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Comment de jeunes artistes joignent les deux bouts avec leurs jobs coquins

« Je me présente comme je suis : une personne ambitieuse qui a besoin d'une aide financière. »
fille camera ordinateur

Gagner de l'argent en étant artiste est difficile, surtout au début. Pour joindre les deux bouts, les créateurs travaillent souvent dans des secteurs de premier abord moins artistiques. Mais pourquoi s'emprisonner dans un café alors que vous pouvez facilement gagner cinq fois le salaire de barmaid en tant qu'objet de luxure pour hommes esseulés ? J'ai parlé avec trois jeunes artistes de leur revenu supplémentaire en tant que sugarbaby, camgirl ou chatteuse BDSM.

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Katrien* (24), réalisatrice et sugarbaby à Bruxelles

En tant qu'étudiante, j'ai travaillé dans l'horeca : de longues heures difficiles et la plupart du temps mal payées. Malgré les nombreuses heures passées en service, j'étais toujours fauchée.

L'année dernière en Flandre, il y a eu beaucoup de bruit autour de richmeetbeautiful.com, un nouveau site de sugardating [une relation où des hommes et des femmes riches et âgés paient des jeunes pour leur tenir compagnie, ndlr]. J'étais curieuse. Au niveau sexuel, j'ai toujours été ouverte et je me suis demandé ce que ça me ferait d'être payée pour baiser. Me créer un profil de sugarbaby était aussi une sorte de découverte intérieure. Je me suis présentée telle que je suis : une personne ambitieuse qui a besoin d'une aide financière. Je n'ai pas menti sur mon identité : j'ai même donné mon vrai nom et mon vrai numéro de téléphone. Si j'avais eu à prétendre être le contraire de ce que je suis réellement, j'aurais eu l'impression de faire quelque chose de honteux.

« J'ai même trouvé ça stimulant : en tant que travailleuse du sexe, j'étais plus respectée qu'en tant que serveuse. »

Sur ce site Web, j'ai conversé avec deux hommes à plusieurs reprises. Le premier rendez-vous était pour faire connaissance, dès le second on couchait ensemble. Je n'ai pas trouvé ça difficile. En fin de compte, vous ne fournissez qu'un service. J'ai même trouvé ça stimulant : en tant que travailleuse du sexe, j'étais plus respectée qu'en tant que serveuse. Tout s'est passé très honnêtement, avec des accords clairs. Je n'avais pas l'impression d'être utilisée. J'ai gagné environ 250 à 300 euros par rendez-vous, qu'il s'agisse d'une soirée ou d'une demi-heure. Dans l'horeca, je devais travailler pendant au moins deux jours complets pour rassembler une telle somme.

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Avec un des types, j'ai vraiment eu un bon déclic, il ne s'agissait pas que de sexe. Nous sommes allés dîner régulièrement et avons eu des conversations intéressantes. Avec l'autre, tout était beaucoup plus professionnel, presque clinique. Par exemple, il déposait toujours un mouchoir sur la chaise, prêt à être utilisé. Je ne me sentais pas mal par rapport à ça. J'étais même plutôt fascinée.

En fin de compte, j'ai rapidement arrêté le sugardating, car j'ai rencontré mon copain actuel. Il ne pouvait pas apprécier mon job comme je le faisais. C'est pourquoi je suis retournée à mon job dans l'horeca et mes parents m'aident de temps en temps. Ça a été assez difficile de voir mes revenus diminuer de moitié en très peu de temps. Mais ma relation en vaut la peine. J'aurais surement continué avec les sugardaddy si j'avais été célibataire. Pourquoi pas ? Le féminisme, pour moi c'est ça : décide toi-même ce que tu fais avec ton corps.

Lela (21), étudiante en photo et camgirl à Amsterdam

Comme je cherchais un travail flexible que je pouvais faire de chez moi, j'ai répondu il y a environ un an et demi à un appel en ligne pour « envoyer des messages érotiques ». Finalement, il s'est avéré qu'ils recherchaient des modèles webcam. C'était un peu plus excitant, bien sûr, mais pourquoi pas, pensai-je.

Sur islive.nl, les utilisateurs, principalement des hommes de tous âges, payent pour le temps passé sur le site. J'ai un profil, vous pouvez discuter avec moi en groupe et passer en privé en payant plus cher, où je serai alors plus dénudée.

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Mon microphone reste éteint et je ne montre jamais mon visage, sauf lors d'une conversation en tête-à-tête. Mais seulement si la personne paie vraiment beaucoup et si je suis sûr qu'il ne va pas me reconnaître. Mes parents ne sont évidemment pas au courant de ce revenu supplémentaire. Je ne voudrais pas que leur voisin me voit soudainement apparaître sur son écran. Je n'ai pas peur des screenshots : il y a tellement de bons sites pornographiques disponibles en ligne, pourquoi vouloir conserver une image webcam amateur un peu floue ?

« C’est agréable d’être admirée, mais aussi un peu addictif. »

En moyenne, je gagne entre 50 et 60 euros par heure. Mais si vous êtes bon en multitasking, je peux vous faire cracher beaucoup plus. Mon contrat est mieux réglementé que la plupart des emplois à temps partiel. Vous pouvez être payé jusqu'à trois fois par mois, bien utile quand vous avez besoin d'argent rapidement. Deux de mes colocataires ont également commencé à travailler comme modèle webcam sur mes conseils. Je perçois maintenant un pourcentage sur leurs revenus, sans ça, ils toucheraient moins. Bien ficelé, non ?

Je me connecte parfois quasi toutes les nuits, parfois pas une fois durant un mois. Ce qui j'ai commencé comme une nécessité financière, je le fais maintenant plus pour mon propre plaisir. J'ai encore un autre job. C'est vrai que maintenant, quand j'ai envie de me masturber, je peux le faire directement devant la webcam. Du coup je gagne immédiatement de l'argent. Mon petit ami actuel n’a aucun problème avec ça, il est parfois avec moi dans la pièce quand je travaille, il trouve ça intéressant.

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Faire de la webcam, ça a augmenté ma confiance en moi. Penser que des types me veulent tellement qu'ils sont prêts à payer pour ça, ça m'excite. Quand je suis en ligne, je suis traité avec plus de respect que quand je marche dans un supermarché. C'est agréable d'être admirée, mais aussi un peu addictif. Parfois, quand mon copain ne me donne pas assez d'attention, j'allume la webcam puis je bouge mes fesses d’une manière qui, je le sais, convient très bien à mon public.

Nina* (31), réalisatrice pour le théâtre et performeuse à Berlin, travaille dans une chatroom bdsm

Un de mes amis se faisait de l'argent avec une chatroom bdsm pendant son temps libre. Étant donné que je cherchais un job flexible que je pouvais faire à domicile, j'ai décidé de m'inscrire aussi. Sur quel site, je préférerais ne pas le dire. Ils sont fiers de travailler avec de vrais profils, ce qui n’est bien sûr pas le cas. Sur base de photos de femmes d'Europe de l'Est, les personnes présentes dans la chatroom doivent inventer différents personnages de domina et d'esclaves.

En plus, on doit également concevoir toutes sortes de scénarios sexuels : des histoires sur ce que nous ferions ou subirions si nous nous rencontrions IRL. Naturellement, de telles rencontres sont hors de question, mais on doit continuer à jouer le jeu jusqu'au bout. Il faut pas mal créativité pour trouver continuellement de nouvelles excuses. Mais laisser libre cours à mon imagination, ça me plait. Personnellement, j'ai également des affinités avec le monde bdsm, ce qui bien sûr m'a aidé.

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« En tant qu'esclave sur ce forum, je me suis vraiment heurtée à des formes violentes de masculinité toxique. »

Incarner la domina était facile, les profils soumis un peu moins. En tant qu'esclave sur ce forum, j'ai vraiment rencontré des formes violentes de masculinité toxique. Par exemple, il y avait un policier qui tenait à fister de très jeunes filles. Je discutais avec le profil d'une fille qui n'avait pas l'air d'avoir plus de seize ans, d'après ses photos. J’ai trouvé quelque peu inquiétant que quelqu'un de tellement sadique dans l'intimité soit également un agent avec du pouvoir dans la vraie vie.

Je suis devenu dépendante du nombre de caractères qui ont été tapés dans ma salle de discussion. Mais c'était dur de rester authentique quand je discutais en même temps avec au moins cinq personnages différents. Du coup, je ne gagnais en moyenne que 12 euros par heure, la nuit et le week-end, c'était plus. Je savais que ceux qui étaient plus doués pour le multitasking gagnaient jusqu'à 60 euros par heure.

Pour un job qui en fin de compte, n'était pas mieux payé que celui de serveuse, le travail s'est avéré être beaucoup plus stressant mentalement que je ne le pensais. Le moment le plus difficile a été ma conversation avec un garçon de 16 ans qui venait de découvrir ses tendances BDSM. Lui faire comprendre que ces sentiments sont acceptables et qu’il n’est en aucun cas le seul à les ressentir, ça m'est apparu comme une trop grande responsabilité. Je me sentais aussi coupable qu'il ait osé se livrer sans filtre à quelqu'un qui n'existait pas du tout. Pour fournir une telle assistance psychologique via un chat, j'aurais dû gagner au moins deux fois. C'est la raison pour laquelle j'ai arrêté.

* Pour protéger la vie privée des personnes impliquées, ces prénoms sont inventés. Les vrais noms sont connus de la rédaction.

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