planète ne le permet. Donc, dissocier croissance et utilisation des ressources constitue la clé pour que cette industrie devienne véritablement durable. Pour ce faire, il faut aller vers un modèle d'économie en cycle fermé, ce qui signifie trouver des solutions pour allonger la durée de vie des produits – en regardant du côté de la conception, de la durabilité et de certaines solutions simples pour que les vêtements puissent être utilisés encore et encore, avant qu'ils ne soient recyclés, fermant ainsi la boucle. Un autre défi pour l'industrie de la mode sont les marchés complexes, comme le Cambodge ou le Bangladesh, où celle-ci opère. Les conditions de travail et les salaires doivent encore y être améliorés.

Néanmoins, il s'agit là de problèmes touchant toutes les industries et qu'une entreprise seule ne peut pas résoudre, quelque soit sa taille.

Pour lutter contre un tel problème, les marques, les fournisseurs, les syndicats et les gouvernements doivent collaborer et trouver des solutions à long terme et durables, comme un dialogue social qui fonctionne bien, un cadre légal efficace et des dispositions garantissant des augmentations de salaire justes, pour n'en citer que quelques-unes. Enfin, l'industrie de la mode doit devenir plus transparente afin de produire un changement réel. En tant qu'entreprise, vous devez savoir où et comment vos produits sont fabriqués afin de savoir quels sont les vrais problèmes et comment les résoudre. Il faut également être conscient de ce qui fonctionne et de ce qui ne fonctionne pas afin de renforcer les synergies et la collaboration pour des solutions durables.

Publicité

Pensez-vous que nos actions en tant que consommateurs - consommer moins, militer en faveur d'un changement positif - puissent également pousser l'industrie à changer ?
Je pense qu'aujourd'hui, les consommateurs disposent d'un réel pouvoir de changement, et je suis très heureuse de constater que l'intérêt de nos clients pour la question de la durabilité ne fait qu'augmenter année aprés année. En tant que consommateur, il y a beaucoup de gestes que vous pouvez faire au quotidien pour contribuer à un monde de la mode plus durable; comme par exemple laver vos vêtements à des températures plus basses et recycler vos vêtements. Mais je ne pense pas que consommer moins soit la solution pour rendre l'industrie plus durable. C'est plutôt le contraire qu'il faut faire, mais de manière responsable et durable. Des millions de personnes dépendent des emplois crées par l'industrie du textile, et pour nombre d'entre elles, c'est leur seule chance de gagner leur vie et de subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille.

Ainsi, l'industrie du textile a contribué à réduire la pauvreté de millions de personnes tout autour du globe. Donc il est certain que cette industrie constitue un élément clé de la croissance et du développement social, et que pour de nombreux pays, elle a été le point de départ qui leur a permis de se transformer en pays industrialisés. C'est ce qui s'est passé dans mon pays natal, la Suède, il y a longtemps, c'est ce que la Chine fait en ce moment même, et c'est ce que le Bangladesh fera dans les années à venir. Pour satisfaire les besoins des 9 milliards de personnes que nous serons en 2050 nous aurons toujours besoin d'une croissance et d'un développement continus - mais il faut que cela se fasse dans les limites de ce que permet notre planète. La clé pour y arriver est de dissocier la croissance de l'utilisation des ressources, afin que le développement économique et social puisse se faire d'une manière que notre planète permet.

Qu'est-ce que les consommateurs devraient demander aux marques pour les pousser à effectuer les changements nécessaires ?
En tant que consommateur, il est possible de vraiment faire la différence en commençant à poser des questions sur le travail des entreprises dans le domaine de la durabilité, comme par exemple où et comment les vêtements ont-ils été confectionnés ? Comment sont-ils transportés ? Et comment pouvez-vous, en tant que consommateur, vous engager et faire changer les choses ? Nous observons un intérêt croissant autour de la durabilité de la part de nos clients dans le monde entier, ce qui est excellent. Cela nous encourage à continuer notre travail, à relever de nouveaux défis et à faire en sorte qu'il soit encore plus facile pour nos clients d'effectuer des choix plus durables et de faire partie de la solution.

Un exemple est notre collecte mondiale de vêtements pour laquelle nos clients ont donné plus de 28 000 tonnes de vêtements depuis que l'on a commencé en 2013. Cela montre bien que les clients veulent s'engager et que, ensemble, ils peuvent vraiment faire la différence.

Dans ce contexte, en quoi êtes-vous un facteur de changement ?
Une entreprise de la taille et de l'envergure de H&M a une grande responsabilité mais dispose aussi d'une opportunité pour montrer la voie vers une industrie de la mode plus durable. Nous souhaitons être une force positive et user de notre influence pour faire naître les ambitions, pousser vers le changement et ouvrir de nouveaux horizons. Je pense que notre travail pour aller vers un cycle de production fermé dans la mode, des salaires justes dans la chaîne d'approvisionnement et la transparence en sont l'exemple. En même temps, il faut bien se rappeler que les défis auxquels nous faisons face ne sont pas spécifiques à H&M. Des questions comme les conditions de travail, la pollution et les émissions carbone sont des préoccupations qui concernent toutes les industries et que ces dernières ne peuvent ignorer, indépendamment de leur taille. C'est pourquoi la clé pour un avenir durable dans la mode est une large collaboration avec des acteurs de différentes organisations et directions qui s'unissent. Le groupe ACT, 19 marques qui travaillent ensemble pour de meilleurs salaires, est un exemple. La Sustainable Apparel Coalition, un groupe d'acteurs clés du domaine du textile qui veulent développer un standard commun pour mesurer les performances de durabilité, en est un autre. Je suis convaincue qu'à l'avenir, nous verrons de plus en plus de collaborations de ce genre - car nous partageons tous un intérêt commun : créer un avenir durable pour la mode. Cet article a été réalisé pour le compte du Sommet de la Mode de Copenhague et a été créé indépendamment de la rédaction de VICE.

Tagged:Sponsored