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Qui est Thon Maker, le grand mystère de la draft NBA ?

Agé de 19 ans et mesurant 2,13m, il est la star d'une des mixtapes les plus mémorables de Youtube. Mais lors de la draft NBA, rien de tout ça n'importera plus que sa façon de jouer.
Image via YouTube

Les seules personnes sur terre dont la vie peut être bouleversée par une mixtape sont les rappeurs et les jeunes basketteurs talentueux. Et tous les ans, au moment de la draft NBA, c'est la même question : qui sera le numéro 1 ? Les mixtapes (des vidéos de promo des joueurs) ont souvent pour but de mettre en avant les qualités exceptionnelles des jeunes talents. Celle de Thon Maker a causé plus de consternation et d'admiration que toutes les autres réunies.

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Dans ce clip sans paroles, à propos d'un joueur dont le nom et la façon de jouer évoquent tous deux l'univers de Marvel, on peut voir un Soudanais de 2,13m courir, dribbler, passer, tourner sur lui même, dunker, et parfois même shooter comme un ailier. Thon Maker a l'air d'une vraie machine de guerre. Le titre de sa vidéo promet une révolution du basket et les plus de 2 millions d'internautes ayant vu sa vidéo postent des commentaires où ils le comparent à l'incarnation même d'un joueur de NBA2K ou à un alien venant tout droit du futur du sport. Ces mixtapes ont tendance à être aussi sensationnalistes – et pour le coup aussi peu révélatrices de la qualité du produit – que les bandes-annonces des films. Tout le monde sait qu'il ne faut pas s'y fier pour repérer des joueurs. Mais il y a quand même quelque chose d'ahurissant dans le fait de voir ce mec si grand et si jeune jouer aussi bien.

Mais le jeune Thon de 19 ans, qui a annoncé sa participation à la draft au mois d'avril, est arrivé au NBA Combine de Chicago en faisant peu de cas de cette vidéo qui a aujourd'hui deux ans. « Il faut que les gens arrêtent avec cette vidéo, a-t-il expliqué au groupe de journalistes l'entourant autour d'une table trop petite pour que ces jambes passent en-dessous. Ce n'est pas moi. Et je suis sûr que les gens qui l'ont faite n'ont jamais assisté entièrement à un de mes matches pour m'observer et ils n'ont pas vu ma rotation en défense, ni la façon dont je communique avec mes coéquipiers, ni même la manière dont je passe le ballon. Certaines personnes se basent sur la mixtape pour m'évaluer, mais j'ai expliqué aux équipes avec qui j'ai passé un entretien qu'il ne s'agissait pas vraiment de moi. »

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L'embrouille c'est que la mixtape, bien que très hyperbolique et montée à son avantage, constitue une grosse partie de ce que le basket américain sait ou croit savoir de Maker. La famille de Maker a fui le Soudan lorsqu'il avait six ans, s'est installée en Australie avant de partir pour l'Amérique du Nord quand il avait 13 ans. Il a vécu dans beaucoup d'endroits différents depuis – tellement d'endroits qu'il ne se les rappelle pas tous et il est d'ailleurs incapable de les lister. Parmi ces endroits, la Louisiane, la Virginie et finalement l'Ontario où il joue pour l'Athlete Institute depuis deux ans maintenant. « J'ai connu tous les climats », affirme-t-il. Mais il n'a pas autant d'expérience dans le domaine du basket professionnel.

Au final cette vidéo tient plus d'une mystique que d'un vrai rapport de performances, à tel point que dans le monde de la NBA, on parle plus de lui comme une entité que comme un vrai joueur de basket – comme s'il était le prochain produit Apple top secret dont la fonction est inconnue mais dont on est sûr qu'il va tout déchirer. Le fait qu'il n'ait que peu participé aux événements du Combine n'a fait qu'exacerber cette aura mystique ; sa présence physique est aussi impressionnante qu'annoncée, mais il n'en reste pas moins un personnage abstrait.

Au saut en hauteur, Maker a franchi tranquillement tous les paliers standards, il a donc fallu placer le mètre sur une marche pour pouvoir évaluer ses limites. Le phénomène du Orlando Magic, Aaron Gordon, avait causé le même problème au jury de saut en hauteur deux ans plus tôt. Maker a aussi parlé, bien sûr, et a réalisé une course folle lors d'un parcours autour de quelques plots visant à jauger l'agilité des joueurs dans le couloir. Lors de son premier tour, il a renversé un plot. Dur, à ce moment-là, de ne pas se demander combien de dizaines de milliers de dollars pouvaient être perdus à cause d'un seul plot renversé.

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L'homme-mystère. Image via YouTube

Thon Maker n'a pas participé aux rencontres de l'après-midi et on n'est même pas sûr qu'il ait touché un seul ballon de basket de tout son séjour à Chicago. La NBA a fait une entorse à ses règles d'éligibilité afin que Maker puisse participer à la draft directement à la sortie du lycée du fait qu'il a été diplômé en 2015, ce qui a fait de 2016 une "année préparatoire". Le revers de la médaille de cette exception est que la valeur de sa sélection, telle quelle, est quelque peu douteuse. Du point de vue des instances décisionnaires de la ligue, un des avantages de ne pas recevoir des candidats sortant du lycée est qu'une saison de basket à la fac permet aux recruteurs et aux managers d'en savoir un peu plus sur la qualité du joueur plutôt que de juste se baser sur la mixtape que la plupart des aspirants propose. Le caractère aléatoire d'un joueur aussi unique que Maker fait de son absence d'expérience de jeu à la fac un obstacle non négligeable. Beaucoup de pronostics sur la draft voient Maker écarté dès le premier tour, même si cela pourrait encore changer avant le grand jour.

Malgré, ou à cause de cela, le mystère Maker reste entier. Les gens veulent savoir qui il est, et alors que sa présence au Combine en avait fait le principal centre d'intérêt, là les journalistes étaient plutôt timides lorsque Maker s'est assis pour répondre à leurs questions. Contrairement à d'habitude, ils ne se sont pas tous mis à hurler en même temps. Les interlocuteurs de Maker ne savaient vraiment pas par où commencer – et en tant que l'un d'eux, je dois avouer que je ne savais pas trop non plus – et le moment de gêne avant la première question a duré plus de temps que d'habitude. Quand les questions sont enfin tombées, Maker y a répondu avec une courtoisie réservée, d'une voix calme assortie d'un accent international dont on ne peut déceler les origines africaines. Ce n'est pas un accent d'un endroit en particulier, il s'agit plus de la représentation auditive de son passeport aux multiples tampons. Maker a dit qu'il s'inspirait de Kevin Garnett mais s'est repris lorsqu'on lui a demandé s'il pouvait parler aussi mal que K.G. « Je n'irais pas jusqu'à parler de leur mère », a-t-il dit sur un ton sérieux.

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Maker semble venir de partout, il mentionne qu'il considère avoir deux familles – une biologique et une qu'il appelle sa famille coach. Edward Smith, qu'il considère comme son tuteur, a recontré Thon lorsqu'il était adolescent et l'a d'abord amené en Amérique puis au Canada. Smith a sans doute été ces dernière années le membre le plus important de l'arbre généalogique de Maker qui prend racine à travers le monde entier. Les sceptiques ont jugé la décision de Smith de faire jouer Maker au Canada comme une preuve qu'il était loin d'être prêt pour la compétition américaine. Cette théorie a rendu la décision de Maker de rejoindre la NBA d'autant plus surprenante.

Bien qu'il ait pris 12 kilos en 15 mois et ait ainsi calmé quelque peu l'inquiétude des instances décisionnaires à propos de sa carrure gringalette, Maker a toujours un long chemin à parcourir avant de prouver qu'il peut encaisser le niveau physique de la NBA. Ça, il l'a en commun avec la plupart des jeunes de 19 ans de la terre, mais les équipes réticentes à prendre des risques ont tendance à approcher des variables inconnues comme Maker avec un certain scepticisme. Ce qui aide à comprendre pourquoi Giannis Antetokounmpo, l'étalon des Milwaukee Bucks, un athlète aussi étrange, un spécimen physique qui n'avait également passé aucun vrai test de basket, était tombé à la 15e place lors de la draft de 2013. Beaucoup de managers généraux le regrettent actuellement, voyant le jeune de 21 ans se transformer en l'un des meilleurs jeunes joueurs complets.

Dans les semaines à venir, les séances d'entraînements de Maker avec les équipes NBA vont lui donner sa meilleure chance de dissiper les doutes qui planent autour de lui et de faire transpirer les preneurs de décisions. Sinon, il suscitera encore plus de scepticisme. Ces sessions auront un énorme impact sur le classement qu'il obtiendra à la draft – bien plus qu'un plot renversé. Mais ces moments seront privés, ce qui nous laissera à notre spéculation, à nous demander qui est Thon Maker et ce qu'il pourrait advenir de lui en tant que joueur. Il est insensé de juger n'importe quel joueur sur ses mixtapes, mais avec aussi peu d'autre matériel et autant de fantasme, il semble probable que la mixtape de Maker va encore faire quelques centaines de milliers de tours avant les sélections.

Maker a reconnu que ces sessions d'entraînement auront d'autant plus d'impact du fait qu'il a peu été vu auparavant, mais il se sent confiant sur son sort. Il est au milieu d'un tourbillon de médiatisation, d'espoir et de spéculation ; mais plus qu'inébranlée, la confiance de Maker nous a paru extraordinaire. Lorsqu'un reporter a fait remarqué que le trophée Larry O'Brien était en arrière plan du téléphone de Makers, ce dernier a souri. « J'aime les trophées, a-t-il dit. J'en fais la collection d'en ma chambre. Prenez en note. » Quel que soit le sort réservé à Maker, se faire remarquer ne devrait pas être un problème