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Pourquoi les hérissons ont-ils des piquants ?

C'est un fait, ils n'auraient pas été aussi populaires avec des tentacules ou des griffes de dix centimètres de long.

Avec la série « Le Pourquoi du moment », Motherboard répond aux questions les plus posées à Google en 2016. Aujourd'hui, on se demande pourquoi le hérisson a des piquants, alors qu'il pourrait avoir des nageoires, des ailes, des écailles, des plumes, ou même des bras mécaniques.

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Quand ils ne se coincent pas dans les grillages de nos résidences, quand ils ne se noient pas dans les piscines privées et ne sont pas écrasés sur les routes nationales dans la fièvre des sorties d'usine, les adorables créatures que sont les hérissons trouvent parfois refuge dans nos jardins. Ils se reposent alors de leurs aventures, le nez palpitant, leurs yeux ronds prompts à l'émerveillement et à la quête de grosses limaces juteuses.

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Pour un adepte de l'anthropomorphisme, la rencontre avec un hérisson à la tombée de la nuit est un événement bouleversant. Tous les critères du mignon sur lesquels on peut projeter des émotions humaines sont réunis : mammifère, forme ramassée de type boule de laquelle dépasse de petites pattes, oreilles mobiles, propension à se cacher, mouvements maladroits, truffe humide.

Et pourtant, le rapport mignon/doux du hérisson n'est pas optimal. On aimerait que cela soit un Pokémon vivant que l'on peut triturer, pétrir et malaxer à l'envi. Cela arrangerait également les biologistes de la conservation et les organisations de sauvegarde de la biodiversité, car selon une loi empirique bien connue en sciences de l'environnement, l'investissement du public dans la préservation d'un animal sauvage dépend de la densité de fourrure douce répartie sur l'animal.

Eh oui, le hérisson est adorable MAIS il n'est pas parfait : il pique. Et cela vous a tellement scandalisés, vous, internautes à la peau sensible, que vous avez demandé à Google par quelle malédiction le hérisson se trouvait affligé de terribles piquants sur le dos et les flancs.

Peut-on pour autant dire que les hérissons ont des piquants pour se défendre ? Du point de vue de la théorie de l'évolution, non. D'ailleurs, du point de vue de la théorie de l'évolution, la question « pourquoi les hérissons ont-ils des piquants ? » n'a aucun sens. Ou plutôt, c'est une mauvaise question. « Une question téléologique, » vous dira n'importe quel biologiste, épouvanté.

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En biologie, les explications téléologiques désignent tout type de discours dans lequel on sous-entend que l'évolution des espèces a un sens, une direction, ou que les traits et fonctions biologiques que possèdent les organismes sont apparus pour une raison particulière. En l'occurrence, la biologie ne répond jamais aux questions qui commencent par « pourquoi, » car elles exigent généralement d'esquisser des réponses téléologiques et/ou métaphysiques, et non des réponses scientifiques. Le propre de la biologie, c'est de décrire ce qui s'est passé dans l'histoire évolutive, et selon quels mécanismes. C'est tout.

Or, dans l'histoire évolutive, les caractères des êtres vivants n'apparaissent jamais pour une raison spécifique comme « se défendre », « voler », « creuser », « attirer le sexe opposé, » « ouvrir des noix de coco, » etc. Rappelons-en quelques mots quelques principes (très simplifiés) qui sous-tendent l'évolution. Les populations d'être vivants connaissent en permanence des mutations génétiques. Lorsque ces mutations sont avantageuses, ou du moins lorsqu'elles n'apportent pas de désavantage (mutations neutres), elles auront tendance à se répandre dans la population en question.

Chez le hérisson, les piquants ne sont pas apparus pour lui permettre de se défendre contre les prédateurs. Ils sont apparus à un certain moment de leur histoire évolutive grâce à la dérive génétique, et se sont maintenus parce qu'ils apportaient un avantage reproductif aux populations qui en étaient pourvues : ces structures si particulières de poils agglomérés par la kératine étaient très efficaces pour repousser les animaux hostiles. Le caractère « piquant » était donc avantageux, et s'est répandu dans les populations grâce à l'hérédité.

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Le hérisson n'était donc pas, par définition, destiné à avoir des piquants. D'ailleurs, il existe une sous-famille de hérissons qui n'a jamais eu de piquants : les gymnures, ou hérissons d'Asie.

Ils sont un peu moins classes que leurs cousins hérissés, il faut en convenir. C'est sans doute pour cette raison qu'on les surnomme les moonrats, « rats lunaires » chez les anglophones. Ci-dessous, un spécimen naturalisé et doté d'une expression à mi-chemin entre l'indécision et la crainte face à l'incertitude de l'existence.

Echinosorex gymnura au Muséum d'Histoire Naturelle d'Harvard. Image : Wikimedia

Même si le hérisson pique, il est possible de lui apporter des soins et de l'affection comme le rappelait très justement Georges Brassens. Le hérisson est néanmoins un animal sauvage, et il est interdit d'en détenir un chez soi en France. Si vous en trouvez un en plein jour, ce qui est très inhabituel (cela signifie qu'il est très malade ou considérablement affaibli), recueillez-le chez vous et placez une bouillotte contre lui le temps qu'il soit pris en charge par une association ou un vétérinaire.

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