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reportage

J’ai bu du thé aux excréments avec des villageois chinois qui ne jurent que par ça

Comme son nom l'indique, ce breuvage a un goût affreux mais ses consommateurs sont persuadés qu'il guérit le cancer.

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En janvier dernier, lorsque le médecin a diagnostiqué un cancer du poumon à Ma Su Qun, 77 ans, sa famille a décidé de ne pas lui annoncer la mauvaise nouvelle. C'est une pratique plutôt courante dans une grande partie de la Chine, où le cancer n'est pas perçu comme une bataille à mener, mais plutôt comme une peine de mort certaine.

« Lorsque les gens pensent au cancer, ils croient qu'ils vont forcément mourir, » m'a expliqué un ami chinois. Annoncer la mauvaise nouvelle au malade ne ferait que l'effrayer et le rendre malheureux pendant ses derniers mois d'existence – du moins, si on suit leur logique.

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La famille de Ma Su Qun lui a annoncé qu'elle avait un cancer du poumon de stade 1, deux mois après le diagnostic. Ils se sont mis d'accord pour lui annoncer la nouvelle parce qu'elle n'avait plus vraiment l'air d'être sur le point de mourir – il semblait qu'elle avait trouvé un remède, et ce remède était du thé conçu à base d'excréments.

Le jour où je suis parti à la rencontre de Ma Su Qun et de son thé miraculeux aux excréments, le ciel était gris et il pleuvait des cordes. Ma Su Qun vit à Golden Stone Village, un lieu situé à quelques heures de route de Changsha, la capitale de la province du Hunan.

Les excréments doivent être frais. C'est un mélange de crottes de chèvres et de bovins, ramassées dans les collines qui surplombent la maison de Ma Su Qun et qui sont ensuite séchées au soleil jusqu'à ce qu'environ 80 % de l'eau se soit évaporé. Si le temps est trop humide pour les faire sécher dehors, elle les cuit directement au four. Les excréments sont ensuite hachés en fine poudre et conservés dans une vieille boite de « lait énergisant pour personnes âgées » que Ma Su Qun garde sur un bureau près de son lit.

Elle m'en prépare une tasse en déposant quelques cuillerées sur un linge blanc posé à plat. Elle enveloppe la poudre fécale avec le linge pour fabriquer un sachet à thé et le place dans une tasse en métal rouillée. Elle ajoute ensuite beaucoup de sucre blanc au mélange et remplit la tasse avec de l'eau. Elle place ensuite la tasse sur une gazinière pour porter le mélange à ébullition et après quelques minutes, elle la retire du feu et verse le liquide boueux dans une tasse en verre. Elle me l'a tendue et j'en ai pris une gorgée.

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Les recettes de grand-mère comme le thé aux excréments de Ma Su Qun sont courantes dans les campagnes chinoises, où se trouvent seulement 20 % des infrastructures de santé du pays – ce qui signifie que plus de 100 millions de personnes n'ont pas accès à des soins médicaux efficaces. Et pour la plupart des paysans, le coût total du transport et des frais à payer une fois arrivés au cabinet du médecin (qui peuvent être remboursés ou non par l'assurance) est ahurissant. Beaucoup ne voient également pas l'intérêt d'aller voir un médecin, surtout quand des remèdes simples composés d'ingrédients faciles à trouver (comme les excréments) sont considérés comme une forme de médecine légitime.

La popularité des remèdes de grand-mères peut être liée à la pratique généralisée de la Médecine Traditionnelle Chinoise (MTC). Ce système ancien s'appuie sur l'idée que les maladies sont causées par des perturbations des équilibres naturels présents dans le corps, comme le chaud et le froid. Ces déséquilibres, selon la MTC, peuvent être manipulés et soulagés grâce à la consommation d'ingrédients organiques spécifiques, accompagnée d'autres techniques comme l'acupuncture.

Alors que beaucoup de professionnels de la santé occidentaux ont trouvé des preuves scientifiques qui prouvent que plusieurs pratiques de la MTC peuvent soulager les gens, l'efficacité de la plupart d'entre elles reste scientifiquement non prouvée. Pendant ce temps, les paysans confectionnent souvent des remèdes maison un peu douteux – certains se font volontairement piquer par des abeilles, mangent des fourmis encore vivantes et avalent même parfois des « œufs de garçons vierges », qui sont en réalité des œufs bouillis dans l'urine de jeunes garçons (on suppose qu'ils permettent d'éviter les coups de chaleur).

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Sur les 1 700 habitants de Golden Stone Village, au moins 40 % ont consommé du thé aux excréments, selon un article du Chinese Medical Journal. La plupart d'entre eux sont des personnes âgées. En dehors de Ma Su Qun, deux autres femmes ont affirmé que ce thé avait guéri leur cancer. Il est aussi censé pouvoir soigner les problèmes de peau, les douleurs osseuses et les problèmes gynécologiques.

Les gens vous diront souvent qu'en Chine, un lieu est spécial à cause de certains éléments naturels : un printemps chaud qui rallonge votre espérance de vie ou l'écorce d'un arbre précis qui vous fera le même effet qu'un pilule de Viagra. On m'a dit que le secret du thé aux excréments résidait dans la flore locale dont se nourrissent les chèvres et les vaches des collines. En observant la dense rangée d'arbres qui nous entourait, je ne pouvais que la croire. Peut-être y avait-t-il quelque chose qui guérissait le cancer dans cet amas de vert et de violet ? Tel est le pouvoir déconcertant des remèdes de grand-mères dans un lieu coupé du monde moderne. Guérisseurs, prêtres vaudous, pénis de tigres, thé aux excréments – tout semblait soudainement avoir un sens.

Avant de siroter mon thé aux excréments, je l'ai reniflé. C'était une odeur familière, comme celle qui flotte dans n'importe quelle ferme ou écurie. Possédant de bons souvenirs de ces lieux, j'ai presque apprécié l'odeur. Presque. J'ai failli vomir en plongeant mon nez dans la tasse fumante. Pourtant, j'en ai avalé une gorgée. Le premier goût présent dans ma bouche était l'écrasant goût sucré du sucre. Il fut suivi d'un arrière-goût d'excrément, que vous pouvez imaginer assez facilement – c'était dégueulasse.

Ma Su Qun affirme qu'elle n'a désormais plus de cancer. Elle semble en bonne santé. Elle sourit beaucoup et pour quelqu'un qui a presque 80 ans, elle est plutôt vive. Pendant que j'étais là, elle est allée brièvement dans son jardin pour enlever quelques mauvaises herbes. Peu importe la véritable nature de sa condition physique, elle n'est pas alitée, n'a pas de nausée et n'est pas faible comme le sont la plupart des gens souffrants d'un cancer du poumon. Mais qui peut dire si c'est grâce au thé aux excréments ou non ?

Je ne pense pas que les excréments seuls constituent des remèdes miracle. Il faut noter que bien que séché, cuit et infusé dans de l'eau bouillante, le fumier peut contenir des pathogènes viraux et bactériens qui peuvent contaminer l'eau potable. Ma Su Qun est la preuve vivante que quoi qu'elle fasse, les germes contenus dans le thé aux excréments ne représentent probablement pas un grand danger. Mais boire de la merde ne peut pas être recommandé, même si vous désespérez de pouvoir soigner votre cancer.

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