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Les empathes existent, c’est la science qui le dit

1 à 2 % des gens auraient du mal à faire la différence entre leurs sensations corporelles et celles des autres.
Hannah Ewens
London, GB
Sandra  Proutry-Skrzypek
Paris, FR
Des empathes
Illustration : Joel Benjamin  

Les personnes capables de ressentir l'état émotionnel, mental ou physique des autres sont appelées des empathes. VICE a d’ailleurs réalisé un documentaire à leur sujet. Le film a reçu des avis mitigés : il y a ceux qui croient en l'empathie et pensent en être eux-mêmes atteints, et ceux qui pensent que tout ceci n’est qu’un ramassis de conneries.

Bien entendu, l'idée que quelqu'un puisse ressentir les sentiments d'autrui est digne d’un film de science-fiction et n'est pas étayée par des preuves scientifiques. En fait, nous n’avons pas encore d'explication neurologique derrière l'empathie en général. Les chercheurs comprennent quelles en sont les idées fondamentales et les parties du cerveau impliquées dans le processus, mais ce domaine de recherche est encore très nouveau.

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Toutefois, une nouvelle étude confirme l'existence des empathes, concluant qu'entre 1 et 2 % de la population seraient atteints de cette maladie. Les travaux ont été réalisés par le Dr Michael Banissy, professeur de psychologie au Goldsmiths College à Londres, et Natalie Bowling, chercheuse postdoctorale. Ils ont passé des années à étudier l'empathie et, plus particulièrement, la synesthésie visuo-tactile, également appelée « synesthésie en miroir au toucher ».

La synesthésie survient lorsque différents sens se confondent. Certaines personnes peuvent « entendre » les couleurs, « voir » les sons ou « goûter » les mots. Dans le cas d'une synesthésie en miroir, la vue et le toucher se chevauchent. En voyant quelqu’un se toucher le visage, le synesthète va ressentir cette sensation sur son propre visage. Il s’agit en réalité d’un phénomène courant, comme lorsque vous voyez quelqu'un se gratter et que vous ressentez soudain des démangeaisons, par exemple (selon Bowling, environ 30 % de la population en fait l'expérience). Mais la synesthésie en miroir au toucher – la capacité de « ressentir » les sensations des autres – est suffisamment rare pour être un concept étranger à 98 à 99 % de la population.

Au cours de ses recherches, Banissy a mené une étude au Science Museum de Londres, demandant aux passants de remplir des questionnaires sur leur niveau d'empathie et de passer des tests. Durant ces tests, on leur tapotait la joue pendant qu’ils regardaient quelqu’un d’autre se faire tapoter l’autre joue.

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« L'idée étant que si vous avez une synesthésie en miroir au toucher, vous aurez plus de chances de croire que vous êtes tapoté des deux côtés du visage, explique Bowling. Ces personnes auront de la difficulté à se concentrer sur ce qu’elles ressentent réellement. Elles vont devenir confuses, commettre davantage d’erreurs et réagir plus lentement. »

La nouveauté de cette recherche est qu'elle ne repose pas uniquement sur l'empathie auto déclarée, comme c’était le cas dans le documentaire VICE. « Il est très difficile d'assimiler les expériences de différentes personnes. Nous souhaitions donc comparer les personnes d’après un test et non d’après leur point de vue », explique Bowling.

Fait intéressant, l'équipe de recherche a constaté que de nombreux répondants étaient atteints de synesthésie en miroir, mais n'étaient pas conscients de cette capacité. « Le cerveau humain est habitué à tout intégrer », précise Bowling. « Il y a des battements de cœur, des vibrations abdominales, des récepteurs de stimulation sur votre peau, mais ils sont tous combinés globalement dans le cerveau. Vous n'y pensez pas vraiment, tout se passe en arrière-plan. » En d’autres termes, si vous avez toujours ressenti les sensations des autres comme étant les vôtres dans votre corps, comment pouvez-vous les distinguer ?

La deuxième étape de cette recherche, selon Bowling, consiste à examiner les problèmes liés au « flou » de soi. « Je réalise ce qui se passe dans mon propre corps, et je réalise aussi que cette personne là-bas s'est blessée au bras. La capacité de basculer entre ces deux perceptions est très importante pour l'empathie », poursuit-elle. « Si je veux faire preuve d'empathie envers quelqu'un, je vais me concentrer sur lui et non sur moi-même, et inversement dans d'autres situations. Les personnes atteintes de cette maladie semblent avoir du mal à contrôler la transition entre elles et les autres, ou inversement. »

De nombreuses conséquences mentales, physiques et émotionnelles peuvent en découler. Selon Bowling, les personnes aux prises avec synesthésie en miroir se sentent souvent dépassées.

Pendant ce temps, le Dr Banissy a commencé ses recherches sur les interventions comportementales visant à surmonter les faibles niveaux d’empathie. « Ses recherches devraient montrer qu'il existe des moyens de former les gens afin qu'ils soient plus empathiques, explique Bowling. Nous devons traiter la base scientifique et perfectionner nos techniques de recherche afin qu'elles puissent être utilisées concrètement dans la vie réelle. Si cela peut être appris, les capacités d'empathie peuvent faciliter la vie de nombreuses personnes. Nous organisons des sessions en milieu de travail, comme une formation disciplinaire et une formation sur la façon d'écouter les gens, et nous envisageons d’enseigner l’empathie aux managers et au personnel. »

@hannahrosewens

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