Life

Comment les polyamoureux gèrent le confinement

« Ma petite amie est confinée avec sa petite amie, qui est aussi ma meilleure amie. »
Daisy Jones
London, GB
Sandra  Proutry-Skrzypek
Paris, FR
polyamoureux confinement
Image : Bob Foster  

Le confinement strict en raison d'une pandémie n’est pas simple pour les relations humaines. Au lieu d'avoir un troisième rendez-vous au cinéma, les couples fraîchement formés se voient contraints d’emménager ensemble à la hâte, sous peine de devoir se contenter de séances de sexe programmées sur Zoom. Et s’ils vivent déjà ensemble ? Bienvenue dans un monde où « avoir un peu d'espace » consiste à s'asseoir à un mètre l'un de l'autre et à regarder des écrans séparés.

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Ceux qui vivent des relations polyamoureuses ont davantage de difficultés à surmonter. Par exemple, avec qui allez-vous partager votre quarantaine si votre relation polyamoureuse n'est pas hiérarchique ? Comment trouver du temps pour plusieurs partenaires quand un seul d'entre eux est physiquement présent ? Et que faire si votre partenaire s’isole avec quelqu'un d'autre ?

Dans cette optique, nous avons parlé à des personnes engagées dans des relations polyamoureuses afin de savoir comment elles gèrent cette situation d'enfermement et ce qu'elles en pensent.

AME, 27 ANS

J'ai une copine aux États-Unis et je devais prendre l'avion pour aller la voir avant l’annonce du confinement. J'ai pris mes distances avec elle ces derniers temps car je suis incapable de comprendre ce qui se passe dans le monde. Et depuis que j'ai rencontré quelqu'un qui vit à cinq minutes de chez moi, elle est jalouse parce que je fais des promenades après la tombée de la nuit avec ma nouvelle partenaire.

Ma copine américaine et moi nous nous fréquentons depuis environ six mois, mais c'est assez intense. Nous sortons toutes les deux de relations abusives qui ont duré longtemps. Nous avions évoqué la possibilité que je m'installe aux États-Unis pour être avec elle, mais je pense que ça aurait été difficile de toute façon, puisque mon travail me prend beaucoup d'énergie et que nos communications sont de moins en moins fréquentes.

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RORY, 26 ANS

Je vis avec mon partenaire principal, tandis que mon autre partenaire vit également avec son partenaire principal. Mon partenaire a également commencé à voir quelqu'un un mois environ avant le confinement, donc ils sont aussi en contact. Nous entretenons nos autres relations en nous assurant d’avoir des conversations téléphoniques régulières et en maintenant une communication et une intimité vitales. Comme avant le confinement, il faut s'assurer que chaque personne se sente valorisée.

Le contact physique avec mon autre petit ami me manque, mais il est important que chacun d'entre nous reste en sécurité, donc ça va devoir attendre. Heureusement, cela ne va pas durer éternellement et, pour l'instant, nous profitons juste du temps que nous passons avec le partenaire avec lequel nous vivons. Dans notre cas, il n'y a eu aucune tension, car nous sommes assez détendus et habitués à communiquer en cas de problème.

RICCARDO, 28 ANS

Moi, mon partenaire et son autre partenaire vivons ensemble depuis deux ans. Nous avons beaucoup de chance et sommes parvenus à un bon compromis : j'ai ma propre chambre, le partenaire de mon partenaire a la sienne et notre partenaire commun peut passer du temps avec nous deux séparément. C'est aussi agréable de passer du temps à trois devant un dîner et un film. Cela nous donne du « temps en famille », ce qui est sain dans un moment comme celui-ci.

Nous avons bien géré la situation ces trois dernières semaines, mais je pense que cette semaine sera un peu plus difficile. La dépression commence à se faire sentir. Certains de mes amis et plus si affinités me manquent et je sais que je ne pourrai pas les revoir de sitôt.

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Mon partenaire et moi travaillons en tant que duo artistique, nous avons donc une pièce chez nous qui nous sert de studio. Ainsi, si nous avons besoin d'espace juste pour nous, nous pouvons toujours y aller et travailler seuls. La seule difficulté est que nous n'avons plus de temps libre. Toute petite dispute est amplifiée par le fait que nous sommes toujours dans le même espace.

CAI, 28 ANS

Je vis seule et je passe la quarantaine seule. Ma petite amie est confinée avec sa petite amie, qui est aussi ma meilleure amie. Mon petit ami est seul chez lui aussi. Je vais bientôt rompre, donc ça aurait été bizarre d’être ensemble.

C'est un peu difficile sans contact physique. Ma petite amie est plus occupée que moi, donc il est difficile d'avoir son attention quand j’en ai besoin. Je trouve aussi FaceTime très ennuyeux parce que parfois j'ai juste envie de faire des câlins sans rien dire. J'ai vu mon petit ami plusieurs fois, mais nous avons gardé nos distances. Nous parlons beaucoup sur Skype.

C'est marrant d'envoyer des sextos et des nudes. Après avoir été habitué à se voir si souvent, c'est rafraîchissant. Honnêtement, cela me fait ressentir de la gratitude pour ce que j'ai. Dans le cas de mon petit ami, cela m'a donné le temps de vraiment réfléchir et de comprendre que je ne suis pas heureuse avec lui et que j'ai besoin d'aller de l'avant. On le remarque davantage quand l'intimité physique est absente et que les choses sont plus douces.

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ALEX, 28 ANS

Je vis avec ma partenaire pour l’instant, tandis que son autre partenaire vit dans un autre quartier de Londres. Avant le confinement, elles se voyaient environ toutes les deux semaines, mais maintenant, ce n'est plus possible. D'après ce qu'elle m'a dit, elles parviennent à discuter régulièrement via WhatsApp et par mail, mais le contact physique leur manque. À ma connaissance, elles n'ont pas fait de chat vidéo.

Je n’ai pas d’autre relation en ce moment, donc je me suis surtout concentrée sur ma petite amie. Je ne vais pas mentir, c'est vraiment bien d'avoir plus de temps avec elle. Dans le passé, je me suis parfois sentie mal à l'aise vis-à-vis de son autre partenaire (même si j’y travaille), donc cela me donne un peu de répit. Il est évident que les choses vont changer à l'avenir, mais pour l'instant, je me sens un peu sur un nuage.

CATEY, 19 ANS

Je suis confinée chez mes parents. J'ai quitté mon appartement à Brighton, où j'étudie, parce que tous mes colocataires sont partis. Ma petite amie est confinée chez elle, avec son copain, car ils vivent ensemble à plein temps de toute façon. Mais je n'ai pas pu la voir ces dernières semaines parce que je suis immunodéprimée et qu'elle a peur de me rendre malade.

Pendant les premières semaines, je n'étais pas trop déprimée. Mais ces derniers jours, je ressens un peu plus la solitude parce que nous nous envoyons moins de messages. Mais nous continuons nos conversations, davantage au téléphone ces derniers temps parce que c'est vraiment réconfortant d'entendre sa voix. Et nous avons un date virtuel demain sur l’appli Netflix Party.

Je m'entends très bien avec son copain. C'est comme un frère pour moi, donc ça ne me dérange pas qu'ils passent autant de temps ensemble. Il va dans la chambre de son colocataire pour nous laisser du temps ensemble, ce qui est gentil. Ce n'est donc pas si différent de faire cela en ligne. Si j'ai besoin de temps avec elle, je sais que je peux lui demander.

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