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reportage

Les Earthships : ces baraques post-apocalyptiques de demain, dès aujourd'hui

Tres Piedras abrite la Communauté du Monde Meilleur, un lotissement de 70 maisons construites pour être entièrement autonomes. Les maisons, appelées Earthships, sont le fruit de Michael Reynolds, un architecte de 68 ans.

Si la civilisation s'effondrait demain, la vieille devise des États-Unis, « E Pluribus Unum », serait probablement remplacée par le plus approprié « Chacun pour soi ». Les villes de ce beau pays sombreraient dans le chaos total, mais dans le calme hameau désertique de Tres Piedras dans le Nouveau-Mexique, pas grand-chose ne changerait.

Tres Piedras abrite la Communauté du Monde Meilleur, un lotissement de 70 maisons construites pour être entièrement autonomes. Les maisons, appelées Earthships, sont le fruit de Michael Reynolds, un architecte de 68 ans. Préoccupé par la dévastation de l'environnement au début des années 1970, Reynolds a commencé la construction de ces Earthships à partir de matériaux de récupération tels que les boîtes, les bouteilles et les pneus crasseux. Ces nouvelles méthodes de construction ont conduit l'innovateur à laisser de côté les angles qu’on trouve dans l'architecture traditionnelle pour des formes plus organiques, des arrondis qu’on peut retrouver dans la nature. En utilisant l'eau de pluie collectée, l'énergie du soleil et du vent, l'agriculture sous serre, et les lois thermodynamiques, Reynolds a fait de Tres Piedras un endroit unique et impressionnant.

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J'ai rendu visite à la Communauté du Monde Meilleur par un torride après-midi désertique. Chacune des maisons avait un jardin bien entretenu, l'eau courante et un intérieur agréablement frais. Après cette visite, j'ai parlé à l'architecte en personne par téléphone. Il était loin, dans le désert ; il supervisait la construction d'un Earthship isolé pour un client survivaliste.

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VICE : Comment les Earthships changent-ils la vie de leurs habitants ?
Michael Reynolds : Quand vous êtes dans une situation où tous les services publics viennent directement à vous par le soleil, le vent et la pluie, ça vous autonomise. Alors, que se passe-t-il si l'économie s'écroule ? Que se passe-t-il si les politiques ne fonctionnent pas ? Les gens restent en charge de leur vie. Le plus grand changement qui se produit, c'est que les gens deviennent moins dépendants des pouvoirs en place et plus en sécurité dans leur existence.

C'est ce que vous aviez en tête au début des années 1970, quand vous avez commencé ?
Non, je n'avais pas de plan directeur. J'ai juste suivi mon instinct, répondant à un problème, puis à un autre. Je voulais concevoir des bâtiments à partir de matériaux destinés à la poubelle, plutôt qu’en coupant des arbres. Puis, j'ai voulu récolter ma propre eau parce que l'eau se raréfie. Je voulais fabriquer ma propre énergie pour ne pas être vulnérable face aux pannes de courant, et aussi pour ne pas justifier la nécessité des centrales nucléaires. Puis j'ai commencé à voir que les eaux usées n’étaient pas traitées de façon responsable, nulle part sur la planète, donc je voulais me montrer responsable de ma propre consommation d'eau. Et je n'aimais pas la nourriture que j'achetais, même dans les magasins d'alimentation bio. Elle est encore cultivée pour l'argent et contient des colorants et toutes sortes de produits chimiques, alors j'ai voulu faire ma propre nourriture. Une chose en amenant une autre, j’ai aujourd’hui un style de vie décentralisé et absolument indépendant.

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Avez-vous une idée de pourquoi nous faisons des bâtiments comme nous le faisons ? Pourquoi les lignes droites et les angles sont la norme dans le monde occidental ?
C’est la facilité, que ce soit dans la fabrication ou l’expédition. Chaque bâtiment que vous voyez, c’est une sorte de boîte carrée. Mais regardez la nature, que ce soir un nid de guêpes ou un barrage de castors. On se sent beaucoup mieux lorsqu'on est dans un bâtiment avec des formes organiques et douces, que lorsqu'on se trouve dans un bâtiment angulaire.

J'ai lu que vos méthodes de construction vous avaient mis en conflit avec certaines normes gouvernementales. Vous pouvez m’en dire plus ?
Les lois évoluent dans un effort de protection des gens, mais c'est comme un ongle incarné maintenant. Il est temps d'évoluer au-delà de ces normes. Maintenant, les règlements inhibent l'évolution humaine.

D'où vient le terme Earthship ?
Onne voulait pas de bâtiments appelés « maisons », car il y a une idée préconçue derrière le mot « maison ». Les Earthships sont des machines, ils regroupent un type de phénomènes que la Terre utilise pour subvenir aux besoins des gens. Aussi, ils ressemblaient à une sorte de navire, les navires de l'avenir, et ils sont sur la Terre, alors nous avons fini par les appeler Earthships.

J'ai cru comprendre que vous vouliez construire un Earthship à Manhattan.
On est en train de dessiner des plans pour un projet qui a été plutôt bien accueilli par le conseil. Manhattan a vécu un moment difficile cet hiver avec l'ouragan, quand le courant a été coupé. Les gens étaient frigorifiés. Leurs canalisations ne fonctionnaient pas, et ils n’avaient plus d’eau potable. Maintenant, ils sont à la recherche de toutes les aides qu'ils peuvent obtenir.

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J'étais à New York à ce moment-là et je me rappelle à quel point c'était difficile. Les gens ont réalisé combien ils étaient dépendants aux équipements modernes.
C’est vrai. Mais nous pouvons leur proposer quelque chose de différent avec ce mode de vie.

Comment Earthship sera-t-il configuré ?
C'est un Earthship de deux étages construit sur un terrain vacant entre deux maisons en grès brun sur Pitt Street. C'est à dix minutes à pied de l'Empire State Building. Nous allons utiliser un grand miroir de 25 mètres pour refléter la lumière du soleil sur l’Earthship.

Quand est-ce que vous comptez commencer à construire ?
Sans doute l’été prochain. C'est un processus un peu lent, à cause des autorisations et des attentes de financement.

Vous souhaitez que vos maisons soient moins chères que les logements plus traditionnels. Mais j’ai cru voir qu’elles coûtaient à peu près le même prix.
Oui. Le bâtiment standard, que nous appelons le modèle global, coûte environ le même prix qu'une maison conventionnelle de taille et de qualité similaires. Et c'était une bonne première étape. Mais, le logement classique est trop cher. Beaucoup de gens ne peuvent pas se le permettre. Donc, on essaye de présenter ça de manière beaucoup plus simple pour le rendre accessible au plus grand nombre.

Apparemment, vous avez construit des Earthships simplifiés à Haïti, pour seulement quelques milliers d’euros. C’est la direction que vous souhaitez prendre ?
Oui, on aimerait en arriver à un stade qu’on appelle « le minimum de survie ». Et il y a beaucoup de gens qui dorment sur un banc dans des parcs qui verraient ça comme une option viable.

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Je sais que suivre la réglementation gouvernementale implique beaucoup de dépense.  C’est possible pour vous de la respecter en gardant un prix correct ?
On est en mesure de rester en règle pour la plupart des cas, mais certains nous obligent à être hors la loi.

Ah ouais ? Ça me paraît d’aller à l’encontre du gouvernement.
Il suffit juste d’être hors de leur portée.

Vous comptez bâtir sur les eaux internationales ?
Voilà, des trucs comme ça. Ou dans les montagnes, et pourquoi pas dans le désert. Aucun contrôleur en bâtiment n’ira me chercher là où je suis.  Personne n’a envie de se taper une montée de 40 minutes. C’est magnifique ici. Il existe des endroits comme celyi-ci un peu partout dans le monde.

Est-il possible de gagner plus d'indépendance par rapport au gouvernement d'une autre manière, ou allez-vous juste continuer à jouer au chat et à la souris avec eux ?
Non, une fois qu'on montre comment ça marche, il est possible d'obtenir des lopins de terre où on peut faire des démonstrations. Vous savez, ils testent les avions, les voitures, les médicaments et les bombes atomiques, alors pourquoi ne pourrions-nous pas tester un nouveau mode de vie ?

Vous faites allusion au gouverneur du Nouveau-Mexique qui vous donne cette terre en la dérégulant, n'est-ce pas ?
Exactement. Tous les gouvernements sont un peu inquiets en ce moment. Ils commencent à voir les avantages de l'autosuffisance.

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Prévoyez-vous un effondrement des gouvernements nationaux ?
Ce que je vois en ce moment est pitoyable, donc je m'attends à ce que ça continue à empirer.

Pensez-vous que les pouvoirs en place vous considèrent comme une menace parce que vous avez choisi de vous placer en dehors du système ?
Si on continue sur cette croissance exponentielle, on pourrait présenter une menace. À l'heure actuelle, on est tout simplement trop petits pour qu'ils s’inquiètent.

En fin de compte, si ce mode de vie est adopté sur une grande échelle, ce serait une révolution.
Je ne sais pas si je veux utiliser ce mot, car qui dit révolution dit beaucoup de sang versé, historiquement. On va simplement transcender. Vous savez, si vous n'avez pas besoin d'une centrale nucléaire, vous avez transcendé sa nécessité. Si vous n'avez pas besoin d'un système public pour l'eau, vous avez transcendé ça aussi. La même chose vaut pour l'argent. On n’essaie pas de les combattre et de les changer, on s'écarte tout simplement d'eux – on s'élève, on va de l'avant.

Vous ne pourriez plus avoir besoin de la centrale d'énergie, mais le propriétaire de la centrale aurait tout de même besoin que vous ayez besoin d'alimentation en énergie. C'est de là que le conflit pourrait venir.
Possible, mais au moment où ils vont réaliser que plus personne n'a besoin de leurs trucs, ça va être trop tard.

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