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LE NUMÉRO MODE 2009

Circuit électrique

La mode est devenue consternante de conformisme robotique. À l’origine, l’élégance n’a pourtant rien d’un attribut social, c’est avant tout un signe de distinction destiné à mettre en valeur de nobles qualités humaines, voire spirituelles...

La mode du XXIIème siècle selon Forcefield et les trois pochettes des trois disques du mois

La mode est devenue consternante de conformisme robotique. À l’origine, l’élégance n’a pourtant rien d’un attribut social, c’est avant tout un signe de distinction destiné à mettre en valeur de nobles qualités humaines, voire spirituelles, et elle n’a pas attendu une poignée de vulgaires peigne-culs parisiens qui se branlent sur d’immondes hoodies roses en écoutant la dernière putasserie electro pour faire partie intégrante de l’humanité. Et ça, taxe-moi de réac’ si tu veux, mais c’est une vraie plaie et un signe de dégénérescence de l’Occident, ça ne trompe pas (comme cet insupportable tutoiement démago). Les masques rituels ou les costumes de cérémonie, ça a tout de même plus de gueule que des saloperies de sweaters et de futals moule-burnes fabriqués par des petites menottes de niakoué surexploité, non ? Je rêve qu’un jour, tous ces horribles créateurs de mode péteux prennent conscience de leur vanité carriériste et s’immolent comme les membres du Temple Solaire dans un immense brasier. Allez tous vous faire foutre avec vos haillons qui coûtent un bras, la mode, c’est MOI. Et Karl Lagerfeld n’a qu’à bien se tenir. Laissez-moi ravaler ma bile deux secondes pour rendre hommage à quelques-uns de mes créateurs préférés. Associé au collectif artistique Fort Thunder qui squattait une immense warehouse à Providence (la ville ou Lovecraft avait élu domicile avec ses douze chats), Forcefield est un groupe de noise génialissime, jadis proche de Lightning Bolt et Neon Hunk, qui a commis pas mal de performances, de vidéos, d’installations, de comics (jette-toi sur ceux de Mat Brinkman, désormais publiés par Picturebox) et tout un tas d’autres choses indescriptibles. En 2002, ils furent invités à la Whitney Biennale, et leur groupe s’est démantelé peu après. Il n’est jamais trop tard pour découvrir leur freaky artwork, notamment ce total look alien en patchwork de laine tissé à la main. Avec un peu de chance, tu peux encore dégoter leurs vidéos incroyablement étranges sur le Net, sortes de mises en scène rituelles avec des effets vidéo psychédéliques cheap. Le label Load a sorti en 2004 un album posthume intitulé Lord of the Ring Modulators. Pour rester dans les breloques outer space, le label Whatever We Want, entouré d’une hype pour une fois justifiée, a sorti un nouvel EP en tirage ultra-limité qui réunit la crème (solaire) de tout ce que la planète compte de plus excitant comme musiciens disco-psyché frappés : DJ Harvey à la batterie et aux percussions, Tim Koh à la guitare, Eddie Ruscha à la basse, Miho Hatori de Cibo Matto au chant et pour couronner le tout, Thomas Bullock de Rub N Tug aux effets spatiaux. Food of the Gods, c’est une version limbo-exotica de Can jammant sur une plage tropicale sous champi, sur fond de vagues bleues électriques, de palmiers ondulants et de ciel orange incandescent traversé par des ovnis, avec pour accompagnement vocal une exquise Japonaise complètement stone. C’est exactement comme ça que je m’imagine le paradis non-terrestre, à vrai dire. Je rêve de voir un jour défiler des nymphes vénusiennes au son de Higamos Hogamos et Belbury Poly. Higamos Hogamos est un groupe nouvellement signé chez DC Recordings, désireux d’explorer les similitudes entre le beat primal du rock’n’roll et les rythmiques motorik, soit la jonction entre Harmonia et les Cramps, Tangerine Dream et Devo. Leur single Major Blitzkrieg est une chevauchée épique dans une galaxie encore inconnue, comprendre un canon à neutrons harnaché à un riff de guitare obsessionnel, et des synthétiseurs bioniques. Ça cravache sec dans l’espace. Un parfait préambule à la sci-fi disco imprégnée de mysticisme ténébreux de Belbury Poly. L’indispensable album From an Ancient Star plonge dans les tréfonds abyssaux du cosmos et ressuscite les mythes païens par la magie des circuits analogiques. Une algèbre occulte qui pourrait émaner de la rencontre entre Giorgio Moroder et le BBC Radiophonic Workshop lors d’un sabbat nocturne à Stonehenge. Hail Satan ! Et en France, alors ? Il n’y a pas que des baltringues accoutrés comme des sacs (de luxe), il y a aussi de fantastiques musiciens détraqués comme Jean-Pierre Massiera, producteur marginal qui pratiquait allègrement la confusion des genres derrière quinze mille pseudos plus délirants les uns que les autres. Non content d’avoir produit une flopée de bizarreries prog-italo dans les années 1980 (Herman’s Rocket, Venus Gang, Fuego, Visitors, Piranhas…), de la musique afro-antillaise paillarde (Si J’avance Toi Tu Recules Comment Veux-Tu… de African Magic Mambo, tout un poème), du frenzy listening psyché (Les Maledictus Sound) et même du hip hop, il composa aussi d’insensés albums surréalistes comme L’Étrange Mr Whinster sous le nom Horrific Child, d’après Les Chants de Maldoror de Lautréamont, et d’ahurissants prototypes electro-pop inspirés par les films de science-fiction. Scindé entre underground obscur et showbiz variétoche, ce touche-à-tout méritait bien une réédition en bonne et due forme. C’est chose faite grâce à Mucho Gusto (et à Finders Keepers), et je mets ma main à couper que l’Étrange Mr Massiera émoustillera bientôt tous les modeux avec son univers futuriste tordu. FORCEFIELD – Lord of the Ring Modulators (Load)
FOOD OF THE GODS – Poison Apple (Whatever We Want)
HIGAMOS HOGAMOS – Major Blitzkrieg (DC Recordings)
BELBURY POLY – From an Ancient Star (Ghostbox)
JEAN-PIERRE MASSIERA – Psychoses Discoid (1976-1981)/
PSYCHOSES FREAKOID (1963-1978) (Mucho Gusto)
JEAN-PIERRE MASSIERA – Midnight Massiera (Finders Keepers)