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Richard Martineau veut faire taire un média indépendant qui s’est foutu de sa gueule

Victime de « bullying », le défenseur de la liberté d'expression réclame 350 000 $ à Ricochet.
Photo : CHOI Radio X

Richard Martineau réclame 350 000 $ au média web indépendant Ricochet, ainsi qu'à un de ses chroniqueurs et à un caricaturiste, pour « diffamation » et « atteinte à la réputation ».

Martineau dénonce les propos tenus dans deux textes de Marc-André Cyr,Notice nécrologique : Richard Martineau (1961-2016), publié en février, ainsi qu'une réponse à Martineau et ses défenseurs, publiée en avril. Les caricatures d'Alexandre Fatta sont également visées par la poursuite.

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Dans la « notice nécrologique », Cyr simule humoristiquement la mort de Richard Martineau, prétexte pour faire une rétrospective peu glorieuse de sa carrière de chroniqueur et d'animateur dans les médias, où il est connu pour son ton provocateur et ses coups de gueule. Le tout est accompagné d'illustrations où Dieu jette la dépouille de Martineau à la poubelle, ou encore où un chien attend son tour pour uriner sur sa tombe.

Dans la poursuite, Richard Martineau considère que les mots de Cyr incitent « à ce qu'on s'en prenne à lui physiquement » et appartiennent « à un registre sans précédent de haine et de violence, réelles et symboliques ». Quant aux images, elles « ajoutent une cruauté visuelle au verbe violent » des chroniques.

Richard Martineau juge que tous les articles et commentaires écrits à son sujet par Marc-André Cyr dans les six dernières années sont « une véritable opération de destruction » dirigée vers lui, « nourrie par l'intention claire et évidente de nuire à [sa] réputation ».

Une poursuite « surprise »

Ricochet a été mis au courant de la poursuite il y a trois semaines, et l'équipe de cinq personnes est depuis bouleversée.

« C'est vraiment une tonne de brique sur nos têtes. C'est une immense source de stress, raconte Gabrielle Brassard-Lecours, cofondatrice et responsable de l'information à Ricochet. On comprenait un peu mal pourquoi ça arrivait, surtout maintenant, compte tenu que le texte pour lequel on est poursuivis a été publié en février. »

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L'équipe du Ricochet est surprise par l'ampleur des sommes demandées, soit 250 000 $ en dommages et intérêts et 100 000 $ en dommages exemplaires, justifiés, selon la poursuite, « afin d'envoyer un message clair que de tels écrits, dessins et autres publications de même nature ne sauraient être tolérés en démocratie ».

Pour Ricochet, c'est un coup dur, alors que le média en ligne ne constitue même pas un gagne-pain pour l'équipe. « C'est totalement démesuré par rapport à nos moyens. Il sait très bien qu'on n'a pas cette somme. Qu'est-ce qu'il cherche derrière ça? Dans notre tête, c'est une façon de nous faire taire. Si on ne peut pas payer la somme, qu'est-ce qu'on fait? On déclare faillite, on met la clé dans la porte. »

Afin d'acquitter ses coûts de défense, Ricochet a lancé lundi matin une campagne de sociofiancement avec un objectif de 50 000 $. Au moment de la publication, le média indépendant avait accumulé un peu moins de la moitié de la somme.

Deux visions de la liberté d'expression

Au cœur du litige : la liberté d'expression. Mais, en plus des interprétations contraires qui s'affrontent, les deux partis s'accusent d'en avoir une vision à sens unique.

Évoquant une plainte contre Martineau faite par le caricaturiste Alexandre Fatta au Conseil de presse, la poursuite martèle que « les défenseurs voient la liberté d'expression comme un droit absolu dont ils sont les seuls bénéficiaires […] en ce qu'ils prétendent à la fois avoir la liberté de publier des messages haineux contre [Martineau] et de le bâillonner au moyen de représailles lorsque celui-ci les dénonce publiquement ».

Gabrielle Brassard-Lecours réplique que Martineau est « un grand défenseur de la liberté d'expression » et qu'il est « un peu malheureux de voir qu'il la défend, mais quand ça s'adresse à lui, finalement, ça ne s'applique plus ».

Richard Martineau n'a pas donné suite aux demandes d'entrevue de VICE.