Oubliez GTA : "Max Payne 3" est le meilleur jeu jamais sorti par Rockstar

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Oubliez GTA : "Max Payne 3" est le meilleur jeu jamais sorti par Rockstar

Ce sont les petits détails qui prouvent que Rockstar n'est jamais aussi fort que quand il abandonne un instant ses open worlds ultra ambitieux.

Cet article a été publié originellement sur Waypoint.

Le scénario de Max Payne 3, sorti en 2012, est parfois, disons… alambiquée. Mais par moments, elle est carrément subversive. Max, notre héros (ou plutôt notre anti-héros), débute chaque mission avec un objectif clair : livrer l'argent, tuer le chef de la police, sauver la fille. Mais à presque chaque occasion, il échoue lamentablement.

Au cours de la deuxième mission, Fabiana est kidnappée. Dans la troisième, les méchants se tirent avec l'argent. Dans la mission 5, les kidnappeurs s'échappent. Dans la 6, Rodrigo meurt. Et ainsi de suite. En général, dans les jeux vidéo, les hommes - surtout les grands mecs avec des gros flingues - font le job. Ils sont d'authentiques héros invincibles, toujours là pour sauver le monde. Max fait tout ce qu'il peut pour être l'un d'entre eux, mais il finit toujours par tout foirer.

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Contrairement à beaucoup d'autres héros "fragiles" de Rockstar, qui tous réussissent au moins partiellement dans leurs missions et dans leur vie - comme par exemple Trevor Phillips ou Niko Bellic, dans les GTA, ou James Earl Cash dans Manhunt - Max est un raté. Son incapacité récurrente à être à la hauteur de ce qu'on attend d'un héros de jeu vidéo éloigne le jeu des codes habituels du genre - en apparence arrogant, ultra violent et très musclé, Max est en réalité tristement incompétent.

Ceci dit, il est assez formidable. Dans les jeux vidéo, les personnages et leurs accoutrements ont pris une importance croissante au fil du temps, et suscitent parfois un véritable culte chez les fans. En l'occurrence, la garde-robe de Max vaut la peine de s'y attarder.

Dans la mission au bureau de Rodrigo, il porte une chemise en lin plissé. Au stade, une chemise un peu large. Ce sont de petits détails, mais ils donnent à chaque mission une certaine ambiance, une atmosphère. En voyant ce deux-pièces gris et usé, on a l'impression que Max vient de l'enfiler, qu'il a la gueule de bois, qu'il est fatigué avant même le premier coup de feu. La chemise qui colle à son dos au stade et la sueur qui coule sur son front lors de la cinquième mission rendent ces environnements poisseux et réalistes.

Les fusillades de Max Payne 3 ont aussi un côté oppressant et tendu - la sensation de chaleur et d'étouffement renforce cette impression. En fait, on a même l'impression de sentir le jeu ; et l'odorat est le sens le plus évocateur. Quand vous faites avancer Max dans un hôtel abandonné, sa veste tachée de sueur, vous sentez vraiment l'univers de Max Payne 3.

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Ce genre de détails me laisse penser que, contrairement à sa réputation, Rockstar n'est jamais meilleur que quand il propose des jeux courts et linéaires. Manhunt est fantastique, tout comme The Warriors, et Max Payne 3 est clairement, selon moi, le meilleur jeu que le studio ait jamais sorti. Étant donné que le studio a bâti sa réputation sur des jeux de crime et/ou en open world, deux genres qui mettent par définition en avant la liberté totale et l'anarchie, il est sans doute difficile pour Rockstar de justifier la production de quelque chose de plus structuré.

C'est peut-être pour ça que, comparé aux autres gros titres du studio, Max Payne 3 s'est assez peu vendu : environ 4 millions de copies, soit à peine de quoi couvrir les coûts de production (à titre de comparaison, Red Dead Redemption s'est vendu à plus de 14 millions d'exemplaires, et GTA V à plus de 60 millions d'exemplaires). Mais j'aimerais que la boîte prenne ses fans par surprise un peu plus souvent. Quand Rockstar construit des séquences de jeu plus linéaires, au lieu de laisser les joueurs dicter ce qui se passe, les résultats sont souvent décoiffants.

Trois choses distinguent les fusillades dans Max Payne 3. D'abord, elles sont toujours parfaitement mises en scène. Vous savez d'où l'ennemi vous attaque, vous savez quelle zone vous êtes censé "défendre", et vous savez toujours à peu près ce qu'il y a autour de vous - en tournant légèrement la caméra, vous voyez tout l'environnement, et vous savez où vous pouvez vous planquer.

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Dans un open-world, les enjeux et le "cadre" d'une fusillade sont plus difficiles à identifier - la nature même du jeu rend tout un peu plus flou et moins idéalement défini. Max Payne 3 ne se contente pas de vous transporter d'un cadre incroyable à un autre - il le fait sciemment, et parfaitement. Les méchants emmènent la fille sur le toit. Il y a un sniper dans la tour. Ils s'enfuient vers la piste de décollage. Rockstar excelle dans ces scènes d'action parfaitement réglées. Le studio ne cesse de s'améliorer depuis la première fois qu'il nous a lâchés dans un parking avec trois ennemis et un simple sac en plastique dans Manhunt.

Ensuite, les scènes de baston au flingue sont accompagnées d'une BO merveilleuse. Vu que Max Payne 3 possède peut-être la meilleure bande originale de l'histoire des jeux vidéo, il est difficile à ce stade de ne pas tomber dans la flagornerie inutile - le groupe de noise de Los Angeles HEALTH n'a toujours pas sorti de meilleur album que sa BO pour Max Payne 3. Plutôt que de décrire la musique, je vous invite à regarder la vidéo ci-dessous, qui montre un passage où elle est particulièrement bien utilisée (attention aux spoilers, toutefois.)

Il y a tellement de FPS dont la musique est décevante, tour à tour générique ou carrément chiante, qu'on ne peut que saluer cet effort. Rockstar sait mieux que quiconque utiliser des morceaux comme "TEARS" ou "MAX: FINALE" pour mettre les joueurs dans l'ambiance. Max est lessivé, épuisé, mais plus déterminé que jamais. Quand la musique retombe, entre deux fusillades, on ressent toute sa léthargie. Quand les balles commencent à siffler et que les tambours reprennent de plus belle, on change immédiatement d'état d'esprit et on ne pense plus qu'à gagner.

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Si la BO de Portal 2, qui devient de plus en plus complexe à chaque pièce du puzzle, reflète la quête graduelle d'une solution, la musique de Max Payne 3 reflète elle aussi directement les émotions du joueur. Surgissant toujours au bon moment, elle prouve elle aussi que Rockstar excelle dans les créations bien structurées.

Enfin, les fusillades de Max Payne 3 reflètent (physiquement) votre personnage. Trop souvent, dans les jeux, la violence sert d'interlude dans le scénario ; c'est simplement un truc que le joueur fait, mais dont les personnages ne parlent jamais. Les meurtres accomplis par le joueur n'ont finalement pas grand-chose à voir avec le déroulement de l'histoire. Quand John Marston arrive en ville dans Red Dead Redemption, personne n'évoque les centaines - littéralement ! - de personnes qu'il a tuées froidement : on ne lui parle que de sa traque de Bill Williamson, la seule qui compte dans le scénario.

À l'inverse, le Max qu'incarne en permanence le joueur est le même que celui du scénario. Dans les fusillades de Max Payne 3, si vous vous planquez ou que vous la jouez timide, vous allez mourir souvent ; la meilleure méthode consiste à foncer dans le tas, passer en mode Bullet Time, et charger vos ennemis de façon quasi-suicidaire. Vu comme Max parle souvent de n'avoir "rien à perdre", de sa dépression et de sa solitude, il est intéressant de voir que le jeu récompense ceux qui jouent comme s'ils se souciaient peu de mourir. C'est assez subtil, mais ça donne à Max Payne 3 une cohérence assez rare dans les jeux de tir, et presque jamais vue dans les jeux open-world de Rockstar.

Il m'est arrivé par le passé de critiquer Rockstar pour ses problèmes de scénario, mais c'est peut-être avant tout une histoire de genre. Avec Max Payne 3, son meilleur jeu, Rockstar montre vraiment ce dont il est capable sur des projets plus linéaires et (en apparence) moins ambitieux.