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Le syndrome de l'imposteur peut frapper n'importe qui

Vous avez tout le temps l'impression de ne pas être à votre place ? C'est un trouble psychologique avéré. Bienvenue au club.
Ashwin Rodrigues
Brooklyn, US

Le sentiment de ne pas être à sa place est très répandu. Parfois, c'est très ponctuel, comme quand vous prenez le métro dans le mauvais sens. Mais il arrive aussi que ce soit beaucoup moins temporaire.

Peut-être que vous êtes la seule personne noire dans votre bureau. Vous angoissez à l'idée que les autres puissent avoir plus d'expérience, vous vous dites qu'ils sont plus intelligents que vous, que leur CV est plus attrayant.

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Vous êtes peut-être étudiante en école d'ingénieurs. Bien que vous ayez d'excellents résultats et que votre travail soit reconnu par les profs, en tant que femme, vous avez l'impression de ne pas être à votre place - il faut dire que vous n'êtes pas nombreuses. Vous finissez donc par vous dire que votre réussite tient uniquement à la chance et au travail que vous fournissez pour compenser votre manque d'intelligence.

Ou alors, vous vous êtes déclaré candidat à l'élection présidentielle, un peu pour déconner, et contre toute attente vous voilà élu. Intérieurement, vous réalisez que c'est la conséquence de facteurs externes, dont vous ne pouvez pas vous attribuer le crédit. Après tout, vous n'avez jamais sérieusement cru à la victoire. Alors vous nommez n'importe qui au gouvernement et vous vous lancez dans des tirades absurdes sur Twitter, pour voir si quelqu'un osera vous virer. Vous rajoutez carrément le mot "real" dans votre pseudo sur Twitter, pour vous assurer que vous n'êtes pas un imposteur.

Dans tous les cas, vous êtes certainement victime du syndrome de l'imposteur.

Le syndrome de l'imposteur a été identifié pour la première fois en 1978 par le Dr. Pauline Rose Clance et le Dr. Suzanne Imes de l'université de Géorgie dans leur article "The Imposter Phenomenon in High Achieving Women : Dynamics and Therapeutic Intervention". Pour décrire ce syndrome, Clance et Imes se sont basées sur les expériences de femmes à la carrière brillante (à la fois sur le plan académique et dans le domaine professionnel) qui avaient le sentiment de ne pas mériter leur succès, et l'attribuaient à un coup de chance.

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On dit que certaines personnes naissent avec une cuillère en argent dans la bouche, et parfois celles-ci se vantent d'être "arrivées" au sommet. C'est ce qu'on appelle des individus narcissiques, voire tout simplement des "connards".

Image: DaPuglet/Flickr

À l'inverse, dans le cas du syndrome de l'imposteur, la personne obtient la cuillère en argent après de longs efforts et en se distinguant à chaque occasion, mais elle est persuadée qu'elle lui est tombée dans la bouche par accident, la faute à un coup de vent sans doute.

Le psychologue Claude Steele souligne qu'un autre facteur contribue au syndrome de l'imposteur, en particulier chez les minorités : la peur du stéréotype. La peur du stéréotype consiste à être terrifié à l'idée de confirmer un stéréotype négatif au sujet du groupe d'appartenance, ce qui au final "mine le sentiment d'être à sa place, d'être compétent, et l'ambition." Le titre du livre de Steele, Whistling Vivaldi And Other Clues to How Stereotypes Affect Us, fait référence au journaliste du New York Times Brent Staples, un homme noir, qui "sifflait du Vivaldi en se promenant dans les rues de Hyde Park la nuit pour indiquer aux blancs qu'il était éduqué et non-violent." Cette histoire met en lumière les ressources mentales nécessaires pour penser et agir de façon à compenser la peur du stéréotype, au point qu'un acte aussi simple que se promener devient potentiellement épuisant.

Le syndrome de l'imposteur s'auto-alimente de façon insidieuse mais relativement logique.

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Dans un article publié en 2011 dans l'International Journal of Behavioral Science, les psychologues Jaruwan Sakulku et James Alexander se livrent à une méta-analyse portant sur des articles consacrés au syndrome de l'imposteur, les facteurs qui y contribuent, et certaines de ses conséquences psychologiques. Leur analyse révèle que des degrés du syndrome de l'imposteur, ou "imposteurisme", ont été observés au sein de nombreux groupes : hommes, femmes, étudiants, universitaires, étudiants en médecine, managers… Aucun groupe n'est à l'abri de ce sentiment d'inaptitude.

Le syndrome de l'imposteur s'auto-alimente de façon insidieuse mais relativement logique. Quand ils sont confrontés à une tâche, les individus qui en souffrent vont généralement s'y sur-préparer, ou au contraire procrastiner. Si leur sur-préparation aboutit à un succès, ils attribueront celui-ci à leurs efforts, et non à leurs capacités. S'ils réussissent malgré leur procrastination, ils penseront au contraire que c'est un coup de chance. Dans les deux cas, ils nient leurs capacités et leurs talents, ce qui permet au doute et à l'angoisse de subsister en dépit de succès répétés.

Mesurer le syndrome de l'imposteur est difficile, mais pas impossible. Il existe plusieurs échelles d'évaluation, parmi lesquelles l'échelle de Clance. Ces échelles de mesure identifient le sentiment d'imposture, et à quel point il affecte la vie quotidienne de l'individu. Comme les troubles du déficit de l'attention ou la dyslexie, le terme "syndrome de l'imposteur" est parfois utilisé n'importe comment ; ces échelles viennent rappeler qu'il s'agit d'un trouble bien réel, qui peut être mesuré et évalué.

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Mais alors, comment peut-on s'en débarrasser ? (Je demande pour un ami.)

L'American Psychological Association offre des pistes aux étudiants pour combattre le syndrome de l'imposteur, mais ses conseils peuvent s'appliquer à la plupart des gens. L'article recommande de se tourner vers les autres, de se souvenir des efforts consentis pour acquérir une expertise, d'accepter l'imperfection, de lutter contre le sentiment d'inaptitude. C'est une approche basée sur la thérapie comportementale et cognitive, dans laquelle se demander "pourquoi" on a certaines pensées et/ou craintes influe sur le comportement.

Ces exercices peuvent sembler très intuitifs et basiques, mais c'est plus facile à dire qu'à faire.

Rose Clance a co-signé un article en 1993 avec le psychologue Dr. Joe Langford, dans lequel elle explorait des thérapies potentielles pour le syndrome de l'imposteur. Dans l'article, elle explique que celui-ci naît du désir obsessionnel de l'individu d'obtenir l'approbation des autres. Le but de la thérapie est donc pour l'individu de rechercher sa propre approbation, et de se désintéresser du regard des autres.

Que vous en soyez victime ou non, il est bon d'avoir conscience de l'existence du syndrome de l'imposteur. Cela permet de mieux comprendre le comportement des autres, qu'il s'agisse de la seule personne noire du bureau, de la seule fille dans votre classe, ou d'un vieil homme orange qui se prépare à son premier job au sein du gouvernement.