FYI.

This story is over 5 years old.

Sports

Les narcos et le foot : le Lionel Messi de la drogue

Abdellah El Haj est un des trafiquants les plus connus du Campo de Gibraltar et il a connu le même succès que la star du Barça. En dehors des terrains bien sûr.
Foto: Twitter

À Algésiras, Messi vient de réaliser un coup du chapeau lors de la dernière journée du championnat. Je ne parle bien évidemment pas de Leo qui régale le monde entier avec le Barça et l'Argentine mais plutôt d'Abdellah El Haj Messi, un des narcotrafiquants les plus importants du Campo de Gibraltar, mais aussi un joueur décisif qui ne se cache pas et ose jouer dans les ligues amateures de la région bien qu'il soit dans le collimateur des autorités.

Publicité

Son équipe, le DG, a remporté son match 5 à 2 contre le CD La Union le 17 décembre dernier et a entamé la trêve hivernale en leader du classement de la ligue des jeunes amateurs d'Algésiras, un championnat amateur de football à 7 de la région. El Haj a marqué 14 buts lors de cette saison après avoir passé du temps en prison, en 2014, et avoir ensuite été libéré sous caution l'année dernière. Accusé de diriger une organisation criminelle de trafic de drogues, il attend aujourd'hui la date de son procès.

« Il était l'un des narcotrafiquants les plus importants de la zone, explique le journaliste Andros Lozano à VICE Sports, lui qui a révélé les manigances de Messi dans un reportage publié dans El Mundo. On continue d'espérer pour le procès, mais ces gens-là s'en sortent toujours ». Messi s'était déjà fait choper en 2011, mais cette fois-là il n'a même pas mis les pieds en prison.

Et pourquoi l'appelle-t-on Messi ? « Dans les relevés d'écoute de la police, il décrochait en répondant ''Allo, c'est Messi à l'appareil'' », assure Lozano, qui a eu accès à l'enquête. Le mec s'y croit, il pense être la réincarnation du numéro 10 mais avec une spécialité différente, celle de dribbler les autorités en infiltrant des paquets de drogues au moyen de canots à moteur. D'après ce qu'on raconte, le type a réussi vendre 300 euros le kilo de drogue transportée, sachant que certaines de ses embarcations peuvent en contenir plusieurs tonnes. Il est aussi millionnaire que l'Argentin du Barça, ça va sans dire.

Publicité

A lire aussi : Les narcos et le foot : l'équipe espagnole gérée par un baron de la drogue

Flanqué du numéro 10, Abdellah Messi a réussi à être pichichi de la première ligue régionale andalouse avec l'ACD Saladillo, un club connu pour avoir participé – le narco aligné dans le onze de départ – à un match qui s'est soldé par un scandale et 19 expulsions. Après qu'il a marqué 18 buts, l'Union Sportive Los Barrios l'a recruté, mais après trois semaines d'essai avec l'équipe, l'entraîneur lui a fait savoir qu'il n'était pas de taille.

« Il a joué un match amical et n'a pas été au niveau. Quand je suis arrivé dans l'équipe et que j'ai vu que le mec arrivait en caisse de luxe, je me suis dit qu'il devait être très bon. Mais sa voiture il ne se l'était clairement pas payé grâce au foot, raconte à VICE Sports un ancien coéquipier qui préfère rester anonyme. Il était sympa, un bon gars, et il était toujours partant pour faire la fête avec le reste de l'équipe ». Malheureusement, sa carrière en troisième division n'a duré que deux semaines.

Depuis, Abdellah a abandonné les terrains semi-professionnels pour revenir au football amateur avec ses potes. Le Pollo DG – aujourd'hui DG tout court – a été fondé en 2010, baptisé du nom de la rôtisserie que le narco, né à Tanger, possédait sur la Linea de la Concepcion. « Le mec blanchissait l'argent de la drogue à travers une rôtisserie de poulets », confirme Lozano. Bien évidemment, une équipe informelle montée par un trafiquant de drogues comportait des excès propres au football de première division.

Publicité

« Imagine que tu t'inscrives dans une ligue amateure avec tes amis et que tu ailles à l'entraînement la veille des matches. Lui emmenait ses amis et réservait un étage entier d'un hôtel d'Algésiras. Lorsqu'ils gagnaient la rencontre, il les emmenait manger des fruits de mer », explique Lozano. L'équipe a été sacrée championne de la petite ligue amateure en 2011 et 2014, et il semble qu'elle se disputera le titre avec Manchester City FC cette année, équipe dans laquelle joue le frère d'El Haj, Tarik, qui d'après la police s'est occupé du business lorsque ce dernier était en prison.

Même si nous parlons de matches amateurs, le niveau des équipes d'Abdellah El Haj a toujours été remarquable. En 2011, il a réussi à remonter un 5-2 contre le FC Algésiras, une équipe qui évoluait alors en troisième division. Parmi les anecdotes les plus notables, on compte le jour où El Haj et ses compères ont réquisitionné les caméras de l'émission 'Teleobjetivo' de TVE. Le réalisateur du programme, qui tournait une série intitulée Le djihad et les routes de la drogue, a dû négocier avec un des avocats du narco pour récupérer son matériel.

A lire aussi : les narcos et le football : on a discuté avec le fils de Pablo Escobar

On sait bien que l'argent ouvre beaucoup de portes, et bien qu'il ait été un supporter du FC Barcelone et de son numéro 10, le Messi de la drogue n'a jamais fait mauvais accueil aux autres stars d'autres équipes. Avant d'avoir été mis en examen, il avait réussi à poster sur les réseaux sociaux plusieurs photos avec différents sportifs célèbres, et on dit même qu'il a réussi à se nouer d'amitié avec Sergio Ramos. « René Ramos, le frère de Sergio, a démenti le fait que la narco et le footballeur aient été amis, mais il est certain qu'ils se connaissent grâce à Canelita, chanteur et ami commun aux deux », nuance Lozano.

Publicité

A gauche, un maillot dédicacé par Ramos pour Abdellah ; a droite, el narco avec Florentino Pérez. Images vía Twitter

Sur Twitter, duquel il a supprimé ses deux comptes, subsistent des traces de sa bonne vie. Un maillot dédicacé de Sergio Ramos, une photo avec Florentino Pérez, beaucoup de repas en équipe et d'autres clichés de soirée ou en compagnie de chanteurs comme Henry Méndez. En plus d'avoir visité Bernabéu à plusieurs reprises, Abdellah est également allé encourager l'Atlético Madrid lors d'une finale de la Ligue des champions.

A lire aussi : Les narcos et le foot : le CSC qui a tué Andrès Escobar

Allons, le Messi de la drogue n'a jamais soutenu une équipe en particulier, en tout cas pas autant que la drogue qui l'a rendu riche et célèbre dans le Campo de Gibraltar, où il a réussi à contrôler presque la moitié du cannabis à destination de l'Espagne. Sa propriété, située sur les berges du fleuve Guadarranque, comprenait un ponton privé à partir duquel il dispatchait ses canots, astuce ingénieuse qui lui permettait de cacher les embarcations loin du port.

À l'instar de Messi, Abdellah possédait sans nul doute une intuition unique pour tromper ses adversaires. En attendant, il faut aussi le dire, il continue de marquer sur les terrains municipaux d'Algésiras. Son compteur est aujourd'hui à 14 buts, et l'équipe du DG est en bonne voie de se faire payer, de nouveau, des fruits de mer.