Obia le Chef est le « padre » du street rap montréalais
Crédit photo: Carlos Guerra

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Culture

Obia le Chef est le « padre » du street rap montréalais

« La jeunesse fuck encore avec moi. »

Difficile de passer à côté de Soufflette, le nouvel album d’Obia le Chef sorti la semaine dernière. Non seulement parce que tous les médias traditionnels en parlent, du Devoir à Radio-Canada, mais surtout parce qu’il est attendu par plusieurs générations de fans de rap francophone de Montréal à Paris en passant par Bruxelles. Le Chef jouit notamment du soutien de certains poids lourds de l’industrie, comme High Klassified, qui multiplient les stories Instagram pour appuyer l’un des rappeurs préférés de ses jeunes années. Parce qu’Obia n’en est pas à son premier essai, VICE est allé discuter sans filtre avec celui qui vit actuellement une renaissance artistique des plus totale.

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VICE : Est-ce que c’est difficile de concilier la vie de street rapper et celle de père de famille?
Obia le Chef : C’est une bonne question, mais, avant d’y répondre, j’aimerais savoir c’est quoi ta définition de street rapper?

Pour moi, un street rapper, c’est un rappeur qui ne fait pas du rap de gentil – du rap de iencli pour les connaisseurs – et qui utilise le slang de la rue sur des instrumentales trap plutôt sombres.
OK, dans ce cas-là, on peut dire que je suis un street rapper… Tu sais, le rap, c’est un métier comme un autre au final. Ceux qui connaissent le succès doivent faire beaucoup de sacrifices et la plupart vont sacrifier ce qu’ils ont de plus cher, à savoir leurs proches. J’ai toujours été un gars très concerné par sa famille et j’essaye de passer le plus de temps possible avec mes filles. Malgré les sessions studios, les concerts et les interviews, il faut savoir prendre le temps d’être avec les siens. Ça m’aide beaucoup aussi d’avoir une femme qui me comprend et qui me supporte dans cette aventure. Je ne suis pas le seul dans ce cas-là — Koriass et Knlo sont des pères de famille et arrivent à joindre les deux bouts.

Mais justement, eux, ce ne sont pas vraiment des street rappers .
Ce n’est pas une question de street rapper ou de rappeur gentil. Il n’y a pas de différence sur le plan humain ou sur la qualité de la musique. Tu peux faire du bon rap sans pour autant être vulgaire. Par exemple, quand j’utilise le mot bitch, c’est plus pour faire référence à un rappeur plutôt qu’à une femme. J’ai deux filles en plus, ce qui fait que je ne suis jamais en train de dénigrer une meuf dans mes morceaux, même si c’est sûr qu’il y en a certaines qui le mériteraient… Ce n’est pas pour autant que je fais du rap conscient. J’essaye simplement de faire passer des messages avec des punchlines qui mélangent humour et images fortes sans être moralisateur.

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Crédit photo: Carlos Guerra

Est-ce que tes enfants écoutent ta musique?
Je ne sais pas si mes filles écoutent ma musique. Elles en écoutent avec moi dans la voiture, mais je ne les ai jamais surprises en train d’écouter mes morceaux. Parfois, je leur demande ce qu’elles en pensent, mais ça reste très en surface. Quand elles grandissaient, je jouais moins de rap à la maison pour ne pas leur bourrer la tête avec des motherfucker, bitch, etc. Je leur faisais écouter des trucs plus old-school à la place.

Justement en parlant d’ old-school , l’étiquette de vétéran te colle aujourd’hui à la peau.
Oui, certains médias aiment me qualifier ainsi. Dans l’appellation vétéran, il y a un côté « ancien combattant, amputé de guerre » qui me dérange un peu. Après, ça dépend de l’intention qu’il y a derrière. Faut pas se mentir, dans le rap jeu, l’âge compte pour beaucoup et c’est dommage. Avant de voir l’âge, les gens devraient plutôt regarder la jeunesse de l’âme.

Ceux qui n’en ont vraiment rien à faire de ton âge, ce sont les collaborateurs de ton album.
Oui, c’est vrai. High Klassified m’envoie des beats depuis 2011-2012, bien avant qu’il fasse de la musique avec The Weeknd; c’était l’époque où son alias était encore HK The Hitman. Le shit était dope, mais, à cette époque, je travaillais plus dans un son classique hip-hop boom bap. Après, on s’est recroisés naturellement quelques années plus tard, et il m’a dit que je suis un des rappeurs à qu’il donnerait bien un beat. C’est là où je me suis dit que la jeunesse fuck encore avec moi.

Crédit photo: Carlos Guerra

Pourquoi décris-tu Soufflette comme ton premier album alors que tu n’es pas à ton premier projet?
J’aborde cette nouvelle aventure musicale comme une renaissance, avec une trame sonore qui a évolué et que j’ai adaptée au goût du jour. C’est aussi surtout parce que c’est le premier album que je sors sur une maison de disques. Souvent, à mon âge, les rappeurs ne vont pas produire leur meilleur projet, ils sont plutôt vers la fin de leur carrière que du début. Dans mon cas, c’est totalement l’inverse, j’ai l’impression que je viens de sortir mon meilleur album.

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