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Crime

Pourquoi c'est en Afrique du Sud qu'a eu lieu la première greffe réussie de pénis

Après seulement trois mois de convalescence, le greffé est capable de faire tout ce qu’on peut attendre d’un sexe masculin. Une percée qui était très attendue par de nombreux Sud-Africains.
Photo par Siphiwe Sibeko/Reuters

Des médecins en Afrique du Sud ont fêté ce qu'ils décrivent comme la première greffe de pénis réussie, après avoir rattaché sans difficulté un organe sur un jeune homme dont le pénis avait été amputé trois ans auparavant. Une circoncision traditionnelle bâclée avait causé des infections mettant la vie du patient en danger.

L'opération a été réalisée en décembre 2014 à l'hôpital Tygerberg du Cap, en Afrique du Sud, par une équipe de chirurgiens plastiques et d'urologues de l'hôpital de l'Université Stellenbosch.

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Les médecins, qui ont fait des recherches et qui se préparent à cette opération depuis 2010 avaient estimé à deux ans le temps nécessaire pour le rétablissement du patient. La manifestation d'une bonne santé psychologique, urinaire et reproductive, les a poussés à revoir ce temps de rétablissement, et ils ont donc annoncé leur avancée vendredi dernier.

« Il avait un tel sourire sur son visage — ce regard ébahi quand on a retiré les pansements, » a confié à VICE News le docteur Frank Graewe, l'un des docteurs en charge de l'opération. « Trois mois plus tard, il a des rapports sexuels réguliers avec sa partenaire. Nous sommes surpris des progrès qu'il a faits. »

Le premier essai de greffe de pénis a eu lieu en Chine en 2006, mais il a échoué. Le nouvel organe a gonflé de manière anormale, provoquant des problèmes psychologiques chez le patient et sa compagne. Les docteurs l'ont retiré deux semaines après l'opération.

Le docteur Graewe estime que de trouver un donneur est un défi important. Le fait de trouver un cadavre qui a le même groupe sanguin et la même couleur de peau que le patient relève de la même procédure que pour n'importe quelle greffe, mais dans ce cas précis, les docteurs ont eu du mal à convaincre les familles des donneurs.

« Demander un rein ou un c?"ur, c'est banal, » remarque-t-il. « Mais demander un pénis à quelqu'un est complètement nouveau. »

La famille qui a fini par consentir au don nécessaire l'a fait à condition que les médecins reconstruisent un nouveau faux pénis pour le donneur. Les docteurs se sont exécutés en utilisant la peau de son abdomen.

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« Pour qu'il ne soit pas enterré sans pénis, » explique le docteur Graewe.

Après avoir enlevé le membre du donneur, les docteurs l'ont gardé dans une pièce « moyennement froide » avant de procéder à une opération qui a duré neuf heures, et que l'hôpital a plus tard décrite dans un communiqué comme un « marathon ».

Recoudre les vaisseaux sanguins du patient et ses nerfs avec précision sur le nouvel organe était un autre défi d'importance. Un échec pouvait conduire à ce que le corps rejette le pénis, ou que le pénis ne fonctionne pas correctement.

« La plupart des vaisseaux sanguins du pénis du patient étaient abîmés à cause de l'infection [et] la fibrose qui a suivi, » a déclaré dans un communiqué le docteur André van der Merwe, membre de l'équipe chirurgicale. « Nous avons dû identifier et disséquer les vaisseaux sanguins d'autres zones et les transférer grâce à une technique de microchirurgie. »

« Les tissus dans cette région du corps sont complexes, » explique le docteur Graewe. Il admet que depuis l'opération, les zones de sensibilités du nouvel organe sont éparses.

« C'est en progrès, mais on ne sait pas encore s'il pourra retrouver à 100 pour cent ses sensations, » dit le docteur.

Le docteur Graewe et son équipe ont remarqué que l'Afrique du Sud avait un réel besoin de centres capables de réaliser de telles procédures. Plus de 100 amputations de pénis sont pratiquées chaque année dans le pays selon des estimations — elles sont principalement dues à des circoncisions faites dans des conditions insalubres par diverses communautés ethniques.

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Les Xhosa ne sont pas la seule communauté à pratiquer des circoncisions rituelles en Afrique du Sud. Le groupe ethnique observe cependant un rite qui dure plus d'un mois pour marquer le début de l'âge adulte. Connue sous le nom ulwaluko, la cérémonie consiste à circoncire un groupe de jeunes hommes avec la même extrémité d'une lance — avant de leur faire passer un mois ensemble, isolés du reste du monde.

Cette pratique est particulièrement problématique dans la province d'Eastern Cape, où presque 500 hommes sont morts des suites d'une circoncision rituelle entre 2006 et 2014. Une trentaine serait décédée en seulement une semaine. Certains survivent sans complication, alors que d'autres développent des infections comme la gangrène — ce qui oblige à procéder à une amputation du pénis.

Pour certains groupes ethniques d'Afrique du Sud (comme les Xhosa), un homme est mature à partir du moment où il a été circoncis. En 2008, Fikile Mbalula (un membre du parti au pouvoir en Afrique du Sud, le African National Congress party) a subi la fameuse circoncision selon les techniques de l'ulwaluko, à l'âge de 37 ans, après que ses collègues Xhosa l'ont poussé à le faire.

De nombreux membres de la communauté Xhosa rejettent les critiques adressées à propos de ce rituel. Selon eux, les mauvaises pratiques d'une minorité ne devraient pas faire pâtir le reste de la communauté. Des milliers de jeunes hommes pratiquent chaque année ce rituel.

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« Les rites d'initiations ne sont pas censés vous tuer. Ils vous permettent plutôt de construire votre caractère grâce à une expérience de groupe dans le bush, » écrit dans un édito de 2013, le docteur Sakhumzi Mfecane, un membre des Xhosa, qui est aussi professeur d'anthropologie à l'université de Western Cape. « Il n'y a rien de définitivement mortel dans rites initiatiques Xhosa, comme le prouvent des siècles de pratiques réussies de tels rites. »

Le docteur Mfecane et d'autres membres de la communauté Xhosa en Afrique du Sud n'ont pas répondu à nos sollicitations pour cet article.

Le docteur Nicola Barsdorf, qui est à la tête du comité éthique supervisant la transplantation de pénis, a expliqué à VICE News que l'opération de transplantation n'est que la première étape d'une étude scientifique officielle. Les médecins travaillent à rendre la procédure abordable et facilement reproductible, afin que les hôpitaux sud-africains puissent offrir des greffes de pénis à ceux qui en ont le besoin.

Elle précise que la confidentialité des patients est un aspect éthique primordial, « révéler l'identité de l'individu recevant la greffe pourrait conduire à une forte stigmatisation et discrimination de celui-ci dans sa communauté. »

Le patient va devoir suivre un traitement à base d'immunodépresseurs jusqu'à ce que ses médecins estiment qu'il n'en a plus besoin. Le docteur Graewe précise que le nouveau pénis du patient n'est pas circoncis. Si le patient veut à nouveau être circoncis, l'équipe médicale devra contrôler l'opération et ses conséquences.

Les médecins ont pratiqué quelques « retouches » sur l'organe depuis la transplantation, et vont continuer à garder un oeil dessus.

« Cela fait seulement trois mois que la greffe a été faite, » prévient le Docteur Grawe. « Mais le patient a quelques sensations, les érections reviennent. Physiquement, c'est un sacré succès. »

Suivez Johnny Magdaleno on Twitter @johnny_mgdlno