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Crime

Un Britannique de 22 ans s’est fait un nom : « Online Jihadi Hunter »

Aymenn Jawad al-Tamimi gagne sa vie en traquant des extrémistes sur le net.

Pour l'oeil non initié, la page Facebook de l'Armée des hommes d'al-Qadisiyya a l'air de faire la promotion d'un groupe d'insurgés irakiens doté de ressources importantes. Il a son propre emblème - une représentation élégante d'un aigle surmontant un drapeau baassiste. La page est truffée d'images de trophées: carcasses de véhicules calcinées par les bombes et corps inanimés. On pourrait prendre le groupe pour une faction rivale sophistiquée de l'organisation de l'État islamique. Mais pour Aymenn Jawad al-Tamimi, chasseur d'extrémistes, quelque chose cloche.

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« Il y a quelqu'un qui se donne ce nom, l'Armée des hommes d'Al-Qadisiyyah, et qui prétend être un groupe insurgé baasiste » dit-il. « Mais si vous regardez toutes les photos mises en ligne, ce sont surtout des photos de l'État islamique qu'ils présentent comme les leurs. »

L'Armée des hommes d'al-Qadisiyyah est un groupe insurgé fantôme - une faction qui n'existe pas de la manière dont elle le revendique sur la toile. Une bizarrerie de plus dans le conflit qui se déroule sur les réseaux sociaux. Alors que l'organisation de l'État islamique a fait de l'hyperbole et de la propagande les marques de fabrique de sa présence sur la toile, al-Tamimi pense que ce groupe, qui a rassemblé plus de 3000 « j'aime », va encore plus loin - il est probablement constitué d'un seul individu qui bidouille une page Facebook.

« Je pense que pour les insurgés irakiens il y a sur les réseaux sociaux une tendance à minimiser l'État islamique, on ne veut pas admettre à quel point ils sont une force d'insurrection dominante » dit-il. « En particulier avec les Baasistes, ils n'arrêtent pas de communiquer sur le fait qu'ils sont le groupe le plus important, qu'ils ont le plus gros bastion, et qu'ils ont libéré Bagdad du contrôle du gouvernement. Ce n'est pas vraiment dans leur intérêt de reconnaître la présence de l'EI de quelque façon que ce soit. »

Ces insurgés fantômes qui prétendent être de véritables forces militaires ne sont rien de plus que des bizarreries pour al-Tamimi, qui gagne sa vie en traquant des extrémistes sur le net. Il est membre d'un groupe baptisé jihadi hunters (les chasseurs de djihadistes) - un genre nouveau d'enquêteurs complètement autodidactes qui écument les réseaux sociaux pour obtenir des informations sur les extrémistes, avant de poster leurs trouvailles sur des blogs.

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Le temps de ce jeune homme de 22 ans est partagé entre Londres et Israël, où il est chercheur pour l'université privée IDC Herzliya. Il ne mène cette activité que depuis le printemps dernier, mais son travail est régulièrement cité dans les médias dont Al Jazeera, le New York Times et occasionnellement VICE News. Il a récemment fait une apparition à la commission pour la Défense de la Chambre des communes britannique comme conseiller, à propos de l'organisation de l'État islamique et de l'Irak.

Dans sa journée type il fait des recherches sur Facebook et sur Skype, établit des contacts avec certains des groupes rebelles de la zone, et il se met en contact avec eux pour obtenir des informations. VICE News a skypé avec lui pour mieux comprendre son travail.

VICE News : Comment en êtes-vous arrivé à faire ce travail ?

Aymenn Jawad al-Tamimi : J'ai toujours été intéressé par l'Irak et la Syrie. Avant de faire tout ça, les recherches que je menais étaient plus larges - des productions d'articles pour des journaux d'information par exemple. Utiliser les réseaux sociaux peut vraiment donner une vision en profondeur, à un niveau microscopique. Utiliser en particulier Facebook comme source, c'est une approche assez innovante, parce qu'on ne l'associe pas nécessairement avec des groupes armés. J'étais à l'instant en train de retranscrire une interview que j'ai faite avec un commandant militaire pro régime en Syrie. Et j'ai fait ça sur Facebook.

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Quelle a été votre découverte la plus importante jusqu'à présent ?

Identifier les ex-détenus de Guantanamo marocain qui combattaient en Syrie. Ça s'est fait par Facebook, via des pages djihadistes. Ils ont publié un commentaire sur le mur d'une fanpage, quelqu'un a demandé qui c'était, et ils ont posté une réponse sur Facebook en arabe.

J'ai alors tapé le nom sur YouTube pour voir s'il y avait des vidéos de cet individu et ça collait parfaitement. Tout ça s'est fait instantanément. C'était assez génial. Et ça s'est fait en furetant dans l'univers des pages Facebook des djihadistes.

À votre avis pourquoi l'organisation État islamique a rapidement pris le dessus sur les autres groupes d'insurgés ? Quelle est sa plus grande réussite?

Son autoproclamation comme califat et comme État. Cela faisait longtemps qu'ils progressaient en ce sens, avec la publicité offerte par les réseaux sociaux depuis août ou septembre de l'année dernière. Tout le monde pensait alors que ISIS [l'État islamique en Syrie et au Levant, ancien nom de l'organisation de l'État islamique] faisait partie d'Al-Qaida, mais je crois que la manière dont ils ont poussé ce projet de califat - cette idée qu'ils allaient commander - a vraiment montré leur intention de ne pas dissoudre ISIS dans un autre groupe. Cela a vraiment été le point de rupture avec Al-Qaida. Cela a eu lieu avant le désaveu officiel de la direction d'Al-Qaida des liens [avec ISIS] en février.

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Comment établissez-vous un lien avec les gens que vous recherchez?

Si j'appelle quelqu'un, je lui dis simplement que je suis un chercheur d'Oxford, et que je veux faire une interview. Je ne peux pas me résoudre à parler à des gens avec un faux compte. Je ne peux pas me faire à cette idée. Mais je peux vous dire qu'il y a beaucoup de chercheurs qui le font. Il y a un grand débat à ce propos. Si certains veulent fouiner dans le monde des djihadistes et utiliser un faux compte pour ce faire, je ne vais pas ouvertement les condamner.

Pensez-vous que l'on doit discuter l'État Islamique, comme l'a suggéré Jonathan Powell [l'ancien directeur de cabinet de Tony Blair] ?

Je crois que l'Occident ne doit pas discuter avec eux, parce qu'en fin de compte il s'agit d'une entité qui a commis un génocide sur les Yazidis. C'est une chose très importante à garder en tête - eux-mêmes se sont vantés de ce qu'ils ont fait aux Yazidis.

Il y a une volonté déterminée de mettre fin à l'existence du peuple yazidi, avec la réduction en esclavage des femmes par exemple, avec les conversions forcées à l'Islam. Je ne crois vraiment pas que cela soit une entité avec laquelle l'Occident doive discuter, non.

Comment envisagez-vous le futur de l'État islamique ?

Je crois qu'ils vont continuer d'étendre leur territoire. Je crois en particulier qu'Anbar est un endroit à surveiller. Certaines parties de la province de Dilaya également. Si l'État islamique se met à décliner, cela se fera graduellement, et cela se fera dans les années à venir plutôt que dans les six prochains mois.

Suivez Ben Bryant sur Twitter : @benbryant