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LE NUMÉRO TECHNOLOGIE

Sur le terrain

Comme chacun le sait, le rap français aime particulièrement les « thèmes ». J’ai jamais trop su pourquoi, mais jusqu’à très récemment (en gros, jusqu’à ce que Booba fasse comprendre qu’on n’avait pas besoin d’une idée précise pour qu’un titre défonce)

Comme chacun le sait, le rap français aime particulièrement les « thèmes ». J’ai jamais trop su pourquoi, mais jusqu’à très récemment (en gros, jusqu’à ce que Booba fasse comprendre qu’on n’avait pas besoin d’une idée précise pour qu’un titre défonce), les rappeurs ne s’aventuraient jamais dans l’écriture d’un morceau s’il n’était pas pourvu d’un thème quelconque, comme la chanson française sait si bien en produire. Les thèmes préférés du rap français étant « la rue », « les meufs » et le bien connu « egotrip » qui rassemble les deux en y ajoutant l’idée du « je suis meilleur que toi parce que tu es une pipe ». Aussi, plus d’une fois, il s’est essayé à prédire un futur plus ou moins fantasmé en rassemblant toutes les idées trouvées dans les films de science-fiction mainstream, les trilogies Star Wars et les livres illustrés sur l’évolution de l’homme empruntés à la bibliothèque de quartier. Comme c’est le numéro technologie, j’ai essayé de retrouver quelques morceaux visionnaires écrits par des rappeurs français. Pour la plupart, ils sont relativement maladroits et donnent une image du futur pas vraiment inspirée. Mais on s’en branle : si t’aimes pas, t’écoutes pas et puis c’est tout. NTM – LE MONDE DE DEMAIN
Avant d’être pote avec Alain Chabat et de devenir un cliché ambulant du mec de banlieue pour les chaînes télévisées de droite, Joey Starr était un rappeur plutôt honnête qui parlait plutôt bien de ce qu’il connaissait et des trucs qui le touchaient. En 1991, il était même assez bon techniquement. OK c’est loin d’être leur plus haut fait d’armes, mais « Le monde de demain » reste presque vingt ans après un essai assez réussi (et hyper naïf) sur l’avenir de la politique et des banlieues françaises. Dommage que, par la suite, eux aussi aient fait preuve d’incompétence. ASSASSIN – LE FUTUR QUE NOUS RÉSERVE-T-IL ?
C’est beaucoup trop simple de vanner Rockin’ Squat parce qu’aujourd’hui tout le monde sait que c’est le frère altermondialiste moche de Vincent Cassel. Mais à l’époque, quand il nous parlait de son ghetto du XVIIIème arrondissement et de ses embrouilles de quartier, personne ne se doutait qu’il faisait allusion à ses petits tracas montmartrois et ses soucis d’argent de poche. On pouvait à peine prédire son futur virage rap des Vieilles Charrues, seulement sur des phases isolées comme : « J’aime la Terre mais mes adversaires imposent des frontières. » Pour le reste, les prods étaient d’excellentes copies du Bomb Squad et Squat jouissait d’un niveau de realness relativement élevé. C’était avant ses histoires de panthère noire et de formule secrète à la con. IAM – DEMAIN C’EST LOIN
Putain j’ai cédé. Je voulais vraiment me retenir, faire preuve d’une mauvaise foi dépassant toute attente, mais mon bon sens journalistique m’a finalement fait capituler : j’ai intégré un groupe marseillais à un top (aussi inutile soit-il) et ça m’arrache la gueule de le dire. Enfin là c’est plus une longue anticipation sur « demain », avec des mots recherchés et pleins de poésie comme seuls savent le faire ces agréables partisans de l’« independenza » non violente. Et puis c’était le temps où ils refusaient que Freeman (aka « Tuco ») intervienne dans un morceau, vraisemblablement par souci esthétique. Même Nas a repris le même sample un ou deux ans après. Sérieux, ce track est classique. 16/9 – VOIS EN 16/9
Je pense que je suis le seul être humain à me souvenir de ce morceau, mais il s’agit de ma première rencontre avec le rap expérimental pour fans de comics solitaires. J’ai écouté ce truc sur la compilation Hostile Hip-Hop II, et c’est peut-être l’unique morceau que ce groupe ait jamais fait. Je me souviens d’un refrain hyper bizarre chanté par l’un des mecs dont la voix était doublée à l’aide d’un vocoder de l’enfer. Ça me renvoyait à plein d’images terrifiantes de films d’anticipation pétés type Starship Troopers, avec des armées caillera déclarant la guerre à des nations d’insectes géants venus de lointaines galaxies. J’ai pas écouté ce morceau depuis mes 12 ans, si vous le retrouvez, n’hésitez pas à me l’envoyer à l’adresse mail suivante : julien@viceland.fr – merci. LA CAUTION – CASQUETTES GRISES
La Caution est le groupe préféré des progressistes du rap qui tiennent quand même à leur identité hip-hop. De fait, ils ont donc un public composé de backpackers en mal d’amour, mais en majeure partie de festivaliers qui passent leurs étés sur les côtes bretonnes dans une tente Decathlon à écouter les meilleurs sets d’Amon Tobin. Ce morceau est mon préféré de leur premier album, celui sorti du temps où ces connards de roots écoutaient encore de la chanson française contestataire. ÄRSENIK – BALL TRAP
Au milieu des années 1990, les deux frères Calbo et Lino (au début il y avait aussi leur cousin, mais l’histoire l’a oublié) sortaient de Villiers-le-Bel en costla avec un style ultra violent inspiré de l’horrorcore américain. Leur premier morceau « Ball Trap » mettait en scène un monde postmoderne complètement parti en couille avec plein de références pétées à Dracula, à « l’Au-delà » et à d’autres concepts pseudo-gore qui ont impressionné plus d’un « hip-hop head ». X-MEN – RETOUR AUX PYRAMIDES
Je sais, vous allez me dire que « non ils ne parlent pas de futur », que de toute façon « il n’y a même pas de thème » voire même que je suis « un sacré connard » mais OUAIS, je pense sincèrement que « Retour aux pyramides » est un morceau d’anticipation sur la renaissance de la grandeur africaine après des siècles d’esclavage perpétré par l’ordre du grand manitou européen. Et puis presque treize ans après, les paroles ont encore vingt ans d’avance sur tout le monde (voir le « Sur le terrain » spécial punchlines), alors j’ai le droit.