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Sports

France-Nouvelle-Zélande : quand les meilleurs ennemis s'affrontent à nouveau

Ils se sont déjà rencontrés par le passé à l'occasion de matchs clés de Coupe du monde. Samedi, la France et la Nouvelle-Zélande vont se battre pour une place en demi-finale.
Photo by PA Images

« Nous devons accepter de souffrir », a récemment déclaré le capitaine français Thierry Dusautoir au sujet de la Coupe du monde de rugby. Conrad Smith, le centre All Black aux 91 sélections se met à rire quand je lui cite les propos de Dusautoir. « Souffrir de travailler dur ? Veut-il dire pendant la compétition ? Qui sait ? Voilà une phrase bien française. Cela peut vouloir dire qu'ils sont prêts à être outsider une nouvelle fois. C'est leur état d'esprit préféré.».

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Ian Foster, l'entraîneur des arrières néo-zélandais est quant à lui un peu grincheux quand j'évoque les propos de Dusautoir. « Je ne peux pas commenter ce que dit Dusautoir ou ce qu'il veut dire, indique Foster, fronçant les sourcils. La seule chose que je peux dire c'est que tout le monde va souffrir. Gagner la Coupe du monde est clairement une tâche difficile et énorme. Cela demande beaucoup de sacrifices. »

Les Français ont fait souffrir les All Blacks et leurs supporters lors des dernières Coupes du monde de rugby. En 1999, la rencontre opposant la France à la Nouvelle-Zélande a été un des plus beaux matchs de la compétition. Alors que les All Blacks menaient 24-10, les Français se sont déchirés en deuxième mi-temps pour l'emporter 43-31 en marquant des essais de folie. Conrad Smith était bouleversé mais il a également été inspiré par la façon dont les Français ont fait preuve d'intelligence, d'esprit d'équipe et d'instinct (le fameux french flair). «Il verront des points communs et en profiteront mieux que quiconque. Cela va me rappeler mes jeunes années ».

En 2007, la France a tapé les Blacks lors du quart de finale disputé à Cardiff, 20-18 score final. Certes, l'arbitre Wayne Barnes a fait une prestation médiocre. Lui et son juge de touche Jonathan Kaplan ont oublié de siffler un en-avant entre Frédéric Michalak et Damien Traille qui a conduit à un essai, mais aussi de nombreuses fautes françaises. Dusautoir avait notamment fait 38 plaquages, dont un qui avait laissé à terre Jerry Collins et qui lui avait valu le surnom de The Dark Destroyer.

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La France fait face à la Nouvelle-Zélande lors du Haka en 2007 | Photo PA Images

Frédéric Michalak « se bonifie avec l'âge, comme le vin », a affirmé le sélectionneur Philippe Saint-André. Il fait partie avec Dusautoir des joueurs déjà présents en 2007 qui joueront ce weekend. Même s'il n'a pas marqué contre l'Irlande au Millenium Stadium de Cardiff, Michalak a montré qu'il conservait son âme d'attaquant et il s'attachera à le faire comme un vieux chien rusé. Les Français étaient opposés à des milliers d'Irlandais aux gorges déployées mais les séquences de jeu, parfois magiques, de Michalak ont engendré l'excitation des supporters Rouge et Bleu qui ont chanté La Marseillaise comme s'ils étaient en train de gagner.

Mais il n'y a pas qu'en Coupe du monde que les Français ont fait du mal aux All Blacks. Les Bleus ont remporté une bien belle victoire à Dunedin en 2009. Dans le passé, l'ailier et capitaine de l'époque, Philippe Saint-André a mené la France à trois victoires de rang face à la Nouvelle-Zélande, dont deux chez eux lors de la saison 1994-1995. Le panache et l'agressivité de Saint-André ont même fait chuter le jeune Jonah Lomu. Ceci étant, les experts du rugby pensent qu'il est peu probable que les Français gagnent à nouveau sur la pelouse de Cardiff.

Uini Atonio passe à travers la défense roumaine | Photo by PA Images

Conrad Smith se délecte de la phrase d'Al Pacino dans L'Enfer du dimanche disant qu'un match de football américain se joue à des petits détails, à quelques centimètres. « On ne doit jamais chercher bien loin », explique-t-il en référence à l'étroite victoire des siens contre la France (7-8) lors de la finale de la Coupe du monde 2011 à Auckland ainsi qu'à la rencontre contre le potentiel adversaire de son équipe en demi-finales, l'Afrique du Sud. « Même lors de notre dernier match contre l'Afrique du Sud. Il y a eu un essai refusé pour les Sud-Africains, puis ils en ont concédé un dans les mêmes circonstances. Nous en avons parlé avec eux après le match. Ils venaient de perdre deux rencontres qui auraient pu tourner en leur faveur. Lorsque deux bonnes équipes s'affrontent, ça se joue à des petits détails et c'est exactement ce qui va se passer pendant cette Coupe du monde. »

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Les coéquipiers du paquet d'avantsde Conrad Smith, Dane Coles et Brodie Retallick, en conviennent : « Un match de rugby se joue à rien du tout ». Retallick, élu meilleur joueur du monde en 2014 a confié que le spécialiste de la question était Sam Cane, doublure de Richie McCaw et capitaine contre la Namibie. « Sam Cane saura quoi vous répondre. Vous devriez lui poser la question ».

Smith a une approche intellectuelle et créative de son sport : « Je regarde beaucoup d'œuvres d'art, je lis des livres et j'essaie toujours de relier ça à ma vie, que ce soit dans le rugby ou non. Parfois, les liens sont à peine perceptibles et je ne les partage pas souvent. Les gens ne seraient pas capables de comprendre de quoi je parle », dit-il en rigolant.

Colin Meads, la plus grande personnalité All Black de tous les temps a souligné l'importance de Conrad Smith. « Conrad est un grand joueur, un de nos meilleurs même ». Smith a prouvé sa valeur et sa résistance lors de la phase de poules. Sa défense et son leadership des lignes arrières ont été de tout premier plan lors de la rencontre face au Tonga. Et ses attaques glissées contre les Pumas argentins ont démontré pourquoi il est appelé le facteur-X. Le Professeur Wayne Smith, ancien All Black, affirme que Conrad ne donne aucun indice quand il est face à un défenseur. « Conrad change de direction à la moitié de sa course. Il ne donne aucune piste au défenseur. C'est sa force ».

Conrad Smith lors du match de poule des All Blacks face à l'Argentine | Photo PA Images

L'un des 23 coéquipiers de Conrad qui pourrait faire la différence samedi est Richie McCaw. On attend également (enfin) le retour de Dan Carter au premier plan. Un des trois magnifiques ailiers que sont Julian Savea, Waisake Naholo et Nehe Milner-Skudder, ne pourra pas débuter le match. Pourtant il est difficile d'exclure si tôt les Bleus, eux qui ont manqué une seule demi-finale de Coupe du monde. La principale raison est Thierry Dusautoir, élu meilleur joueur du monde en 2011.

Après la rencontre face à l'Irlande, Dusautoir est resté de glace lors de la conférence de presse. Son calme insubmersible a été contrebalancé par la franchise de feu de Philippe Saint-André. Contrairement à Steve Hansen, le sélectionneur néo-zélandais, qui a indiqué en conférence de presse qu'il ne se souciait pas de jouer la France ou la Nouvelle-Zélande. Saint-André va sûrement s'inspirer de 2007. « Bien sûr », a-t-il confirmé. Avant d'ajouter que le match sera un « dur combat ».

Et le résultat de samedi sinon ? « C'est un match de rugby. Vous ne savez jamais », a souri Saint-André.