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Comment la fête nationale catalane a viré en parade nationaliste

La fête nationale catalane est un événement patriotique et pacifique qui a lieu tous les ans depuis 1980.

La fête nationale catalane est un événement patriotique et pacifique qui a lieu tous les ans depuis 1980. Mais mardi dernier, le rassemblement a pris une tournure nationaliste inattendue au cours de laquelle 1,5 millions de manifestants ont réclamé l'indépendance pure et simple de leur région.

Il est vrai que les nationalistes ont toujours manifesté au cours des célébrations du Diada, la fête nationale (brûler les drapeaux espagnols et les portraits du Roi y est une tradition), mais d'habitude, les Catalans se considèrent comme une fière composante d'une Espagne socialement et nationalement diverse, et il n'est pas question d'aller prendre les armes ni de faire sécession. En théorie, l'idéologie culturelle locale ressemble à celle de la Bretagne ou au Pays de Galles, où l'on marque son attachement régional en défendant farouchement sa langue, son drapeau et ses pâtisseries. Point d'exception ici : les Catalans célèbrent leur langue, leur art et leur culture, et il n'est pas question de bombes ni d'enlèvements d'hommes politique – même s'il est vrai que la Catalogne a eu son propre groupe « terroriste » dans les années 1970, un groupe qui ne terrorisait personne puisque sur leurs 5 victimes, 4 étaient leurs propres poseurs de bombes (cf. Les stars oubliées du terrorisme des années 1970) Même si les évènements récents ne doivent pas faire craindre un retour à la violence, il est clair que l'attitude des Catalans vis-à-vis de l'Espagne a beaucoup changé. « Ne vous voilez pas la face quant au but de cette manifestation » disait une porte-parole de l'Assemblée nationale de Catalogne (ANC) quelques jours avant la fête. « Nous compterons tous les membres présents comme d'authentiques partisans de l'indépendance ». Merde. Qu'est-ce qui a pu changer entre temps ? La principale doléance concerne l'« Estatut », le statut d'autonomie de la Catalogne, un document qui définit les relations entre la région et l'Espagne. Un statut qui confère à la Catalogne une grande autonomie, notamment en matière de police et d'éducation, et qui date de 1979. La plupart d'entre vous n'étaient pas nés. Une version mise à jour a bien été approuvée par le parlement catalan en 2006, mais son application a été freinée par divers responsables pas franchement portés sur l'indépendance – des juges notamment. Certaines dispositions, y compris celles relatives à la gestion des recettes fiscales catalanes, ont ainsi été jugées « inconstitutionnelles ». Le blocage, qui perdure depuis sept ans, a mis sur les nerfs beaucoup de Catalans. Et comme ces jours-ci on ne peut même plus péter en Espagne sans que ça ait un rapport avec la crise, la situation économique a évidemment exacerbé le conflit. Bien que la Catalogne dispose du plus gros PIB du pays, ça ne l'a pas empêchée de devoir demander l'aide de l'Union européenne. Même si cette décision handicapera la région lors de futures négociations avec Madrid, les appels à l'indépendance ont bel et bien été amplifiés par l'idée très répandue que si l'Espagne est dans la merde, la Catalogne ne devrait pas avoir à payer plus que sa part pour l'en sortir.   Ce qui nous amène à notre manifestation. Un cortège où l'on trouvait plus de drapeaux qu'à Nuremberg pendant les années 1930 ; un foule battant le pavé au rythme des chants anti-Espagne, des chansons populaires, et des putains de joueurs de tambour. Mais on trouvait aussi des ados ivres, des grand-mères en chaise roulante avec le drapeau catalan accroché au fauteuil, des petits metalheads en train de faire les cornes du diable avec leurs mains, et surtout ces fans barcelonais de Black Flag qui, si la Catalogne obtenait un jour l'indépendance, mériteraient d'être classés au patrimoine du pays. À certains moments, ce spectacle devenait franchement gênant. Voir des gens bourrés couverts de drapeaux s'agiter en hurlant à la fin de la manif' m'a soudain rappelé tout ce que je déteste dans le nationalisme. Ce n'est pas que je sois un défenseur de l'ordre établi ; j'aime bien faire chier les mecs qui nous gouvernent. Mais un tel basculement extrémiste dans l'opinion majoritaire a tendance à m'inquiéter ; je m'imaginais la réaction de tous ces mecs s'ils n'obtenaient pas gain de cause. Vers la tombée de la nuit, la Gran Via était devenue une marrée de drapeaux. J'avais beau être en queue de cortège, il y avait encore des torrents de manifestants qui déboulaient des rues adjacentes, ce qui rendait tout déplacement difficile. Depuis le centre de l'avenue, la foule acclamait le Casteller (une sorte de pyramide humaine qui fait aussi figure de tradition locale) qui se dressait. Sous le crépuscule barcelonais, un dernier enfant s'est hissé au sommet pour y déployer l'Estelada, le drapeau national catalan. Instantanément, les chants nationalistes ont cessé et c'est avec dignité et gaieté de cœur que la foule s'est mise à applaudir. Ces gens que j'avais en face de moi n'aboyaient pas rageusement au nom de je ne sais quelle idéologie. Ils étaient simplement fiers de ce qui les rendaient uniques au monde. Et tant que ça reste cantonné à ça, je suis fier de me revendiquer indépendantiste catalan. Visca Catalunya !