"Tu ne sortiras pas de table avant d’avoir fini de manger, ma fille"

J’imagine que, comme moi, vous vous prenez souvent la tête avec votre mère pour un rien, êtes agacé par ses petites manies et lui répondez comme vous n’oseriez le faire avec personne d’autre. Quand je m’engueule avec la mienne, je me demande parfois comment sont mes amies avec leurs mères. J’ai des potes qui n’ont même pas honte de leur gueuler dessus en public, d’autres qui les appellent tous les soirs et ne se disputent jamais. Chacun a une relation bien particulière avec ses parents.

Viky García, elle, a décidé d’explorer la sienne par une mise en scène de ses rapports familiaux. La dernière exposition de la photographe hispano-américaine, Mother’s Milk, est une série de compositions entièrement monochromes. Mais pas des photos en noir et blanc, non : tout est blanc. Du sol au plafond, en passant par le moindre objet et même ses personnages — sa mère et elle, donc. Comme baignant dans une immense bulle de lait.

Sur l’une des photos, on voit García ensevelie sous un montagne d’objets vieillots ; sur une autre, elle semble évanouie sur une tablée de nouilles, face à sa mère qui mange goulûment ; plus loin, c’est cette dernière qui recrache le lait qu’elle était en train de boire, tandis que García est lovée dans un frigo…

García raconte à The Creators Project qu’elle a reçu une formation de théâtre expérimental et que cette méthode de travail a eu un impact important sur sa vie et sur sa vision en tant qu’artiste. Son travail en est donc fortement imprégné, tout comme il est influencé par la danse japonaise Butoh. Après avoir quitté l’Espagne, où elle est née, pour New York, toutes ces influences se sont rejointes dans son processus de création.

« Mother’s Milk est un projet qui explore la relation entre ma mère et moi », explique García. Quand j’étais enfant, ma mère n’était pas vraiment présente et pendant une longue période notre relation a été plutôt tendue. » Elle ajoute : « Être capable d’accepter ma mère m’a finalement permis de comprendre certains aspects de moi-même que je comprenais pas jusqu’alors. À tel point que pour la première fois je me suis demandé si je voulais avoir des enfants ou pas. Le projet entier amène les idées d’absence, de problèmes de communication, de troubles émotionnelles et de chaos. »

Pour réaliser ces compositions immaculées, García a commencé à mettre de côté des objets dans une cave. Tout a été peint, même la cave. C’est devenu le studio dans lequel la plupart des photos de Mother’s Milk ont été réalisées. Quand tout a été finalisé, la mère de García a pris un vol pour New York. Et, complice du projet, n’a embarqué que des vêtements et accessoires blancs. Une fois dans le studio, elle se sont peintes en blanc, et García a fait ses derniers réglages lumière avant de s’immortaliser avec un retardateur.

Après avoir été présenté à New York l’an dernier, Mother’s Milk est à voir à la Galeria Contrast à Barcelone jusqu’au 2 juillet 2016. Pour en savoir plus sur Viky Garcia, cliquez ici.