Voici le premier club de cyclisme 100% féminin d'Arabie saoudite
Photos publiées avec l'aimable autorisation de Nadima Abul Enein

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Voici le premier club de cyclisme 100% féminin d'Arabie saoudite

Le vélo est réservé aux hommes. Le vélo rend les femmes stériles. Et une femme qui fait du vélo ne trouvera jamais de mari. Nadima Abul-Enein a dit « stop », et a décidé de combattre la police religieuse à coups de pédales.
Sandra  Proutry-Skrzypek
Paris, FR

Cet article a été initialement publié sur VICE Arabie.

Cela fait cinq ans que le Comité pour le commandement de la vertu et la répression du vice – plus communément appelé « police religieuse » – a émis une fatwa autorisant les femmes à faire du vélo sous certaines conditions. Cela n'a malheureusement pas changé la façon dont la société traite celles qui en font.

Dans son film Wadjda, sorti en 2012 et nominé aux BAFTA, la scénariste et réalisatrice saoudienne Haifaa al-Mansour raconte l'histoire d'une jeune fille dont le rêve est de posséder un vélo. Malheureusement, sa communauté ne cesse de lui répéter que le cyclisme est un sport réservé aux hommes, que le vélo rend les femmes stériles et qu’elle ne pourra jamais se marier ou avoir des enfants si elle en achète un.

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Nadima (à gauche) et d'autres membres du club de cyclisme Bisklita

Nadima Abul-Enein a grandi à Djeddah, une ville portuaire saoudienne située sur les bords de la mer Rouge. Enfant, on lui a raconté les mêmes absurdités lorsqu'elle disait vouloir faire du vélo. Mais avec le soutien de sa famille, elle a non seulement acheté un vélo, mais elle a aussi fondé, Bisklita, le premier club de cyclisme uniquement féminin en Arabie Saoudite.

« Quand j'étais petite, je faisais souvent du vélo dans mon quartier, mais j’ai arrêté d’en faire en vieillissant à cause de la pression sociale », explique-t-elle. « Ma mère et mes sœurs m'ont encouragé à continuer. J'ai commencé à poster des photos de mes trajets sur Instagram. J’ai été choquée de voir le nombre de femmes saoudiennes qui souhaitaient se joindre à moi. C'est là que j'ai décidé de créer un club de cyclisme amateur pour les filles. »

C'était en 2015 et, depuis, le club n’a cessé de croître. « Nous avons commencé avec seulement six membres – ma mère, quatre amies et moi-même », me dit-elle. « Maintenant, le club compte plus de 500 femmes de tous âges et de tous horizons – des adolescentes, des mères de famille, des femmes avec des handicaps physiques. Toutes les femmes sont les bienvenues. »

Quand elle n’est pas en cours, Nadima fait du sport. Elle aime nager et courir, et elle travaille comme entraîneuse à l’Association saoudienne d’escalade – le premier club d'escalade du pays. À l'avenir, elle espère étendre le club aux autres villes du pays, et enfin, participer à des tournois internationaux.

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Selon la fatwa de 2013, la police religieuse autorise les femmes à faire du vélo et de la moto « du moment qu'elles sont modestement habillées » et qu’elles ne s'en servent pas comme excuse pour enlever leurs abayas – les longues robes modestes que portent les femmes de la région. Le gouvernement recommande également que les femmes fassent du vélo en compagnie d'un mahram – mari, père ou frère – et évitent les zones « dangereuses » où elles pourraient se faire harceler.

Sans surprise, l'idée de faire du vélo sous la supervision d'un homme n’a pas été très bien accueillie à l'époque, et de nombreuses femmes ont fait part de leur indignation sur les réseaux sociaux.

« Not Against the Law » de Mohammed Sharaf

Chez Bisklita, on ne roule pas avec un mahram. « Quand on a commencé à faire du vélo dans Djeddah, les gens n’en croyaient pas leurs yeux », se souvient-elle. « Pour être honnête, c'était vraiment difficile au début – les gens nous insultaient et nous jetaient des trucs. Heureusement, ils ont fini par s’y habituer. »

Malgré les progrès, l'équipe s'est heurtée à des obstacles inattendus.

« Récemment, on s’est fait arrêter à un poste de contrôle de police. On nous a dit qu’il nous fallait un permis, alors même que la loi n'en exige aucun », explique Nadima. « Du coup, j’ai postulé pour que Bisklita devienne un membre officiel de la Fédération saoudienne de cyclisme. »

Nadima a réussi à obtenir un soutien de premier plan pour sa cause : celui de la princesse Reema bint Bandar Al Saud, vice-présidente du Comité général sportif et chargée du sport féminin en Arabie saoudite.

« On nous a interdit de faire du vélo dans certaines régions sans permis. Alors, la princesse Reema nous a tendu la main et nous a aidées à organiser des séances d'entraînement hebdomadaires au stade King Abdullah », explique Nadima. « Cela nous permet d’avoir un endroit où pratiquer en attendant que notre demande soit approuvée. »

À l'intérieur du stade du King Abdullah, Nadima a même créé sa propre entreprise – une boutique appelée Pisklita qui vend des abayas spécialement adaptées pour le cyclisme. « Maintenant nous nous retrouvons au stade deux fois par semaine – le dimanche pour les débutantes et le mardi pour les plus avancées », explique-t-elle. « On nous a assuré que dès que notre demande sera approuvée, on pourra faire du vélo où bon nous semble. »