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Drogue

Pourquoi il vaut mieux cesser d’utiliser le mot marijuana

Le gouvernement de Justin Trudeau a même cessé de l’utiliser dans ses documents officiels. Auparavant, sous Harper, on parlait de « marihuana ».

Depuis que le gouvernement libéral a déposé son projet de loi sur la légalisation du cannabis, on entend le mot marijuana partout. S'il est vrai que les synonymes sérieux pour désigner les plantes de la famille des cannabinacées ne sont pas nombreux, le terme marijuana renvoie au passé raciste de l'Amérique du Nord et associe la consommation de cannabis à la communauté latino-américaine et afro-américaine.

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Mais il faut remonter au début du 20e siècle pour mieux comprendre les origines troubles du « M word ».

Avant 1910, le terme latin cannabis était pourtant utilisé dans toute la littérature scientifique.

Entre 1910 et 1920, alors que la guerre civile fait rage dans leur pays, près de 900 000 Mexicains trouvent refuge aux États-Unis. À cette époque, on connaît le cannabis depuis un bon moment, mais il est rarement consommé de façon récréative. Ce flot humain arrive avec de nouvelles habitudes culturelles, rapidement intégrées par la population américaine.

En 1913, une première loi prohibitionniste du cannabis est votée en Californie. Ce document passe relativement inaperçu, sauf dans les cercles pharmaceutiques. On parle alors de « loco weed » pour désigner le cannabis ( loco pour « fou », en espagnol).

Le terme marijuana est de plus en plus utilisé pour parler de la plante qui gagne en popularité, alors que les mesures prohibitionnistes s'étendent à l'ensemble du pays. Et les politiciens utilisent ce mot à connotation étrangère pour l'associer aux populations migrantes.

En 1937, le cannabis devient officiellement illégal partout aux États-Unis avec la Marihuana Tax Act of 1937. On doit à l'auteur du document, Henry Anslinger, des envolées parmi les plus racistes pour parler de la drogue.

« La marijuana est la drogue ayant causé le plus de violence depuis le début de l'humanité, a-t-il dit devant le Congrès en 1937. La plupart des fumeurs de marijuana sont des nègres, des hispanophones, des Philippins et des artistes. Leur musique satanique, le jazz et le swing, est un résultat de la consommation de marijuana. »

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Anslinger demeurera directeur du Bureau fédéral des narcotiques jusqu'en 1962.

Le Canada a été plus précoce que les États-Unis et a rendu le cannabis illégal en 1923. La première femme juge municipale de l'empire britannique, Emily Murphy, l'une des Célèbres cinq, a joué son rôle dans la prohibition.

En 1922, elle publie The Black Candle, un brûlot antidrogue et anti-immigration. L'ouvrage décrit les Africains, les Afro-Américains, les Chinois, les Grecs, les Mexicains et tous les non-Blancs comme faisant partie d'une conspiration internationale appelée « The Ring » voulant corrompre la « pureté » de la race blanche nord-américaine.

Les fumeurs de « marijuana » de l'époque tombaient donc dans le piège tendu par la faction mexicaine de « L'Anneau » et risquaient de perdre la raison.

« Les Mexicains se rendent fous avec une drogue appelée "marahuana", peut-on lire dans The Black Candle. Elle a d'étranges et terribles effets. Il semble que ceux qui en inhalent font tout ce qui leur passe par la tête. »

On peut donc dire qu'Emily Murphy est l'une des pionnières de la guerre moderne contre le weed.

Le terme marijuana a un lourd passé historique qui mérite d'être rappelé. Alors, la prochaine fois que vous vous roulez un deux papiers, mieux vaut parler de cannabis.

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