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Sports

​La France veut devenir une nation dominante de l'e-sport

Le 3 mai, le Sénat a adopté le projet de loi reconnaissant la pratique compétitive des jeux vidéo en France. Une nouvelle impulsion pour l'e-sport français qui accusait un léger retard malgré de bonnes prédispositions.

Les "ouh!" de surprise provenant du public sont les mêmes que lorsqu'un footballeur se fait méchamment tacler. Sauf que là, sur l'écran géant du Zénith de Paris en ce vendredi de mai, ce n'est pas un match de foot qui est retransmis, mais bien une partie de Call of Duty. Et le public ne réagit pas à des tacles violents mais à des "kill" vicelards et - souvent - effectués à une vitesse supersonique. On est à l'ESWC, compétition mondiale de Call of Duty, une référence dans les tournois européens d'e-sport : 15 ans d'existence et pour la deuxième année consécutive au Zénith.

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Actuellement, l'e-sport français est au centre de toutes les attentions. Le mardi 3 mai, le Sénat a adopté en première lecture le projet de loi pour une République numérique, dans lequel figure la reconnaissance officielle de la pratique compétitive des jeux vidéo en France et la création d'un CDD pour les joueurs. En clair, ce projet de loi défendu par la secrétaire d'Etat au numérique Axelle Lemaire vise à offrir un cadre juridique à une pratique compétitive des jeux vidéo qui en était dépourvue jusqu'ici.

L'adoption de ce projet de loi fait suite à la création de l'association France eSports, un premier pas vers une Fédération française d'e-sport, comme les fédérations sportives classiques. Pour le moment, cette association est destinée à structurer et organiser la communauté de l'e-sport en France, mais ces acteurs du jeu vidéo veulent être sur un pied d'égalité avec les autres sports même si quelques réticences sont encore observées : l'e-sport n'est toujours pas considéré comme un "vrai" sport aux yeux de certains. Pourtant, il pourrait être considéré comme un sport cérébral à l'instar des échecs ou du go, dont la pratique est chapeautée par une fédération sportive en France.

Lancement de l'Association France E-Sport à — Axelle Lemaire (@axellelemaire)27 avril 2016

Un coup de boost qui survient alors que la France accusait du retard dans le développement de l'e-sport. Une anomalie car le marché français du jeu vidéo est l'un des plus lucratifs, comme l'indique le rapport intermédiaire du député centriste Rudy Salles et du sénateur socialiste Jérôme Durain : il est le 7e marché mondial et le 3e européen.Il apparaît alors impensable que le pays soit à la traîne sur cette poule aux œufs d'or, bardée de sponsors et d'événements qu'est l'e-sport.

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C'est en substance ce que disait Rudy Salles au Monde : « Il faut absolument ne pas louper le train de l'e-sport. […] Il est porteur d'avenir, ça intéresse les jeunes, et c'est un domaine en pleine croissance. Si on ne régule pas l'activité, si on n'encadre pas, elle ne peut pas se développer, car aucun investisseur ne peut s'y impliquer sans cadre légal. » En 2019, les revenus de cette filière devraient ainsi atteindre le milliard de dollars au niveau mondial.

Comment se traduisait ce retard de l'e-sport tricolore ? Pour Julien, coach-joueur FIFA de la team Pulse Gaming, c'est surtout au niveau du statut des joueurs que cela se passe : « Par rapport à certains pays asiatiques, comme la Corée, où certains joueurs sont reconnus comme joueurs professionnels, et où ils peuvent vivre de ça, c'est compliqué en France, à part quelques rares exceptions. »

Les gamers sont concentrés sur leurs écrans.

Des gamers professionnels, il pourra y en avoir avec cette "loi e-sport", même si, comme le rappelle Matthieu Dallon, co-fondateur d'Oxent (qui organise l'ESWC) et président de l'association France E-sports, dans des propos rapportés par Libération, ces CDD « sont surtout une mesure symbolique qui concernera quelques dizaines de joueurs en France ».

Il est assez impressionnant par ailleurs de voir le degré de professionnalisation d'un sport qui n'a que quelques années d'existence. Au Zénith de Paris, des centaines de spectateurs se sont déplacées un vendredi après-midi pour assister aux joutes entre des teams aux maillots élaborés. Une cagnotte de 50 000 dollars était promise aux vainqueurs. Sur le week-end, 8 000 spectateurs sont venus remplir les gradins.

Parmi les équipes participantes, il y avait le gratin de l'e-sport mondial. Ce sont ainsi les Américains d'OpTic Gaming, référence dans le milieu, qui ont remporté la compétition. La team Millenium est, elle, symbolique du développement de l'e-sport. D'origine française, avec un directeur tricolore, Rémy "Llewellys" Chanson (par ailleurs secrétaire général de France eSports), elle a troqué son équipe composées de joueurs de l'Hexagone pour des gamers britanniques cette année. « C'est comme dans tous les sports, explique Julien de Pulse Gaming. Il y a un mercato, il y a des transferts, il y a de l'argent en jeu. A partir du moment où il y a de l'argent en jeu, on essaie toujours d'obtenir les meilleurs résultats possibles. »

Vitality est, elle, l'équipe française en vue du moment, et entretient avec Millenium une rivalité « digne d'un PSG-OM », selon Le Monde. D'après plusieurs participants et observateurs rencontrés à l'ESWC, le niveau de jeu général en France est bon, même si elle accuse du retard sur Call of Duty face aux Britanniques et surtout, aux Américains. « Sur FIFA, par contre, à mon avis, on est la meilleure nation, avec les Anglais », explique Julien.

Bref, l'e-sport français n'était pas si loin des meilleures nations en s'étant développée un peu hors des sentiers battus : les compétitions de jeu vidéo, considérées comme des loteries sur le plan légal étaient ainsi jusque-là théoriquement interdites. Il manquait donc un cadre légal pour légitimer tout cela. Avec cette nouvelle "République numérique" et l'association France eSports, il semblerait que le gouvernement ait donné une nouvelle impulsion à l'e-sport français. Les gamers français bientôt champions du monde ?