Mélanie Astles, voltigeuse et première femme de l'histoire de la Red Bull Air Race

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Mélanie Astles, voltigeuse et première femme de l'histoire de la Red Bull Air Race

À 33 ans, la pilote grenobloise a participé pour la première fois à cette course prestigieuse qui réunit les pires casse-cou à 20 mètres au-dessus du sol et 400 km/h.

Mardi 12 janvier 2016, la Française Mélanie Astles est entrée dans l'histoire de la voltige aérienne, et pour cause ! La pilote grenobloise de 33 ans a été officiellement intégrée au prestigieux circuit Red Bull Air Race 2016, qui est en fait le championnat du monde de course aérienne, et son format rock'n'roll : des slaloms chronométrés à 400 km/h entre des pylônes gonflables…

Une première pour une femme dans l'histoire de la compétition.Mélanie Astles est la preuve que les rêves peuvent se réaliser, elle qui a lâché les études à 18 ans pour se payer des baptêmes de l'air. Quinze ans après, après avoir tapé dans l'œil des recruteurs de Red Bull, la voici qui s'apprête à vivre un conte de fées, sur fond de tonneaux et de loopings. Interview d'une amoureuse des sensations fortes avant son décollage pour Abu Dhabi, 1ère étape de la Air Race qui aura lieu les 11 et 12 mars.

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VICE : Mélanie, d'où te vient cette vocation de pilote ?
Mélanie Astles : J'ai eu envie de voler depuis toute petite, cela a toujours été en moi… Le film L'histoire sans fin, dans lequel un petit garçon parcourt le monde sur le dos d'un dragon, m'a peut-être influencée, mais un avion était plus pratique pour voler (rires). Mon rêve d'enfance était de devenir pilote de chasse, j'étais ultra-passionnée ! Et puis j'ai commencé à avoir des problèmes de vue, et ce fut la fin du rêve… En mars 2003, je me suis offert mon premier baptême de l'air dans un aéroclub de Lyon, avant de passer mon brevet de pilote de ligne.

Comment s'est réalisée cette bascule vers la voltige ?
J'ai découvert la voltige grâce à un concours lancé, en 2006, par la Fédération Française Aéronautique. Cinq jeunes pilotes de moins de 25 ans étaient sélectionnés pour participer, à tarif très réduit, à un stage de voltige. Je me suis sentie immédiatement à l'aise dans cet élément, comme si j'avais déjà fait ça. Je pense que j'avais tellement imaginé ce moment, tellement dessiné des figures dans ma tête, que cela m'a paru complètement naturel. Un instructeur était à mes côtés dans l'appareil, avec des doubles commandes, et nous avons attaqué très rapidement les manœuvres aériennes. Lorsque j'ai effectué mon premier lâcher voltige, c'est-à-dire mon premier vol seule, je n'avais même pas cinq d'heures d'entraînement ! Et j'ai passé des loopings, des tonneaux, des vrilles avec l'instructeur qui me guidait par radio… Ce fut une émotion énorme, j'en ai des frissons rien que d'en parler ! Je pense que ce lâcher voltige fait partie des cinq plus beaux jours de ma vie.

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Quelles sont les qualités dont doit disposer un pilote pour être un bon voltigeur ?
Il faut être capable de se concentrer un maximum, et savoir regarder au bon endroit au bon moment. Cette nécessité de concentration me plaît beaucoup dans la voltige de haut niveau, moi qui ai le cerveau qui bouillonne en permanence. Quand je suis dans mon avion, je ne me focalise uniquement sur l'action, sans penser à autre chose.

La condition physique est également essentielle, car nous subissons des variations de G qui nous écrasent dans le siège, ou nous font monter le sang à la tête lorsque nous volons à l'envers… Il convient donc d'être vraiment gainé et entraîné, afin d'être au top mentalement dans le cockpit. Avec une bonne préparation physique, on peut envoyer du steak dans les airs et descendre de l'avion en pleine forme.

Peux-tu décrire les sensations ressenties quand on vole à 400 km/h, avec une dizaine de G encaissés dans un avion qui enchaîne les manœuvres aériennes ?
Il faut comprendre que plus on tire fort sur le manche, et plus on prend de G. Un pilote de voltige peut effectivement encaisser une pression égale à 10G, soit 10 fois le poids de son corps. On ressent donc une sensation de lourdeur car, à 3G par exemple, une personne de 80 kilos pèse d'un seul coup 240 kilos. Si on veut soulever un bras, celui-ci deviendra par la force des choses très difficile à déplacer, car il est attiré par la pesanteur. Mais il faut savoir que lorsque l'on prend 10 G, on ne les subit que quelques secondes. Ma figure préférée est celle dite de "la cloche". L'avion monte à la verticale, recule puis bascule sur lui-même. C'est une manœuvre spectaculaire car on a la sensation de tomber.

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A cette vitesse-là, il n'y a pas de droit à l'erreur, d'autant que tu dois gérer aussi le vent et la visibilité… Dans quel état d'esprit es-tu dans le cockpit ?
Je suis très détendue ! J'ai tendance à être très anxieuse au sol, mais une fois que j'ai fermé le cockpit et que le moteur de l'avion a démarré, je suis comme une gamine qui a son jouet et qui va pouvoir s'amuser… C'est l'image mentale que j'ai trouvé afin d'être apaisée dans les airs. Je profite un max de l'instant, en me répétant que j'ai la chance de vivre ma passion. Le stress est l'ennemi du pilote et de sa sécurité, car on ne verra pas à temps les choses importantes. A mon avis, la meilleure façon d'aborder une session de voltige, c'est de réussir à être cool et en même temps concentré. Ce n'est pas évident, mais c'est comme cela que l'on réussira de bonnes performances.

Procèdes-tu à de la visualisation mentale pour te préparer aux sessions, comme un pilote de F1 ou un skieur qui vont simuler des virages ?
Complètement ! J'ai un préparateur mental qui m'aide à ce niveau-là, je m'améliore d'année en année grâce aux débriefings des compétitions. Chaque pilote a sa façon de faire, mais on procède tous à ce que l'on appelle « la danse du voltigeur ». On va mimer les figures, une main représentant l'aile et l'autre le manche, et on verra donc des personnes danser sur le parking avant une session… De la même manière qu'un pilote de bobsleigh ou de Formule 1 répète ses trajectoires, nous révisons également tout. Visualisation en vitesse lente, en vitesse rapide, l'objectif est d'avoir l'impression de connaître sa session sur le bout des doigts une fois dans l'avion. Le mental et la gestion du stress font la différence en compétition, surtout si on doit s'élancer en premier !

Tu as vécu une année 2015 de rêve avec un nouveau sacre national, un titre de championne de France Elite et un stage de sélection Red Bull Air Race à Madrid… Que représente le circuit Air Race à tes yeux ?
Une aventure exceptionnelle ! La Red Bull Air Race rejoint mon rêve d'être pilote de chasse, car il faut voler bas à 400 Km/h… J'aime beaucoup la vitesse, l'adrénaline et les sports mécaniques, tous les ingrédients sont réunis sur ce circuit. Cela devrait également m'aider sur le plan de la médiatisation, pour mes recherches de sponsors. Je suis intégrée à la Challenger Cup, la cour d'entrée pour la Master Cup [qui rassemble les pilotes les plus expérimentés, ndlr] et les nouveaux seront scrutés par Red Bull. Les organisateurs veulent des pilotes qui volent « safe », qui ne feront pas n'importe quoi pour décrocher un bon chrono. Je dois faire mes preuves et gagner leur confiance.

Tu vas donc bientôt slalomer entre des pylônes à 20 mètres du sol. Les sensations de voltige sont-elles très différentes de celles que tu connaissais ?
La Red Bull Air Race ne demande pas la technicité de la voltige de haut niveau, le pilotage est donc en apparence plus facile. Par contre, le côté adrénaline est vraiment présent car on évolue près du sol. On n'a clairement pas le droit de se louper… J'ai pu tester le format lors de précédents stages, les sensations sont impressionnantes et l'intensité est extrême. Contrairement à ce que l'on peut penser, l'espace entre les pylônes n'est pas large du tout… Il faut souvent attaquer les portes en biais, être rapide sans trop se précipiter. Cela demande dix fois plus de concentration.

Comment vis-tu le fait d'être la première femme dans l'histoire de cette compétition ? As-tu un peu la pression ?
Cela me met une petite pression sur le dos, car j'ai été mise en lumière par les médias et mes performances seront donc examinées de près. Je suis soulagée d'être en « immersion » à Abu Dhabi, je ne participerai pas à cette course car il n'y avait que six places pour 8 challengers. Cela me permettra de me familiariser avec ce championnat. Je cherche d'ailleurs un mentor parmi les pilotes, quelqu'un d'expérience qui me suive tout au long de la saison [les Français Nicolas Ivanoff et François Le Vot courent d'ailleurs en Master Cup, ndlr]. Je suis en tout cas traitée de la même manière que tous les autres pilotes, il n'y a pas de différence homme/femme. Beaucoup de personnes me disent que je fais une grosse connerie en quittant mon travail d'instructrice à l' École Nationale de l'Aviation Civile pour me consacrer à la Red Bull Air Race. Mais c'est en osant que l'on obtient des résultats, j'ai choisi la passion plutôt que la raison et je n'aurai pas de regrets. Ce qui m'arrive est magique !