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République Démocratique du Congo

L'opposant Moïse Katumbi prépare son retour en RDC pour « sauver son peuple »

Candidat à la présidentielle, il a annoncé son « retour imminent » en RDC pour « sauver son peuple ». Des élections incertaines sont attendues d'ici la fin de l'année 2017.

Contraint à l'exil en mai 2016, Moïse Katumbi, candidat à la présidentielle en République démocratique du Congo (RDC) a annoncé le 16 juin 2017 son « retour imminent » en République Démocratique du Congo. « Le temps de faire mes valises et de saluer mes amis » en Europe confiait-t-il.

Le 2 juin 2017, Moïse Katumbi a déposé plainte devant le Haut-commissariat aux droits de l'homme des Nations Unies contre « l'acharnement » des autorités congolaises dont il se dit être victime. En réponse à ces allégations – et dans l'attente d'un examen approfondi de la requête –, l'agence onusienne a exigé des autorités congolaises que Moïse Katumbi « puisse participer librement et en toute sécurité, en tant que candidat, aux élections présidentielles ».

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À en croire l'accord de la Saint-Sylvestre, conclu le 31 décembre 2016 sous l'égide de la la Conférence Épiscopale Nationale du Congo (CENCO), des élections présidentielles doivent en effet se tenir en RDC d'ici la fin de l'année 2017. Cet accord a été soutenu par la Résolution 2348 du Conseil de sécurité des Nations Unies – sachant que le deuxième et dernier mandat de l'actuel président, Joseph Kabila, devait théoriquement s'achever le 19 décembre 2016.

À lire : Comprendre la crise en République démocratique du Congo

Selon Olivier Kamitatu, porte-parole de Moïse Katumbi, « ces élections sont encore possibles » malgré les retards considérables pris par le régime en exercice à Kinshasa. Moïse Katumbi « attend que le pouvoir en place publie le calendrier des élections au mois de juillet 2017. S'il n'y a toujours rien, nous allons demander la démission de Joseph Kabila ». Ces élections ne sont pas pour autant la « panacée » nuance Olivier Kamitatu. Si elles sont organisées dans la précipitation, elles pourraient provoquer davantage de déstabilisations dans le pays.

Selon Roland Pourtier, géographe à l'Académie des Sciences d'Outre-mer, ces élections ne pourront pas se tenir en 2017. « Il faut être réaliste ! » s'exclame-t-il.

« Le prérequis est avant tout de réaliser un recensement démographique, » estime Poudrier, dans ce pays où la population a été estimée à plus de 77 millions d'habitants en 2015. Le dernier recensement en RDC date de 1984. Joseph Kabila avait proposé en 2015 qu'une telle initiative soit conduite. L'opposition avait alors exprimé ses réticences, voyant là une manière pour le chef d'Etat de retarder l'élection.

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Le coût des élections pourrait aussi être un facteur de déstabilisation selon Roland Pourtier. « Les élections mobilisent des sommes considérables. Le budget prévisionnel de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) s'élève à 1,8 milliard de dollars. Il y a un problème de gestion de l'argent. Les circuits sont parfois opaques et l'argent disparaît, » indique le chercheur.

Sans compter « qu'il n'y a pas d'unité territoriale en RDC » poursuit le géographe. « De cette unité, dépend celle de la politique du pays qui est construite sur un modèle ethnico-linguistique. » Plus de 200 langues sont parlées dans le pays. Économiquement, « le centre du pays est inexistant et les pôles actifs sont en périphérie ».

La province du Kasaï est l'un de ces pôles. Mais depuis plusieurs mois, elle est secouée par la rébellion des miliciens de Kamuina Nsapu contre les forces de l'ordre. De nombreuses fosses communes y ont été découvertes. Selon l'ONU, les violences ont par ailleurs provoqué un million de déplacés en huit mois dans ce territoire plus grand que le Portugal. La province du Kasaï est une région riche en ressources minières qui suscitent les convoitises.

Comme celle du Katanga au sud du pays, où Moïse Katumbi fut gouverneur de 2007 à 2015 après avoir bâti sa richesse dans le secteur minier. Il était alors l'un des soutiens de Joseph Kabila.

Depuis la mort du leader de l'opposition Etienne Tshisekedi, Moïse Katumbi est l'un des principaux opposants au régime de Kinshasa. Il tente à présent de rassembler l'opposition derrière lui, à commencer par Félix Tshisekedi, fils de l'opposant historique. « S'il y arrive, cela pourrait être un facteur important pour l'avenir du pays » confie Roland Pourtier.

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C'est précisément ce statut de rassembleur qui aujourd'hui pousse Joseph Kabila à vouloir « évincer le Président Katumbi » selon son avocat Maïtre Eric Dupond-Moretti. En RDC, deux procès ont été intentés contre le candidat Katumbi. L'un le soupçonnant d'avoir recruté des mercenaires étrangers, l'autre pour spoliation immobilière. « Une pantalonnade » selon Maître Dupond-Moretti qui s'amuse de ces accusations. Une magistrate congolaise, aujourd'hui exilée, a dénoncé les pressions qu'elle a subies pour faire tomber l'ancien gouverneur du Katanga.

Pour garantir une sécurité « efficace » – selon les termes de Maître Dupond-Moretti – au candidat Moïse Katumbi, la Mission des Nations Unies pour la stabilisation de la RDC sera saisie. « De toute évidence et jusqu'à présent, la RDC n'a pas respecté les règles de droit » argue Maître Dupond-Moretti. Cette saisine est une manière pour le candidat Katumbi d'assurer ses arrières malgré la relative « confiance » qu'il a exprimée ce vendredi 16 juin 2017.

Dans un point presse tenu le 19 juin 2017 à Genève, le ministre d'Etat congolais en charge de la Justice, Alexis Thambwe Mwamba, à annoncer que le courrier du Haut-commissariat aux droits de l'homme de l'ONU, « ne change strictement rien par rapport aux dossiers qui attendent Moïse Katumbi » sur le territoire national.

En RDC, en dépit du retour de l'opposant Katumbi, l'avenir n'en est pas plus certain et le peuple congolais attend toujours son heure.


Suivez Nicolas Keraudren sur Twitter : @NKeraudren