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Culture

J'ai suivi les pires conseils vus sur Internet pour arrêter de fumer

En gros, j'ai perdu 2 000 dollars, pour rien.
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J'ai commencé à fumer en 2015, un mois après avoir rompu avec une petite amie de longue date. Un collègue que j'admirais m'a dit que ce serait une bonne façon de « respirer ». J'étais à un stade de ma vie où j'ignorais ce qui se passerait le lendemain, et je n'en avais rien à foutre. Parce que tout me semblait éphémère, je pensais que fumer le serait aussi.

Il y a quelques semaines, j'ai attrapé une grippe et n'ai pas fumé pendant à peu près cinq jours. Quand je me suis rendu compte que je me sentais en meilleure forme, j'ai décidé d'arrêter de fumer pour de bon. Internet m'a dit ce à quoi je devais m'attendre : maux de tête, toux, irritabilité, fatigue. En gros, j'allais être malade et désagréable avec les gens que j'aime. Pas une superbe perspective, donc.

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Sur la toile, on trouve beaucoup de conseils de la part de personnes qui ont réussi à arrêter. Pour certains, c'est une naissance, ou le cancer d'un proche qui les a motivés. D'autres recommandent la cigarette électronique. Mais il existe d'autres méthodes. Comme celle qui consiste à manger un biscuit pour chiens à chaque envie de fumer, de faire un tour de pâté de maisons en courant, ou de se préparer un sandwich à la dinde et au tabac.

Comme je ne savais pas par où commencer, j'ai sélectionné ce qui me semblait être les cinq suggestions les plus absurdes pour arrêter de fumer et ai essayé chacune d'entre elles pendant un jour.

Jour 1 : Faire un virement de 2 000 $ à un ami en lui en faisant promettre de l'envoyer à une association si j'échoue

Je commence un jeudi. Un utilisateur de Reddit conseille d'envoyer un chèque de 2 000$ à la pire Église des États-Unis, la Westboro Baptist Church, et de donner ce chèque à un ami qui l'enverra si l'on succombe à l'addiction à la nicotine – histoire d'avoir la conscience pour toujours hantée par le soutien que l'on a apporté à une horrible cause.

Parce que je n'ai ni chéquier, ni ami de confiance, ni l'envie de donner de l'argent à ces connards, même par accident, je demande à mon chef si je peux lui faire un virement de 2 000 dollars dans la matinée. Si je viens à échouer avant la fin de la nuit, il n'a plus qu'à valider ce virement.

Je résiste une journée grâce à ma volonté, et sans vraiment penser à la possibilité de perdre ces 2 000 dollars. Après ça, je vais boire des verres avec un ami. Une activité qui d'ordinaire, nécessite de fumer des cigarettes à la chaîne. Je bois quatre bières. Deux suffisent à me faire allumer une cigarette sans trop de remords. Je décide de rentrer.

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Je m'endors à 23 heures, toujours avec mes 2 000 dollars en poche. En tout cas, c'est ce que je crois.

Jour 2 : Acheter 10 kg de mandarines, en manger une au lieu de fumer

Le lendemain, je me réveille avec un e-mail de ma banque qui m'annonce un découvert de 400 dollars. Les 2 000 dollars sont partis. Il est 7 heures quand j'envoie un SMS en panique à mon boss, lui demandant gentiment de me rendre mon argent. Il s'exécute.

À ce moment-là, j'ai assez d'argent liquide pour m'atteler au deuxième conseil : acheter dix kilos de mandarines et en manger une à chaque fois que l'envie de me griller une clope me prend.

Je préfère acheter des clémentines plutôt que des mandarines. Les premières ne sont pas de saison (en vrai, j'ai vu les clémentines en premier chez l'épicier). L'idée est de « garder les mains occupées » en profitant d'un « goût frais dans la bouche ». Sans compter que selon l'auteur du conseil, les mandarines ne comptent presque pas de calories (environ 40 par fruit) – et les clémentines encore moins (environ 35 par fruit).

Je comprends rapidement que les clémentines n'ont pas le même effet que la clope et ne satisfont pas les mêmes besoins. Il n'y a pas de vertige. Il n'y a pas d'intérêt social à manger une clémentine. Elle ne vous calme pas, ne vous réveille pas non plus. Elle ne va pas avec une bière. Il y a d'autres grandes différences aussi : les clémentines sont bien plus collantes que les cigarettes. Vous n'avez pas à éplucher une cigarette. Et vous n'avez pas à prendre l'air pour manger une clémentine. J'ai eu du mal sur ce point, justement. Ce qui rend les clopes si cool, c'est de pouvoir quitter le bureau régulièrement. Et après quelques heures à échanger les clopes contre des clémentines, je commence à m'agiter. J'ai envie de me lever, donc je demande à une collègue pote de clope, Ève, si elle veut sortir fumer une clope dehors pendant que je mange une clémentine.

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À 11 heures, je suis très nerveux et j'en suis à ma troisième clémentine. À 16 heures, j'en suis à ma dixième. Le soir, je suis vaguement malade. Je n'ai aucune envie de fumer parce que je n'ai aucune envie de rien. Je suis sur le point de vomir.

Je commence à tousser aussi.

C'est le dernier jour d'un collègue donc j'embarque un sac de clémentines dans le bar où a lieu le pot. J'en épluche et j'en mange quand tout le monde sort se griller des clopes en parlant des menaces qui mettent en péril le journalisme web. À 22 heures, je suis sur le point de partir et je ne veux plus jamais revoir de clémentine.

Je m'endors, légèrement saoul, mon estomac plein de clémentines. J'en ai mangé à peu près 20 dans la journée et la banque ne m'a toujours pas versé mes 2 000 dollars.

Jour 3 : Transporter un sac plein de culs de cigarettes et en humer le contenu dès que l'envie de fumer prend

On est samedi et je suis ruiné. J'accepte le fait de ne pas revoir mes 2 000 dollars avant lundi.

Puisque je ne fume plus (et que de ce fait je ne peux pas avoir mes propres fins de clopes), je mets le contenu du cendrier de mon salon dans un sac de congélation. Le cendrier était plein, et la plupart des filtres doivent probablement être vieux de plusieurs semaines. La théorie de cette méthode c'est que la vue et le poids du sac me feront prendre conscience de toute la merde que j'ai infligée à mon corps ces deux dernières années. Mais l'association n'est pas si facile à faire. S'il est vrai que je ne souhaite pas humer des cendres et des fins de cigarettes, il est facile d'ignorer la relation entre ma dépendance et tous les problèmes qu'elle me causera dans un futur plus ou moins lointain, si j'atteins les 60 ans.

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La journée passe relativement vite et avant que je n'y fasse gaffe, il est déjà 17 heures et je n'ai rien mangé. J'ai faim et la seule chose qui a toujours calmé ma faim, c'est une cigarette. Je me sens à fleur de peau, et la seule chose qui pourrait m'aider à me sentir mieux, c'est une cigarette. C'est la journée la plus déprimante de la semaine, j'ai envie de frapper ma tête contre un mur.

Je mange et commence à me sentir mieux. Je fais beaucoup craquer mes doigts, et je touche ma barbe tant de fois que je suis choqué de ne pas encore avoir chopé d'ampoules.

La nuit venue, je me pointe à une soirée d'anniversaire et commence à discuter avec une personne qui m'affirme s'abstenir de cigarettes depuis 22 jours après avoir clopé pendant une décennie. Je me sens revigoré et je deviens moins irritable. Je suis d'humeur à me la raconter à mon tour. Je lui montre mon sachet de congélation et il me regarde comme si j'étais fou.

Je me prends un shot, en pensant que ma gueule de bois du lendemain sera assez vénère pour que je n'aie pas envie de me lever avant 16 heures et que je sois capable de passer la moitié de ma journée sans être aussi en manque.

Du coup, c'est ce que je fais.

Jour 4 : Faire le geste de la cigarette avec un crayon à papier

En fait, les petits crayons que l'on utilise pour compter ses points dans les jeux de société sont incroyablement difficiles à trouver hors IKEA. Mais je règle rapidement le problème en brisant un crayon normal en deux. L'utilisateur de Reddit qui a donné ce conseil de merde « cendrait » le crayon comme s'il s'agissait d'une clope et parfois « le mettait dans sa bouche ». L'idée est d'imiter le mouvement et la routine – en tenant le crayon entre ses doigts et en le mettant à ses lèvres – mais tout l'effet que ça produit, c'est de me donner l'air d'un trou du cul sur le point d'avoir une épiphanie intellectuelle. Aujourd'hui plus que d'autres jours, je suis vraiment conscient des gens autour de mois.

Mais c'est quand même le jour le plus facile à vivre, parce que je ne sors pas de chez moi avant 16 heures. Une fois dehors, je mâchouille le crayon sur le quai du métro. Pendant une grande partie de la journée, j'oublie son existence. Je suis terrifié à l'idée d'avaler du plomb, mais je ne suis pas sûr que les crayons en contiennent encore (ou s'ils en ont jamais eu).

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De retour chez moi, je cuisine le dîner et regarde un nouvel épisode de Curb Your Enthusiasm. Alors que le quatrième jour sans cigarette prend fin, je commence à croire que je peux vraiment arrêter de fumer. Que cette fois-ci ça pourrait prendre et que ces méthodes fonctionnent.

Je perds le crayon avant de m'endormir.

Jour 5 : Boire de l'eau infusée au tabac

On est lundi. C'est mon dernier jour et il est temps de m'atteler au conseil que je redoutais le plus : boire de l'eau infusée au tabac. J'aime l'eau, j'aime les clopes. Mais ensemble ? L'idée de boire un verre de ce truc me rend encore plus malade que de manger 20 clémentines, et c'est le problème : je suis supposé vomir et ne plus jamais avoir envie de fumer.

En l'anticipant, je vais dans le parc le plus proche de mon bureau. Je verse le tabac d'une cigarette dans une tasse de café remplie d'eau pétillante (je préfère les bulles). Je regarde le breuvage, et je me décide à le boire. J'en suis à la moitié quand je décide de finalement jeter le reste. Je passe les minutes suivantes à cracher par terre.

Le matin suivant, à six jours d'abstinence, je commence à penser à mon avenir. Impliquerait-il des clopes ? J'ai passé la semaine à me forcer à ne pas en allumer, je n'ai rien fait qui m'ait définitivement dégoûté de la cigarette ou que je considère comme bénéfique à long terme. Mais au moins, manger du tabac et des clémentines, ça m'a occupé. Je joue présentement avec un bouchon de bouteille. J'imagine que ça fonctionne aussi.

Je pense que si vous voulez arrêter de fumer, la première chose à faire est de décider d'arrêter de fumer. Ça aide.