Weed
Photo par David Meulenbeld 
Drogue

J'ai cherché à comprendre pourquoi je n'aimais pas fumer de la weed

Bon sang, pourquoi mon cerveau ne m'autorise pas à ressentir les merveilleuses vibes de la culture stoner ?
Lisa Lotens
Amsterdam, NL

Il y a une personne dans ma vie, Sara, et elle aime beaucoup la weed. Sans ça, c'est déjà quelqu'un de fantastique, mais dès qu'elle fume un joint, elle devient détendue, plus drôle, plus créative, plus énergique et elle est capable d'établir des liens dans sa tête auxquels elle ne penserait pas en temps normal. Elle dégage des vibrations chill, un truc qu’une heure de pleine conscience entouré de quinze chatons ou une séance d’acupuncture ne pourraient égaler. Quand elle va en soirée, elle ne prend pas de pilules, mais elle roule un joint - et elle danse toute la nuit. J'aimerais bien être elle, mais je ne peux pas, car qu'importe le nombre de fois que j'ai essayé : il semblerait que la weed ne soit pas « ma drogue ».

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Et je suis très déçue. Parce qu’en général, les gens que j’admire sont des stoners - il suffit de penser aux meufs de Broad City, Jenny Slate, Sarah Silverman, Rihanna. Tous des gens très cool, et tous des fumeurs.

Personne ne peut nier que Rihanna transcende le concept du cool sur la photo ci-dessus.

Et je ne suis pas seulement déçue d'être peut-être un peu moins cool que ces gens-là, mais surtout, je suis aussi très curieuse de ce sentiment ultime qu'ils ressentent quand ils sont défoncés.

Mes amis décrivent ce sentiment apparemment génial comme suit :
« Un calme bourdonnant, simplement le fait d'être content »
« C'est comme si tu étais un chien en plastique qui remue la tête en souriant »
« Ça me rend social et quand j'écoute de la musique, j'entre dans une sorte de transe, ce qui me permet de mieux me plonger dans le son. »

Moi quand je fume un joint, je deviens extrêmement consciente de moi-même et de mon comportement. Par exemple, si je fais un commentaire sur le fait que j'aime les mozzarella sticks à ce moment-là, je me mets directement à analyser pourquoi cette phrase sonne si con - alors que je n'y penserais normalement pas. Parfois, je ris, mais ensuite j'en ai des sueurs et je suis énervée de la façon dont je ris. Je me sens extrêmement mal à l'aise socialement. Quand je vais aux toilettes, j'espère que tout sera toujours pareil quand j'en sortirai. Si j'arrive à en sortir. Je perds aussi immédiatement mon lien avec la personne assise à côté de moi, comme si la notion d'amitié était devenue plus distante, comme si je sentais que je ne pouvais plus me comporter normalement. Un peu paranoïaque, pourrait-on dire. Bien que je puisse parfaitement rationaliser ces pensées dans ma tête - hey man, c'est juste parce que tu es défoncée, dingue ! - elles sont bel et bien là. Si je suis bourrée et que je fume un joint, je dois gerber. En tout cas, planer avec de la weed, ça ne m'arrive jamais.

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Mais pourquoi, bon sang ? Pourquoi ne suis-je pas autorisée à faire partie d'une culture à laquelle je veux appartenir ? Pourquoi la ganja ne fait-elle pas de moi une personne plus zen ? Pourquoi, par exemple, si je ne suis pas prise pour le job de mes rêves, ne pourrais-je pas m'allumer un bon gros stick pour me calmer ? Est-ce ma personnalité, est-ce que j'ai des gènes bizarres, est-ce que je suis toujours dans le mauvais environnement ou est-ce que j'utilise simplement la mauvaise beuh ? Enfin, j'ai compris.

Premièrement, j'ai discuté avec Natasha Mason, doctorante en neuropsychologie à l’Université de Maastricht, qui étudie en quoi le THC (la partie psychoactive du cannabis et la substance qui vous rend défoncé) a un effet sur les substances chimiques présentes dans votre cerveau. Elle me dit qu'il n'y a pas de réponse claire, car la consommation de drogue est une expérience subjective et donc différente pour tout le monde. Mais une étude menée par l'Université de Chicago montre qu'une faible dose de THC peut réduire le stress, mais qu'une forte dose peut augmenter l'anxiété et un faire survenir un sentiment général désagréable.

La weed contient beaucoup de substances, dont le THC et le CBD. Le CBD garantit que les effets psychotiques générés par le THC s'amenuisent. Dans la weed néerlandaise, la teneur en THC est incroyablement élevée et la teneur en CBD assez faible - contrairement aux niveaux de ces deux substances dans la beuh à l'étranger.

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Votre environnement est également important, me dit Natasha. Des recherches chez le rat ont montré que l'anxiété et une rationalisation excessive - alimentée par le THC - est renforcée par le fait d'être dans un environnement stressant ou nouveau. De plus, les personnes qui fument souvent subissent moins d’effets négatifs liés à la weed - mais, note-t-elle, il est également possible que les personnes qui n’ont jamais eu d’expériences négatives avec la weed fument plus souvent.

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Photo par David Meulenbeld.

C'est bien beau, mais ça ne m'explique pas pourquoi je me change en lièvre paniqué, mal à l'aise sur le plan social, tandis que mes potes se contentent de s'affaler et de rayonner. Surtout quand on considère que je fume toujours les mêmes joints que mes amis, avec la même teneur en THC, dans le même environnement familier. Natasha me dit alors que ça pourrait bien être lié à ma personnalité. Elle m' explique : « L’idée générale est que, comme je l’ai dit, le THC déclenche des symptômes d’anxiété. C’est lié à certaines substances chimiques présentes dans le cerveau, à savoir la sérotonine (l'hormone du bonheur), la noradrénaline (l'hormone qui vous excite), l'acide γ-aminobutyrique (ou GABA, qui agit comme calmant) et le glutamate (substance qui aide le cerveau à fonctionner normalement, en particulier pour ce qui est de la mémoire et de l’acquisition de connaissances). Si vous me dites que vous êtes très analytique ou un peu agitée et anxieuse, alors ça veut dire que les substances chimiques présentes dans votre cerveau fonctionnent différemment de celles de personnes plus détendues, ce qui entraîne une réaction plus sensible et plus violente au THC. »

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Selon Floor van Bakkum de Jellinek, cela pourrait avoir un lien avec le fait que je suis (tout compte fait) anxieuse, que je pense beaucoup et que j'aime peut-être garder le contrôle sur les choses. En bref, j'ai trop de trucs dans la tête. « Si vous aimez analyser et contrôler les choses dans votre vie quotidienne, il sera probablement plus difficile pour vous de perdre le contrôle lorsque vous avez fumé un joint. C'est précisément parce que vous vous retenez que vous êtes moins détendue. » Quand je lui demande comment je pourrais un jour devenir une stonarde, elle me dit qu'il serait préférable pour moi de fumer de la weed avec une teneur plus élevée en CBD, car selon elle, la probable teneur élevée en THC est l'une des raisons, si l'on veut désigner un coupable. Mais elle me dit surtout qu'il faudrait mieux que je l'accepte. Que j'accepte le fait que je ne ferai jamais partie de la culture stoner. Oh, merde, hein.

Tout ça, c'est probablement vrai, mais est-ce que je ne pourrais pas simplement supprimer ces peurs ? Il doit bien y avoir un moyen de rendre ma personnalité un peu plus flexible, et puis au fond, ne peut-on pas apprendre à fumer comme on apprend à boire de l'alcool ? Avec cette question, j'appelle Daan Keiman, de l'Institut Trimbos. Il me dit que tous les effets que je décris sont caractéristiques de nombreuses personnes qui utilisent du cannabis et qu'il est en effet possible pour certains fumeurs « d'apprendre à l'apprécier ». Parce que, selon lui, les fumeurs expérimentés savent souvent exactement quels sont les facteurs environnementaux qui leur conviennent le mieux et quelles sont leurs limites - par exemple, rester chez soi sur le canapé avec des personnes de confiance. Mais il termine en me disant : « Le cannabis et vous, ce n'est peut-être tout simplement pas le perfect match. »

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Je lui demande si mes symptômes pourraient signifier que je suis plus susceptible de souffrir de psychose après avoir fumé. « Être à risque de psychose et avoir des sentiments anxieux sont des choses complètement différentes », me dit-il. « Mais vous devriez faire particulièrement attention si un membre de votre famille a déjà souffert d'épisodes psychotiques. »

Quand je n'ai plus d'experts à qui parler, je me tourne enfin vers mon amie Anne, qui me rassure. «Tu sais, tu crois peut-être que les fumeurs ont une vie super cool, mais ce n'est pas le cas. Ne pas apprécier fumer, c'est peut-être juste une énorme bénédiction. » Peut-être que je devrais finalement laisser tomber. Ne pas avoir peur de ne pas faire partie de la culture stoner, ni me sentir contrariée par le fait que le spliff ne me convient tout simplement pas. Après être arrivée à cette vérité terriblement soulageante, je me sens enfin comme ce petit chien en plastique qui bouge sa tête de haut en bas : contente.

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Cet article a été initialement publié sur VICE NL.

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