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Le fentanyl se cache dans les drogues de Montréal, tandis que les décès par surdoses d’opioïdes augmentent

« On est devant une urgence de santé publique. »
Photo tirée du documentaire Dopesick.

En raison « d'un nombre de surdoses et de décès par intoxication probable plus élevé qu'attendu » et de la présence de fentanyl dans les drogues à l'insu des consommateurs de la métropole, un appel à la vigilance a été publié hier soir par la Direction régionale de santé publique de Montréal (DRSP).

Plusieurs cas ont fait la manchette ces dernières semaines, notamment sept surdoses non mortelles liées au fentanyl survenues dans la nuit du 17 août à Montréal et la mort de deux frères la semaine suivante, peut-être aussi causée par le fentanyl.

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En tout, la DRSP recense 12 décès par surdose probable pour le mois d'août, et 24 cas d'intoxication où la naloxone, l'antidote aux surdoses d'opioïdes, a été administrée.

Mais avant même ces cas, avec les données du Bureau du coroner, d'Urgences-santé et d'un programme d'accès communautaire à la naloxone, on constatait une augmentation des décès et des surdoses, d'après la Dre Carole Morissette, médecin-conseil à la DRSP.

C'est ce qui a mené à une nouvelle initiative de vigie lancée par la DRSP le 1er août, où des consommateurs de drogues pouvaient volontairement soumettre un échantillon d'urine pour analyse. Selon les données préliminaires, parmi la cinquantaine d'échantillons testés, une dizaine contenait du fentanyl, l'antidouleur jusqu'à 100 fois plus puissant que la morphine.

Les consommateurs en question ne semblaient pas savoir qu'ils avaient consommé du fentanyl : ils avaient indiqué avoir consommé soit de l'héroïne, soit un mélange d'héro et de coke. On ignore si le fentanyl est présent dans d'autres drogues, mais il semble assez clair que le fentanyl est présent dans l'héroïne sur le marché.

« C'est exactement la situation qui a amené la crise dans l'Ouest canadien, lance la Dre Morissette. On n'est pas à la même intensité ni de distribution ni de cas que l'Ouest canadien, mais c'est quand même très préoccupant. […] Pour nous, ça veut dire qu'on est devant une urgence de santé publique. »

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L'enquête est lancée

Toute cette situation a fait passer la DRSP en mode « enquête », ajoute-t-elle.

L'organisme demande dorénavant aux médecins des urgences et des soins intensifs de lui signaler les cas de surdose et de recueillir des échantillons d'urine pour les envoyer au laboratoire de toxicologie du Québec.

« Non pas à des fins de prise en charge clinique, mais bien à des fins de santé publique. Pour qu'on soit capable de mieux préciser, avec un tableau de surdose, la cause exacte, dans le souci de pouvoir bien identifier les substances qui sont impliquées dans les surdoses qui conduisent à l'hôpital », explique la Dre Morissette.

Le programme restera en place tant que les surdoses n'auront pas diminué.

Un portrait qui se précise

Jusqu'à tout récemment, nous n'avions pas de portrait à jour du nombre de décès par surdose d'opioïdes dans la province, alors que la crise du fentanyl fait des centaines de morts dans l'ouest du pays. Le Québec était d'ailleurs la seule province à ne détenir aucune donnée officielle sur le sujet.

En plus des informations diffusées par la DRSP, il est maintenant possible de consulter un rapport préliminaire des années 2000 à 2016, publié mercredi par l'Institut national de santé publique (INSPQ).

Depuis le tournant du millénaire, on dénombre 2559 décès par intoxication aux opioïdes au Québec chez les personnes de 20 ans et plus, et la tendance est à la hausse.

Entre 2000 et 2004, on a compté en moyenne 92 surdoses mortelles d'opioïdes par année, dont une seule attribuable au fentanyl annuellement. En 2015, il y aurait eu 222 surdoses d'opioïdes et dans 32 cas, le fentanyl serait en cause. Pour l'année dernière, on compilerait 140 surdoses d'opioïdes, dont 27 de fentanyl.

À noter que ces nombres peuvent changer, puisqu'au moment de l'extraction des données, des enquêtes sur la cause du décès étaient toujours en cours pour les années 2015 (7 % des cas) et 2016 (44 %).

Entre la période 2005-2009 et 2016, la proportion de décès non intentionnels liés à la consommation d'opioïdes a également bondi, passant de 48 % à 67 %.