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Musique

Pour AJJ, être apolitique n’est plus une option

Le chanteur du groupe nous a expliqué comment rester sain d’esprit dans l’ère Trump.
Pour AJJ, être apolitique n’est plus une option

Depuis bientôt 15 ans, les membres d’AJJ, anciennement Andrew Jackson Jihad, proposent un folk punk conscientisé, ludique et irrévérencieux. En revisitant son catalogue, on se rend compte que le groupe tente depuis longtemps de nous avertir des dangers qui nous ont menés au climat social actuel. Avec des chansons comme American Tune, où Sean Bonnette, le chanteur de la formation, scande : « Je suis un homme blanc hétéro en Amérique, j’ai toute la chance dont j’ai besoin », on réalise que le succès d’AJJ repose d’abord et avant tout sur le fait que le groupe est bien conscient de ses privilèges et que son but reste surtout de conscientiser ses fans, avec des paroles auxquelles ils peuvent facilement s’identifier.

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Le groupe d’Arizona est présentement en tournée pour promouvoir son nouveau projet, Ugly Spiral: Lost Works 2012-2016, une sorte de compilation où des chansons phares et d’autres compositions moins connues sont réimaginées. VICE s’est entretenu avec Sean, juste avant son passage à Montréal ce soir à l'Astral, pour comprendre où il trouve la force de continuer quand tout semble s’empirer.

VICE : Salut Sean! Je sais que vous en avez parlé auparavant, mais peux-tu m’expliquer le changement du nom du groupe, d’Andrew Jackson Jihad à AJJ?
Sean Bonnette : On ne voulait plus vraiment utiliser le mot jihad, à cause de la situation actuelle dans le monde. On ne voulait pas faire partie du problème de la démonisation de la communauté musulmane. On voulait aussi arrêter de parler d’Andrew Jackson, car Donald Trump en fait assez pour rappeler sa mémoire, et on n’a jamais voulu l’honorer en premier lieu. C’est certain que c’est beaucoup moins excitant comme nom!

Avez-vous déjà pensé à changer le nom complètement?
Oui, j’y pense souvent. On a adopté quelques sobriquets, dont Ugly Spiral, le nom de notre nouvel album. Je pense que c’est plutôt cool comme nom.

Justement, peux-tu m’en dire plus sur ce projet?
Je le vois un peu comme un album d’une dimension parallèle. Beaucoup des chansons proviennent de nos autres albums. Il y en a aussi quelques-unes qui n’ont jamais été dévoilées auparavant, dont une de mes chansons préférées parmi toutes celles qu’on a écrites, Space and Time, qui est la première sur l’album. On a vraiment essayé de lui trouver une place sur notre album précédent, The Bible 2, mais elle avait un ton très différent, et on voulait donc trouver un moyen d’honorer cette chanson avec un lancement officiel.

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Vous êtes revendicateurs dans votre musique depuis le début, et j’ai l’impression que ça fait longtemps que vous nous prévenez du climat social actuel. Où trouvez-vous l’inspiration de continuer quand la situation semble être pire que jamais?
C’est très compliqué et fatigant. Mais récemment, ce qui m’aide beaucoup, c’est de penser à une phrase de la cousine de Ben (le bassiste du groupe), qui est une nonne en Allemagne et qui passe beaucoup de son temps à aider des réfugiés politiques dans son couvent. Elle nous a dit quelque chose comme : « La meilleure chose à faire, c’est de survivre et de surmonter du mieux qu’on peut, de danser et de passer du bon temps avec ses amis et sa famille. » Et en somme de ne pas laisser les connards nous miner. Il faut se laisser la chance d’être heureux malgré les tragédies, car c’est le carburant qui peut nous aider à être un changement positif sur cette terre.

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Voyez-vous l’ère de Trump comme étant une nouvelle ère pour le groupe, vu le changement radical dans le climat social?
Certainement, oui. Je ne crois pas que j’ai fait un travail adéquat dans les deux dernières années pour documenter ma position par rapport à mes sentiments. Je pense que c’est une chose que je regretterai éventuellement. J’aurais aimé avoir gardé un journal intime de 2016 à maintenant où j’aurais pu noter comment je me sens pour que je ne puisse jamais oublier ce qui se passe en ce moment. Mais j’ai été plutôt déprimé.

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Pendant un moment, j’essayais comme forme de protestation de ne pas écrire des chansons politisées, et ça m’a beaucoup ralenti. Donc nous venons de sortir deux chansons, dont une intitulée Night of the Long Knives (« la nuit des longs couteaux »). Ce sont deux chansons qui grondent en moi depuis un moment, et ça fait du bien de les avoir sorties, car chaque chanson traite soit de politique, soit d’à quel point j’aime mon chien.

Il y a aussi que je reconnais qu’on ne peut plus être apolitique en musique, du moins pas en ce moment. C’est un luxe qu’on ne peut que se permettre dans une société en santé, et la nôtre est très mal en point.

Et qu’est-ce qui contribue d’après toi à votre longévité, après près de 15 ans de carrière?Un traumatisme commun. En 15 ans en tant que groupe, on a surmonté plusieurs épreuves difficiles, mais on a toujours su en rire et s’en sortir avec bonne humeur. Il y a certainement eu des moments extrêmement durs, mais rien n’a pu nous briser jusqu’à maintenant.

Cette entrevue a été légèrement éditée et abrégée par souci de clarté et de concision.

Billy Eff est sur internet ici et .