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LE PREMIER NUMÉRO

Dans sa chambre

Hugues est un enfant aux yeux cernés façon crackhead. Dans le club de province où il s’apprête à mixer, un groupe de filles se frottent devant la scène en criant son nom. Il n’y fait pas trop attention parce qu’il a oublié de brancher son disque dur...

Photo: Maciek Pozoga

Hugues est un enfant aux yeux cernés façon crackhead. Dans le club de province où il s’apprête à mixer, un groupe de filles se frottent devant la scène en criant son nom. Il n’y fait pas trop attention parce qu’il a oublié de brancher son disque dur. Il se ronge les ongles en espérant qu’il aura assez de morceaux pour finir son set. «Putain ! J’crois que mes parents sont dans la salle!», hurle-t-il en me serrant de toutes ses forces avec ses petits doigts. Si ses parents sont là, ils ne doivent pas trop savoir quoi penser des turbines stridentes que crache l’ordinateur de leur petit. Lui, il produit ça tranquille dans sa chambre avec Reason, une chaîne Aïwa qu’il a eue pour ses dix ans, en attendant que sa mère l’appelle lorsque le dîner est prêt. Comment t’as découvert la ghetto house? Bah, sur Internet. Quand je me suis installé Soulseek, je downloadais à bloc. J’ai téléchargé des centaines de références du label Dancemania, je dois en avoir 150 sur les 300 du catalogue. Mais j’en ai toujours pas un seul en vinyl parce qu’ils sont hyper difficiles à trouver sur Ebay, à part les nouveaux trucs, mais j’aime moins. Tu crois que tu t’en sortirais vivant dans le ghetto de Chicago? Je sais pas. Mais genre quand j’étais en BEP compta, il y avait plein de cailleras et ils étaient toujours super cools avec moi parce que je m’y connaissais mieux qu’eux en rap français. Je devais être le seul gouère du bahut qu’ils aimaient bien. Ils m’invitaient à faire du pee wee dans leur cité et tout, mais j’y allais pas. T’es 100% français, toi? Ouais, pure souche. Mon père est breton, né à Carnac dans le Morbihan, et ma mère est tocanaise. Tocane Saint-Apre, c’est un bled en Dordogne. Je crois que mes ancêtres avaient des châteaux, enfin des manoirs ou un truc comme ça. Mon grand père, c’était le vétérinaire de Tocane. Et tes parents, ils pensent quoi de tes morceaux? Ben, ils se disent que ça doit être bien mais ils comprennent pas trop ma musique. Ils trouvent ça trop répétitif. Ils sont un peu étonnés qu’un label veuille sortir mes disques. Bobmo—«Let’s Go Bobmo!», sort fin février sur le label Institubes.