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Comment survivre en prison lorsque vous êtes une « princesse »

Ce que nous a raconté une fille modèle qui a passé trois jours en taule

Illustrations : Cei Willis

Une de mes meilleures amies, une fille sortie tout droit de Clueless, vient de passer trois jours en prison à Ottawa. Après un long silence radio et une absence remarquée à une soirée que j’organisais, j’ai reçu un texto de Sadie (pour ceux qui en douteraient, ce n'est pas son vrai nom) qui disait : «  Hey, j’ai une raison valable pour ne pas être venue : je viens de passer trois jours en prison. Bisous. »

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J’ai fixé longtemps mon portable en me demandant ce qu’elle avait bien pu subir là-bas. Une semaine avant d’être jetée en taule, elle payait des chauffeurs de taxis pour qu’ils aillent lui chercher de la bouffe en plein milieu de la nuit. Pour des raisons « juridiques », elle m’a dit qu’elle ne pouvait pas me dévoiler la nature exacte de son crime. Elle a rajouté que si un membre – généreux – de sa famille n’avait pas payé sa caution, elle aurait dû passer un mois au Centre de Détention de Carleton-Ottawa. Ça avait l’air sérieux. Normalement, j’appelle Sadie pour savoir quelle boutique fait les meilleures extensions ou les meilleurs ombres à paupières pailletées mais, cette fois-ci, mon appel avait un tout autre objet. Elle a de suite accepté que je fasse l’interview durant son assignation à domicile. Ce qu’elle m’a raconté a confirmé ce que je pensais depuis longtemps : plutôt mourir que d’aller en taule.

Les habitants locaux surnomment « Holiday Innes » la prison où elle se trouvait, à cause de sa localisation ; elle longe la route Innes, dans la banlieue d’Ottawa. Mais ce surnom ironique suggère quelque chose de beaucoup plus sinistre. Sachez-le : c'est vraiment le cas.

Si vous lisez ceci, vous êtes sans doute une lectrice de VICE et donc probablement une fille gentille, intelligente et « bien sous tous rapports » ; une véritable petite princesse. Alors voilà, « princesse », ce à quoi tu dois t’attendre si tu te retrouves un jour en cabane.

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LES AMIES EN PRISON

D’après Sadie, soit tu donnes ta nourriture, soit on te botte le cul. « La bouffe était dégueulasse, je n’ai pas mangé pendant trois jours. Je l’ai donné à ma co-détenue schizophrène qui portaient des nattes. Elle m’a carrément menacé de me défoncer la gueule si je ne lui donnais pas ma bouffe. » La nourriture joue vraiment un rôle si important ? Oui, si l’on en croit Sadie. « Une autre fille m’a dit qu’elle mettrait de l’argent sur mon compte si je lui donnais tout mon sucre. Je lui ai demandé : “Putain, pourquoi t'aurais besoin de tout ce sucre ?“ » Mlle Nattes, avait, elle aussi, ses petits secrets pour se faire de la thune à l’intérieur. « Elle se faisait payer 15 dollars » en revendant le sucre. L’argent était transféré sur son compte en banque de détenue.

L'ARGENT EN PRISON

C’est un compte où la famille, les amis ou n’importe qui d’autre peut déposer de l’argent. Sadie m’a dit que si on voulait acheter un tampon, c’était un dollar.

Sinon, lorsque Dame Nature reprend ses droits ils vous filent une serviette. Les détenues peuvent aussi se payer une brosse à cheveux, un baume à lèvres ou des snacks. C’est aussi le compte sur lequel votre « cliente » peut mettre de l’argent si vous décidez de vous prostituer. Je ne suis pas certaine d’être la mieux placée pour donner des conseils mais je ne pense pas que ce soit un bon plan de carrière. Participer à des jeux d’argent peut sans doute se révéler beaucoup plus avantageux.

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EMPLOI DU TEMPS

Si vous êtes le genre de fille qui passe sa soirée sur Internet et qui récupère son sommeil dans la journée, votre rythme circadien risque d’être violemment perturbé. À 7h du mat’ on réveille les détenues et on leur sert le « petit-déjeuner ». Sadie nous a confié que ce petit-déjeuner ressemblait à du gruau d’avoine, c’est-à-dire « un mélange de pisse et de vomi ».

Elle nous a raconté que, contrairement à ce qu’on peut voir dans certains clips de rap, les cellules n’ont pas de barreaux qui donnent sur un couloir mais que ce sont plutôt des chambres avec une petite fenêtre. Jusqu’à l’heure du déjeuner, 11h30, vous êtes confinée dans votre cellule – celle que Sadie partageait avec sa co-détenue schizophrène, nattée, et prostitué. Quand cette dernière ne la harcelait pas pour du sexe, elle parlait avec des voix différentes : « on se parlait normalement puis, la seconde d’après, elle prenait une voix de petite fille. C’était horriblement flippant. Elle chantonnait toute la nuit avec cette voix-là. »

LE VOYEURISME

Heureusement, dans une prison de femmes, personne n’a de pénis. On n’a pas à s’inquiéter de savoir si cette fameuse histoire de « glissement de savon » est vraie ou fausse. Mais il y avait quand même des incidents perturbants, notamment lorsque Sadie prenait sa douche. Une fois, alors qu’elle se douchait, Sadie a remarqué qu’une femme sortait un œuf Kinder Surprise de son vagin. Quand elle l’a ouvert, Sadie a vu qu’il était rempli de crack. Je ne sais pas ce que serait le pire pour moi : devoir me laver devant des étrangères ou voir se dérouler ce scénario. Ceci dit, Sadie nous a dit qu’il suffisait de fermer les yeux sous la douche et de s’imaginer qu’on était dans un spa. En réalité, ça ne marche pas mais, au moins, on ne voit pas des gens extraire des œufs en chocolat de leurs vagins.

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CONSEILS

Si vous avez peur des étrangers qui vous crient dessus dans la rue et ne supportez pas d’être enfermée dans un endroit exigu pendant des heures, ne faites rien d’illégal. Sadie nous a signalé que la plupart des femmes emprisonnées l’étaient à cause de leurs copains. Si vous avez un petit ami de merde qui vous demande de l’aider à faire des trucs illégaux, débarrassez-vous de lui au plus vite. « La plupart des filles prenaient genre, un mois ferme, et leur petit copain un an. »

En songeant au délit qu’elle a commis et à son séjour au Centre de Détention de Ottawa-Carleto, Sadie pense que ça n’en valait pas la peine. « Je trouve que personne ne devrait aller en prison. Putain, je préfère secourir des chats coincés dans des arbres géants que retourner là-dedans ; je ne veux plus jamais aller en prison. »

ÊTRE RECONNAISSANTE

« Je ne peux pas vivre sans mon Blackberry, mon Ipad et mon MacBook Pro » m’a confié Sadie quand on l’a libérée. En gros, elle a vécu l’histoire d’Aladin, mais à l’envers. L’expérience n’aura pas été sans intérêt puisqu’elle a rendu la Princesse Sadie beaucoup plus reconnaissante envers toutes les choses que la vie lui offre.

Elle nous a dit : «  aller en prison m’a a) rendu capable de m’occuper de mes cheveux sans brosse ni crème hydratante ; on aurait dit une clocharde quand je suis sortie, b) être reconnaissante de ne pas vivre perpétuellement coincée dans une pièce étriquée avec des gens en manque de crack. »

Je pense que tout le monde, même les princesses de Clueless, peut comprendre son sentiment.